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27/03/2009

Le Carnaval

Alors.. Continuons notre description des festivités napolitaines. La dernière fois, j'ai parlé de la Sant'Antonio et de ses feux de joie, le 17 janvier. Le lendemain commence la période de Carnaval qui se finit le 24 mars, jour de Mardi-Gras. Ca dure donc plus d'un mois. Cette Carnaval à Naples c'est très, très particulier, à tel point que j'ai un peu du mal à la considérer comme une fête. Ce serait plutôt un mois de peur dans la rue, un mois où les enfants deviennent les véritables maîtres de la rue. C'est connu, pendant le Carnaval on se fait des farces, les enfants se lancent des oeufs et de la farine, c'est limite rigolo mais c'est pas méchant, en France aussi on connaît ça. Mais à Naples comme d'habitude ça dégénère... Et pendant tout le mois on voit ces bandes d'enfants roder d'un air menaçant. Au début ils se lancent les oeufs entre eux, mais ils finissent vite par se lasser et ils commencent à s'en prendre aux passants. Mais pas n'importe quels passants : uniquement les femmes seules, sans défense! Un bel exemple de courage... Et ils redoublent d'imagination pour malmener leurs pauvres victimes : les oeufs en pleine figure, bombe à raser dans les cheveux, seringues de javel sur les vêtements et même pour les plus demeurés à court d'idées, directement des cailloux pour faire mal. Ca peut finir en véritable pugilat, sous le regard attendri des parents. "C'est des enfants, faut qu'ils s'amusent..." Quel amusement! Ca fait une impression très bizarre ces groupes d'enfants qui parcourent les ruelles d'un air menaçant. On dirait un peu des milices qui patrouillent la ville et choisissent leurs victimes. Quand on passe devant eux, le mieux est de ne pas se faire trop remarquer ou de changer de trottoir. Mais bon, vive l'ambiance de fête! Il y a régulièrement des blessés, victimes de l'amusement un peu trop forcé des gentils garnements. Cette année la Commune a même fait passer une loi anti-oeufs : il est interdit de vendre des oeufs et autre bombe à raser aux mineurs pendant toute la période de Carnaval. Le dernier jour de Carnaval, on atteint le paroxysme, beaucoup suspendent leurs activités, il est fortement recommandé de ne pas sortir tout seul de chez soi.

A noter cependant que cette année le dernier jour du Carnaval a été plutôt calme. Est-ce grâce à la loi anti-oeufs qui a mis les enfants à court de munition. Ou alors grâce aux patrouilles anti-oeufs qui se sont organisées pour donner la chasse aux garnements qui exagèrent. Ou tout simplement que les enfants ont finit par se lasser après tout un mois à lancer des oeufs...

En tout cas quand finalement le Carnaval se termine, tout le monde fait un grand ouf! de soulagement. La vie peut reprendre son cours (plus ou moins) normal

 

Mais le Carnaval ça n'a pas toujours été ça. Dans le temps, il y avait de véritables festivités. On savait s'amuser à l'époque. Les voyageurs du XVIIIème siècle parlent de ces fameux jeux de cocagne qui étaient organisés dans la ville à l'occasion du Carnaval. Le mât de Cocagne vous connaissez : un grand poteau enduit de savon noir en haut duquel sont accrochées des victuailles. Mais là encore, n'oublions nous sommes à Naples... A la place du mât c'était une immense structure de bois avec échafaudage et un décor figurant une scène bucolique de campagne et un peu partout étaient accrochées des victuailles variées : dindes, poulets, jambonneaux, quartiers de bœuf. Et en attendant le signal, toute la foule se pressait autour de la structure, entourée d'une chaîne et gardée par des soldats pour éviter les pillages. Mais laissons plutôt parler le Marquis de Sade qui se trouvait là en 1776 et qui nous raconte la scène de manière effrayée (et pourtant lui, il en a fait de belles aussi...) :

"A midi précis, tout le peuple dans la place, toute la ville aux fenêtres, le Roi lui-même souvent sur son balcon, on entend un coup de canon. A ce signal, la chaîne s'ouvre, le peuple accourt et dans un clin d'œil tout est enlevé, arraché, pillé avec une frénésie qu'il est impossible de se représenter. Cette effrayante scène qui me donna, la première fois que je la vis, l'idée d'une meute de chiens auxquels on fait la curée, finit quelque fois tragiquement. Deux concurrents sur une oie ou sur une pièce de bœuf ne se souffrent pas impunément. Il faut que la vie de l'un ou de l'autre en décide. Je fus témoin d'une horreur en ce genre qui me fit dresser les cheveux. Deux hommes s'attaquèrent pour une moitié de vache : le sujet en valait la peine, j'en conviens. A l'instant, le couteau est à la main. A Naples et à Rome, c'est la seule réponse à une discussion. Un d'eux tombe et nage dans son sang. Mais le vainqueur ne jouit pas longtemps de sa victoire. Les échelons sur lesquels il grimpe pour en aller dérober le fruit manquent sous ses pieds. Couvert de la moitié de vache, il tombe lui-même sur le cadavre de son rival. Viande, blessés, morts, tout ne fait qu'un. On ne voit qu'une masse, lorsque de nouveaux concurrents, profitant à l'instant de la disgrâce des deux vaincus, démêlent le monceau de viande des cadavres sous lesquels il est englouti, et l'emportent en triomphe tout dégoûtant encore du sang de leurs rivaux.."

Quand je vous disais qu'ils savaient faire la fête en ce temps-là… Ces fêtes d'une barbarie rare, qui excitaient de pauvres affamés, ont finalement été supprimées, mais ça donne une idée de la manière dont Naples a toujours su faire la fête. Il faut toujours que ça exagère.

Il y avait aussi des courses de chevaux organisées Via Toledo, de la Place Dante à la Place du Plébiscite. Toute la rue était recouverte de sable et on faisait concourir une douzaine de chevaux à la fois. C'était sûrement très beau, mais fréquemment les chevaux glissaient et vue que la rue n'est pas large du tout, ils finissaient sur le public qui était de part et d'autre et là aussi il y avait fréquemment des morts et des blessés. Donc plus de courses de chevaux non plus.

 

Mais puisque maintenant il n'y a plus ces fêtes de Cocagne, plus de courses à cheval, puisqu'on fait la chasse aux enfants jeteurs d'œufs, que fait-on à Carnaval? …On mange!

 

C'est d'ailleurs l'origine du mot Carnaval. Ca vient de l'italien "carne levare" = enlever la viande. Enlever la viande parce qu'à partir de ce jour on entre dans le carême et il ne faut plus manger de viande jusqu'à Pâques. (Ah ça vous en bouche un coin. Vous pourrez maintenant épater vos amis par votre culture…) Mais puisque après Carnaval, on ne peut plus manger, autant bien manger avant, et en particulier le dernier jour du Carnaval, le Mardi Gras.

Le plat traditionnel c'est une énorme Lasagne dans laquelle on met de tout : sauce tomate, fromage frais, béchamel, petits pois et même des boulettes de viandes. Et attention, on fait aussi la pâte de la Lasagne à la main. Et c'est super bon! Mais le repas ne s'arrête pas à la lasagne. Vous avez terminé avec peine votre deuxième part, vous croyez que vous allez pouvoir commencer votre digestion tranquillement? Que nenni, voilà le deuxième plat, la viande! Si vous avez de la chance on ne vous servira que du poulet avec des pommes de terre au four, mais il se peut qu'on vous serve aussi de la cotica. La cotica se présente un peu comme une paupiette de veau, mais il ne faut pas se fier aux apparences. En fait c'est un délicieux roulé de peau de porc… Puis on passe enfin au dessert. Généralement on mange des Chiacchiere (prononcer "kiakiéré") Chiacchiere ça veut dire bavardages mais ce sont des beignets dentelés et allongés. Et ces Chiacchiere on peut les tremper dans le Sanguinaccio.. Qu'est ce que c'est que ça encore?.. Sanguinaccio… Ca fait un peu peur ce nom. Et si! Comme vous pouvez le devinez, c'est fait avec du sang, du sang de cochon mélangé avec du chocolat. Alors dit comme ça, ça risque de vous dégoûter un peu, mais il paraît que c'est très bon, les enfants en raffolent, c'est un peu l'ancêtre du Nutella… Sauf que depuis 1992, pour des raisons de sécurité alimentaire, une loi interdit de vendre du sang de cochon, et on a donc du sanguinaccio sans sang..  Mais on peut encore en trouver du vrai dans les campagnes où ceux qui possèdent leur propre cochon peuvent toujours faire la recette originale…

En tout cas, si vous réussissez à manger tout ça, je pense qu'après vous n'aurez pas de mal à jeûner pour le Carême, vous n'aurez même pas besoin de vous forcer…

12:14 Publié dans Naples | Lien permanent | Commentaires (0)

20/02/2009

La fête continue...

Après le jour de l'An, les festivités ne sont pas finies. Les enfants ont beaucoup de chance car le jour de l'Epiphanie arrive la Beffana. Et qui c'est cette Beffana? La légende raconte que ce serait une vieille femme à qui les Rois Mages aurait demandé la direction pour trouver l'enfant Jésus. Elle leur aurait gentiment indiqué et les rois Mages lui auraient proposé de les accompagner pour voir le Messie. Mais elle était tout occupée à cuisiner un bon gâteau alors elle ne pouvait pas. Alors les Rois Mages ont continué leur route. Un peu plus tard prise de remord, notre bonne petite vieille s'est dit que quand même la naissance du Messie, c'est pas tous les jours, alors elle a mis dans un panier son gâteau à peine cuisiné et d'autres friandises pour aller les offrir à l'enfant Jésus. Mais voilà, même si c'est elle qui avait indiqué la route aux Rois Mages, elle ne réussissait pas à retrouver la maison exacte où se trouvait Jésus. Alors au cas où, elle entrait dans chaque maison où il y avait des enfants et elle offrait quelques friandises, en espérant finir par tomber sur Jésus. Et elle passa la nuit entière à distribuer des friandises...

Et donc voilà, deux mille ans plus tard, cette Beffana est représentée sous l'apparence d'une sorcière avec son balai et son nez crochu. Une gentille sorcière qui pendant la nuit, un peu à la manière du Père Noël, amène des friandises dans les chaussettes des enfants sages. Par contre, les enfants pas sages eux ont droit à des morceaux de charbon.. Heureusement, c'est bien connu tous les enfants de Naples sont d'adorables bambins sages comme des images, et gâtés comme à l'habitude ils reçoivent des montagnes de chocolats, de kinder, de mars et autres bonbons, et même des jouets, pour les pauvres enfants qui se seraient déjà lassés de ceux reçus à Noël.

Et comme toute fête est l'occasion de faire des affaires, dans la rue on a à peine le temps de ranger les stands de feu d'artifice du jour de l'an que les trottoirs se couvrent de stands de friandises, de jouets, de peluches. On vend des chaussettes déjà remplies de friandises, des chaussettes énormes pour pouvoir y mettre plus de bombons, il y a même des peluches de chaussette... Dans les vitrines on remplace les figurines de père Noël par des petites sorcières sur leur balai. Tout le monde se gave de bonbons et pour une fois, je me plie sans problèmes à cette tradition..

Et rassurez-vous, pour les enfants qui n'ont pas été sages, mais alors vraiment pas sages, ils reçoivent des charbons, c'est vrai, mais des charbons en chocolat...

 

Le point final de la période des fêtes, c'est le 17 janvier, le jour de la Sant'Antonio. Ce jour là, tous les stands de santons, de crèche pour Noël, de jouets finissent par être démontés. C'est aussi le jour où on jette le sapin de Noël. On voit alors des bandes d'enfants qui vont récupérer les vieux sapins, les planches des stands démontés, des grosses palettes, tout ce qui est plus ou moins inflammable, même quelques vieux scooters ou des poubelles et ensuite en fin d'après midi, ils amassent tout dans un coin de placette et ils font tout brûler... Ce qui pourrait sembler une pratique un peu sauvage a pourtant une explication car Sant'Antonio est le patron du feu. C'est aussi le patron, en vrac, des bouchers, des paysans, des animaux domestiques, des pompiers et il a aussi le pouvoir de soigner l'herpes. C'est un SuperSaint quoi! Sant'Antonio, ou Saint Antoine si vous préférez, c'est le premier moine chrétien. Il a vécu au 3ème siècle après JC, dans la région d'Alexandrie. Il vivait dans le désert où il avait décidé de faire l'ermite et il se baladait avec un petit cochon. Il n'avait pas la vie facile car il devait lutter contre le diable qui venait régulièrement le tenter. Mais un jour Saint Antoine a carrément décidé d'aller faire un tour en enfer  pour aller récupérer quelques âmes perdues, et pendant que son petit cochon semait le désordre parmi les démons, il réussit même à récupérer un peu de feu de l'enfer, qu'il ramena au bout de son bâton.. Quand je vous disais que c'était un Super Saint...

Et donc en l'honneur de Sant'Antonio, le 17 janvier on voit des feux de joie un peu partout dans la ville, et tant qu'on y est, on fait aussi exploser les derniers feux d'artifices qui ont miraculeusement survécu au jour de l'an. Des feux d'enfer...

 

Mais les festivités ne s'arrêtent jamais car avec la Sant'Antonio commence la période pré-Carnaval... Et là, en effet, c'est l'enfer...

17:08 Publié dans Naples | Lien permanent | Commentaires (2)

17/01/2009

Capodanno!

Cette année, pour une fois, j'ai passé le Jour de l'An à Naples, un peu involontairement il est vrai. Les autres années j'avais bien pris soin de m'échapper avant le jour fatidique. Parce qu'à Naples, comme pour le reste d'ailleurs, le jour de l'An ça sort de l'ordinaire et tous les Italiens vous diront que c'est dangereux de rester dans la ville ce jour là. Tous les ans, le 1er janvier, les journaux font le bilan des morts et des blessés à la suite de la nuit de la Saint Sylvestre. Qu'est ce qu'il peut bien s'y passer cette nuit là pour provoquer une telle catastrophe? Des affrontements entre clans de mafia? Des accidents de voitures à cause de l'alcool? Et bien non, c'est encore plus bête : c'est tout simplement que cette nuit là, les napolitains sont particulièrement contents. Et quand ils sont contents, les Napolitains... vaut mieux se planquer.. Ils sont encore plus fous que d'habitude!!!

Le 31 au matin, on commence à entendre des bruits d'explosion un peu partout dans la ville. Le long des ruelles, les petits vendeurs de feux d'artifice se sont installés. Les parents y achètent des fusées et des pétards pour leurs enfants et ils commencent déjà à les essayer dans la rue au milieu des passants. Le papa montre à son fils comment positionner le pétard en équilibre sur la tête d'une statue et allumer la mèche. De temps à autre, les ados allument une fusée au milieu des passants, ça fait boum et tout le monde continue comme si de rien n'était. Il faut qu'ils s'amusent les braves petits... Il y a une atmosphère plus ou moins bon enfant. Au fur et à mesure de la journée, on sent la tension qui monte. Tout d'un coup vers 17 heures, les magasins se mettent à fermer. Ca fait très bizarre parce que d'habitude, surtout les jours de fête, les magasins restent ouverts jusqu'à tard. Mais là on sent que tout le monde à envie de rentrer chez soi en hâte. Pas spécialement pour aller faire la fête, mais plutôt pour aller se mettre à l'abri. Et c'est vrai que ça commence à devenir du sérieux. Dans les rues maintenant quasi-désertes, on entend des bruits d'explosion de plus en plus fréquents. Je dis des bruits d'explosion, mais il faut vraiment imaginer des bruits de bombe. Ce sont les fameuses "Bombes de Maradona", des feux d'artifices normalement interdits, qui font le bruit d'une vrai bombe, mais sans lumière. Et ce bruit est amplifié par la résonance des ruelles. Ca peut venir de n'importe où. Le long de l'avenue déserte, je me dirige vers la gare. Ca fait très bizarre. Les bruits d'explosion qui retentissent à droite, à gauche, on ne sait pas d'où ça vient. Des bruits de mitraillettes aussi(d'autres types de pétards...) On se croirait vraiment en pleine guerre. Ils ont déjà tiré tellement de feux d'artifice qu'il y a dans l'air une espèce de brume provoquée par la fumée des explosions.(Ca paraît dingue mais je n'exagère même pas..) Sur la place de la gare quelques rares passants errent ça et là. Dans un coin de la place, il y a un grand feu, un tas d'ordure auquel quelqu'un vient de mettre le feu. Et il y a un bruit étrange, un grouillement très fort au-dessus de nos têtes. Mais on ne voit rien... En regardant un peu mieux je m'aperçois que ça vient d'un bouquet d'arbre dont le feuillage tremble. Ce sont les oiseaux, tous les oiseaux de la ville qui se sont réfugiés dans ces arbres. Ils sont complètement paniqués avec ces bruits de bombe. Tout d'un coup une explosion juste en dessous de l'arbre et un immense nuage d'oiseaux vrombissant s'envole à la recherche d'un autre abri... On n'a qu'une envie, c'est s'échapper. Mais arrivé à la gare, je m'aperçois qu'il n'y a plus de trains. C'est trop tard, ce jour de fête presque tous les trains ont été annulés! Et bien comme ça pas le choix, malgré moi je vais pouvoir assister au spectacle...

Vers dix heures, on constate une certaine accalmie. C'est qu'après s'être bien amuser à essayer les fusées, il est l'heure de passer à table pour les Napolitains. Tout le monde mange. C'est le moment d'en profiter pour sortir en sécurité. A minuit je compte bien regarder les feux d'artifice mais pour bien voir et être en sécurité, je connais une petite colline qui surplombe la mer. Je passe devant la Place du Plébiscite où il y a un peu de monde autour du concert organisé par la commune et grimpe sur la colline. Une demi-heure avant minuit, les explosions recommencent, ça s'excite, les feux d'artifice sont de plus en plus nombreux, ça part de partout. Les cargos stationnés dans la baie lancent de temps à autre un coup de corne de brume. Les énormes navires semblent un peu des bateaux fantômes avec leurs lumières rouges qui illuminent le nuage de brume qui commence à retomber sur la mer. 5 minutes avant minuit c'est déjà la cacophonie. Tout le monde est sorti sur la terrasse, les gens tirent depuis le balcon, depuis les ruelles étroites. Chacun fait partir un feu d'artifice complet digne du 14 juillet d'une bourgade française moyenne. Les fusées jaillissent dans tous les sens, aussi en diagonale vers les balcons des voisins, il y a des feux de Bengale, des fusées tournoyantes qui explosent sous notre nez. Il y en a partout!! A minuit, on atteint l'apothéose, toute la ville est recouverte d'explosions colorées, et même toute la Baie de Naples, les cargos ont fait partir leurs fusées de détresse avec la corne de brume en continu, tout le monde lance des cris de joie, et ça pète de partout, et ça dure. Une demi-heure après c'est toujours le même bordel, l'intensité n'est pas retombée d'un poil. Je ne sais pas combien de réserve de fusées les napolitains accumulent dans leurs maisons, ils doivent avoir des caves secrètes remplies à ras bord.... C'est incroyable, ça continue, ils ne se lassent pas, et ça repart de plus belle! Au loin on voit que la fête continue aussi dans la banlieue, dans les villes autour du Vésuve, mais petit à petit la fumée des feux d'artifice finit par obstruer complètement le panorama. Evidemment la Commune de Naples n'a fait pas de feu d'artifice à minuit, ça passerait complètement inaperçu au milieu de ces milliers de fusées. Mais pour ceux qui en veulent encore, elle l'organise à une heure trente du matin, devant le Château de l'Oeuf. D'ailleurs les familles commencent à arriver pour réserver les places avec les meilleures vues. Comme chaque occasion est bonne pour faire des sous, il y a aussi les vendeurs ambulants qui vendent des bouteilles de champagne, des chapeaux fluos clignotants et autres gadgets. Il y aussi les vendeurs de parapluie. Quand ils arrivent ceux-là, c'est mauvais signe... Et en effet, quelques minutes plus tard il commence à pleuvoir (ça m'étonnerait pas que ça ait été provoqué par cet énorme nuage de fumée des feux d'artifice...) Tant pis pour le feu d'artifice municipal. De toute façon il pouvait difficilement faire mieux que celui spontané organisé par la population. Il y a une légende qui dit qu'à minuit, le Jour de l'An, les Napolitains balancent par la fenêtre tous leurs ustensiles usagés, inclus frigos et machines à laver. J'en ai bien vu qui se débarrassaient de leurs vieilles cordes à linge ou d'une chaise cassée sur le pas de la porte, mais heureusement je n'ai assisté à aucun lancer de frigo (on dit que Naples ce n'est plus ce que c'était...) Enfin voilà, le Jour de l'An se termine, quelques dernières explosions, mais la pluie a calmé l'ardeur des plus enthousiastes.

Le lendemain, dans les journaux, bilan de la nuit. Quelques blessés évidemment, dont la fusée leur a explosé entre les mains, mais seulement un mort : quelqu'un qui, dans la joie du moment, a tiré des coups de feux en l'air depuis sa fenêtre, mais pas de chance, il y avait le voisin sur le balcon au-dessus et le pauvre homme est mort sur le coup transpercé par une balle... Faut être con quand même....

20:13 Publié dans Naples | Lien permanent | Commentaires (1)

11/12/2008

La chasse à l'appart'

Comment trouver un logement à Naples quand on est étudiant ou jeune travailleur.?Dans les jouneaux de petites annonces? Dans les agences immobilières? Non... il suffit partir à la chasse aux annonces... Sur les murs, n'importe où, on trouve des annonces attachées au scotch avec le numéro de téléphone prédécoupé à détacher. Et le descriptif du logement à louer... Grandes chambres lumineuses avec terrasse, cuisine habitable

Avec l'expérience, on peut en savoir beaucoup plus que ce qui est marqué sur l'annonce. La plupart des annonces proposent des "grandes chambres lumineuses". En fait lumineux veut dire qu'il y a une fenêtre. Et si ce n'est pas marqué lumineux ça veut dire qu'il n'y a pas de fenêtre.. Vous pouvez donc vous attendre en guise de chambre à un placard tout sombre, une pièce qui aura été aménagée à l'intérieur du salon en mettant des cloisons où quelque chose du genre... Si on vous propose une chambre double, ça veut dire qu'il y aura quelqu'un d'autre avec vous dans la chambre. Si on vous parle d'une mystérieuse "cuisine habitable" cela ne veut pas dire qu'il y a quelqu'un qui dort dans la cuisine, cela signifie juste que c'est une cuisine-salon... Si c'est marqué "à proximité de Via Roma", qui est une des rues les plus chic de Naples, n'oubliez pas le "à proximité" qui en fait veut dire que la chambre se trouvera en plein "Quartieri Spagnoli" qui est un des quartiers les plus dangereux de la ville mais qui se trouve en effet à proximité de Via Roma... Si c'est marqué "pour étranger", là il faut mieux laisser tomber : cela veut dire que c'est un boui-boui qui donne de plein-pied sur la rue avec quatre lits dans une pièce de 10 m2. Ce sont les logements que l'on réserve gentiment aux pauvres africains qui viennent faire les petits boulots à Naples. Par contre dans un "appartement historique" vous pourrez avoir la surprise de trouver un morceau de colonne romaine encastré dans le mur ou bien un four à pain médiéval sous une vitre enchassée dans le plancher...(véridique, je l'ai vu!)

En analysant comment est écrite l'annonce vous pouvez avoir d'autres infos : si l'annonce est écrite à l'ordinateur, en couleur, avec plan du quartier pour localiser l'appartement et plan de l'appartement pour localiser la chambre dans l'appartement, vous savez d'office que vous aurez affaire à des maniaques de l'organisation et de la propreté. Au contraire si l'annonce est écrite sur un vieille feuille chiffonnée, écrite au marqueur avec des ratures, là vous savez que ce sera l'anarchie dans l'appart' avec piles d'assiettes sales accumulées dans l'évier..

En connaissance de cause, j'avais donc fait bien attention à sélectionner un appart' qui m'éviterait de mauvaises surprises. J'avais trouvé une chambre (avec une fenêtre)dans un appart' avec des collocs de mon âge qui avait l'air plutôt tranquilles... Mais le problèmes de ces appart', c'est qu'il n'y a pas de contrat. Ou bien le proprio ne veut pas en faire, ou bien c'est un des étudiants qui a le contrat et qui sous-loue aux autres. Et donc moi, trois jours avant d'emménager, voilà qu'on m'appelle pour me dire que finalement le garçon qui était dans la chambre que je devais prendre a décidé de rester. Et donc il a fallu que je trouve en catastrophe un autre appart'. et là vu que j'avais pas trop le choix je me suis retrouvé dans un appart' avec des collocs plutôt fêtards, adeptes des piles de plats dans l'évier, fumeurs et pour couronner le tout ma chambre c'est en fait une mezzanine dans le salon avec la télé en dessous allumée en permanence et un nuage de fumée qui flotte, et évidemment pas de fenêtre... Et en plus il y a Giuseppe...

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26/11/2008

Vive la Palestine!!

Le soleil est revenu, il fait un peu plus chaud, mais tout le monde garde l'écharpe autour du cou. Et bé oui, qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid, cet automne à Naples tu dois avoir l'écharpe autour du cou parce que c'est la mode... Et pas n'importe quelle écharpe s'il vous plait. Venue directement depuis l'orient, depuis ces pays chauds et arides où elle a été - et est toujours - un symbole politique, cette année, pour la collection Automne/Hiver, la mode a porté à Naples, mesdames et messieurs... : la keffiah!! ... Vous la connaissez peut être plus sous le nom de cheich. Vous savez, le foulard palestinien à damier noir et blanc que portait Yasser Arafat, ce foulard qu'utilise les palestiniens pour se protéger du soleil en été et se protéger du froid en hiver. Jusqu'à maintenant, à Naples, on pouvait voir de temps à autre quelques jeunes un peu rebelles qui le portait en symbole de protestation pour soutenir la cause palestinienne. C'était un message politique assez fort quoi.. Oui mais la mode est passée par là. Et cette année la mode italienne elle a décidé : cet automne, la mode ce sera la keffiah!!..

Quand j'étais revenu à Naples fin septembre, j'avais bien remarqué quelque chose d'étrange. "C'est bizarre, il y a de plus en plus de jeunes avec la keffiah.. Est-ce qu'il serait en train de leur naitre une conscience politique à tous ces petits lycéens? D'où vient ce mouvement de solidarité pour la Palestine tout d'un coup?" Mais il y en avait de plus en plus, même les garçons tout à la mode avec le bronzage artificiel, même les filles maxi maquillées avec les vêtements super fashion, bref les habituelles victimes de la mode, se mettaient à porter la keffiah. Dans les deventures des magasins, les manequins portent la keffiah, les vendeurs ambulants, à côtés des (fausses) lunettes de soleil Ray Ban et des (fausses) ceintures Dolce e Gabana vendent désormais les keffiah palestiniennes. Et du coup les pauvres jeunes qui auparavant la portaient comme signe de protestation se retrouvent maintenant englobés dans ce vaste mouvement de mode. Mais en Italie, tout le monde le sait, la mode est la plus forte. Et à Naples encore plus. Que faire contre cette vague qui détruit tout, idées et valeurs, pour tout uniformiser sur son passage et nous faire changer la garde robe chaque année. C'est un peu triste de voir qu'elle a réussi à détruire un message politique pour en faire un accessoire de mode. La majeure partie de ces jeunes qui portent désormais la keffiah seraient bien en peine de savoir quelle est l'origine de ce foulard. Ils ne savent pas que si il le portent noir et blanc, cela veut dire qu'ils soutiennent le Fatah, le parti de Yasser Arafat, et s'ils le portent rouge et blanc, c'est qu'ils sont partisans du Hamas. Mais la mode, pour laisser la possibilité à chacun d'exprimer son propre style dans toute cette uniformisation,a aussi créé la keffiah violette, jaune, verte, j'imagine aussi bientôt celle aux couleurs du Napoli, le club de foot de la ville... En tout cas j'imagine la surprise d'un palestinien qui arriverait par hasard à Naples, j'imagine son émotion de voir que tant de personnes soutiennent sa cause... C'ets comme ça à Naples : les Napolitains font de la politique sans le savoir...

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19/11/2008

Le froid existe à Naples

Même si on a tendance à l'oublier, l'hiver à Naples! En l'espace de quelques jours on est passé de la chaleur suffocante apportée par le Scirocco, le vent venu du Sahara, à un froid de canard. Et la morphologie de la ville, très bien adaptée à la chaleur, révèle ses limite spendant l'hiver. les ruelles étroites, toujours dans l'ombre sont un espace de fraicheur pendant l'été, mais en hiver ça devient sinistre. On peut passer des journées entières sans voir le soleil. Et toutes les maisons napolitaines ont des plafonds très hauts, souvent jusqu'à 4 m. Cela peut être utile en été, car la chaleur s'accumule au plafond, mais en hiver, ça devient impossible à chauffer. D'ailleurs la plupart des maisons sont dépourvues de chauffage. C'est un peu si comme tout le monde avait oublié qu'il y avait un hiver. La majeure partie de l'année , il fait beau, il fait chaud, même trop chaud, c'est le sud quoi, et on se moque de ces pays du nord qui subissent le brouillard, la pluie, le froid. Et puis tout d'un coup ça nous tombe dessus : l'hiver arrive. C'est caractéristique de cette tendance des napolitains de vivre au jour le jour. Il fait chaud alors on fait des maisons ombragées. Il ne pleut pas, alors on fait des toits plats, on ne s'embête pas à faire des rigoles dans les rues. et quand arrive la pluie, l'eau s'accumule sur les toits, les rues sont inondées.

C'est un peu la même chose qui se passe pour les déchets. En ce moment il n'y a plus de déchets dans la rue, alors la majeure partie de la population ne se soucie plus du problème. Et pourtant, la situation n'a pas changé. Si on ne voit plus les montagnes de déchets, c'est parce que deux nouvelles décharges ont été rouvertes. Mais rien d'autres n'a été prévu. Ces décharges seront rapidement pleines et on retournera au même problème... Mais aujourd'hui ça va. Pour l'instant ça va. Il est midi, il fait soleil, il fait chaud. Mais à 5 heures, moi je sais que le soleil se couchera et qu'il fera froid, très froid, alors j'ai pris mon écharpe et mon manteau malgré le soleil.

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12/11/2008

Les manifs

 

 

Bon. Mon dernier message était un peu désabusé sur Naples. Mais on va dire que c'était le choc du retour. Il faut toujours un peu de temps pour se réhabituer à Naples. Mais ça y est j'ai repris du poil de la bête, et après avoir un peu hésiter sur rester à Naples ou pas, je me suis remotivé et me voici prêt à affronter la bête. J'ai donc décidé de rester une année entière à Naples, de réussir à y trouver un vrai boulot, de lancer des activités d'éducation environnementale, et puis aussi de m'amuser et de continuer à découvrir cette ville extraordinaire. Et vu que c'est un sujet inépuisable, je vais essayer d'écrire chaque semaine une chronique pour vous raconter un peu la vie à Naples et en Italie en général. Parce que je me suis rendu compte cet été pendant que j'étais en France que lorsque je disais que j'habitais Naples, tout le monde me ressortait les mêmes clichés des déchets, de la mafia, mais que personne n'arrivait à comprendre ce qui passe vraiment là-bas. C'est tellement complexe que c'est dur à résumer en quelques mots. Mais en vous décrivant jour après jour le quotidien vous comprendrez peut être un peu mieux.

 

En ce moment, par exemple j'entends des cris de révolte par la fenêtre. Ce sont les lycéens et les étudiants qui manifestent un peu partout dans la rue. Le mouvement est parti il y a une dizaine de jours et c'est en train de prendre de l'ampleur. A l'origine de la protestation, une loi du gouvernement,  la loi Gelmini, qui veut faire d'importantes restrictions budgétaires dans le secteur de l'éducation et de la recherche. En fait, je ne suis pas trop dépaysé parce qu'en France, à chaque nouveau ministre on a les mêmes mouvements de protestation. Mais il faut noter qu'en Italie ça fait longtemps qu'on n'avait pas eu des protestations d'une telle ampleur. Le gouvernement ne fait pas grand chose pour améliorer la situation. Il a menacé d'envoyer la police dans les universités pour rétablir l'ordre ce qui a déclenché un tollé. En fait, on a l'impression qu'il attend seulement que ça dégénère pour pouvoir envoyer les forces de l'ordre. C'était la technique de Cossiga, un des anciens ministres de l'intérieur dans les années 80. Un article vient de sortir dans lequel il raconte que ça méthode à lui pour faire revenir le calme était d'envoyer des éléments perturbateurs dans ces mouvements étudiants, d'attendre quelques jours que ça dégénère, et ensuite il envoyait l'armée et les ambulances, pour mater tout le monde une fois pour toutes et ramasser les blessés...

On n'en est pas encore là, et pour l'instant ça se contente de défiler dans tous les sens, chaque université, chaque lycée fait sa petite manif, y en a partout. Auxquelles il faut rajouter la manif des Agents Sanitaires, celle des employés au tri sélectifs à qui on ne trouve pas de boulot ce qui est un comble, celle des syndicats des Forces de police qui râlent aussi parce qu'on leur coupe le budget, et puis, évidemment, la classique manif des Chômeurs Organisés. Mais eux ils étaient déjà là avant. En fait depuis que je suis à Naples, je les ai toujours-vu ceux-là. Tous les deux trois jours ils font une manif. Ils sont persévérants. Les mauvaises langues diront que vu qu'ils sont chômeurs ils n'ont que ça à faire mais n'empêche, ils sont persévérants et généralement ils sont tout contents quand l'actualité du moment vient agglomérer d'autres manifs avec la leur, comme contre les déchets en janvier dernier ou les étudiants maintenant...

En fait à Naples, c'est rare de voir un jour sans manif. Ces derniers temps, les manifs portent surtout sur les problèmes d'emploi, de déchets ou de l'éducation comme maintenant, mais il y a quelques années on a vu des manifs un peu plus originales comme celle des vendeurs de cigarettes de contrebande qui protestaient contre la répression trop forte... Et le pire, c'est qu'ils ont obtenu gain de cause... Mais il faut dire que c'était aussi une manif pour l'emploi puisque la contrebande de cigarette fait vivre des milliers de familles... Ca fait partie de ces petits métiers de la débrouille si typiques de Naples. Toute occasion est bonne pour faire des affaires à Naples, même une manif : on a pu voir le cortège étudiant accompagné de vendeurs ambulants de sifflets, d'écharpes et de tout autre matériel utile pour faire une bonne manif.

En tout cas les étudiants sont en train de faire de belles choses pour protester. Ils ont bloqué les universités, mais en collaboration avec les professeurs sont organisées des leçons en plein air dans la rue, bloquée aussi. Pour faire leurs assemblées, les milliers d'étudiants se retrouvent place du Plébiscite qui pour l'occasion porte bien son nom. C'est une place en amphithéâtre avec des gradins et ça rappelle vaguement les anciens grecs qui débattaient en plein air.

 

Mais comme dans toute manif, là où l'originalité est la plus prolixe, c'est dans les slogans et je ne résiste pas à terminer en vous citant celui des chercheurs qui protestent contre la suppression des budgets :

 "Berlusconi si tu as encore des cheveux, c'est grâce à la recherche..."

19:35 Publié dans Naples | Lien permanent | Commentaires (1)