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28/03/2013

nouvelles de la Borie 7 - l'hiver à la Borie

L'hiver à la Borie

 

Et bien voilà, la Borie c'est fini (pour l'instant). J'y ai passé une année entière au final. C'était vraiment une belle expérience, j'ai pu vivre le cycle des saisons en entier.nEt j'ai envie de vous raconter les derniers mois que j'ai beaucoup aimé.

Du coup, j'ai fini avec la saison a priori la plus dure, l'hiver. Mais j'ai bien aimé en fait. C'est trop bien l'hiver. C'est vrai qu'il y a le froid, la neige, le soleil qui se couche super tot. Quand on fait la traite, il ne faut pas tarder le soir sinon on finit dans le noir. Mais pour aider à passer ce mauvais moment, il y a la fête.

Pendant tout le mois de décembre, on a préparé les fêtes de fin d'année. Du coup ça met dans l'ambiance, on sent qu'on s'en approche petit à petit. A l'Arche, on a notament remis au goût du jour la célébration de l'Avent. On le fete d'une manière très belle, sur le thème des éléments : Les minéraux, les étoiles, les végétaux et pour finir les animaux, humains compris. Et au fur et à mesure on construit la crèche : le premier samedi on se retrouve le soir, chacun amène un élément minéral : le dépose dans la crèche et si on veut on peut dire une pensée en rapport ou un texte ou une chanson. Et ainsi de suite, chaque samedi. La crèche se constitue ainsi peu à peu, on sent la période de fete qui se rapproche, en meme temps on prépare le spectacle de Noël, l'excitation monte peu à peu.

Les jours qui précèdent Noël, on va chercher des éléments de la nature pour décorer, du gui, des branches de sapin, de buis, du houx, des branches avec des fruits rouges ou de belles feuilles de hetre, de la mousse, du lierre. En fait, on trouve toutes les décorations qu'on veut dans la nature. Avec ça on fait plein de bouquets, c'est très beau.

Et puis il faut chercher le sapin. On a été le chercher par une belle journée ensoleillée. C'est le pretexte à une belle balade, on erre sur le domaine immense de la Borie, on en croise des petits mais ils ne sont jamais assez beaux alors on continue la quete et au final on trouve l'élu, dans un bosquet de l'autre coté de la rivière. Au moment de le couper, il y en a qui crient, non, le pauvre! Alors on fait un petit rituel pour remercier l'arbre pour son sacrifice. De toute façon c'est un service qu'on lui rend, ici à l'ombre des autres arbres il n'avait aucune chance alors que nous on lui réserve le rôle central de toutes nos fetes. Et voilà on le ramène et on le dresse dans la salle comune à coté de la crèche qui est maintenant complète. Le dernier dimanche, avec de l'argile chacun fait un personnage, les petits comme les grands, tout le monde participe.

Et le soir de Noël, c'est une belle fête avec les deux communautés réunies, on mange les brioches qu'a faites le boulanger, le chocolat chaud avec le lait de nos vaches et on danse tous ensemble. Puis il y a le jour de l'An, où on fait une belle fête costumée et des jeux, toujours toutes générations confondues. Et ce n'est pas fini, il y a encore l'Epiphanie avec la galette des rois faite maison, et encore un petit spectacle et un rituel.

 

 

Et voilà janvier. D'un coup la Borie se vide. On n'accueille pas de stagiaires pendant un mois, pause de l'hotellerie. C'est calme mais ça fait du bien. C'est une période où on resserre le contact avec ceux qui restent plus longtemps, période plus intérieure aussi. C'était sympa, pour la première fois il y a des stagiaires qui sont restés plusieurs mois, ça donne plus de temps pour se connaître, il y avait notamment un couple d'Italiens bien sympas, Regina et Lorenzo. C'était chouette j'ai pu pratiquer mon italien. Et on a beaucoup chanté.

Il fait froid dehors mais dans ma chambre il ne fait pas (trop) froid. Il suffit de chauffer le poele en permanence, c'est un rythme à prendre. Je coupe mon petit stock de bois chaque soir. Du coup tout le monde se retrouve au bucher, c'est du boulot mais aussi un moment de convivialité.

 

Et puis en janvier, j'ai eu la responsabilité des vaches pendant 2 semaines car Cedric etait en vacances. Et j'ai géré un vélage (l'accouchement de la vache) ! Et malgré la catastrophe de la dernière fois, j'ai retenté de laisser le veau sous la mère. Et cette fois-ci ça a marché, pas de morts, j'ai fait bien attention à traire la mère. J'étais trop content. C'était adorable ce petit veau avec sa mère. Le spectacle du veau qui tète sa mère c'est vraiment la récompense de tout le travail. Je laissais la mère à l'étable avec son petit, c'était un beau spectacle, dans la paille, ça rappelle la crèche. La vache à un petit bruit spécial veau, un peu comme un ronronnement, pour garder le contact avec son veau, pour l'appeler quand il s'éloigne un peu.

Après je me suis occupé moi-meme de les séparer. Car au bout d'un moment, si on veut du lait, il faut quand meme séparer le veau de la mère (quoique, vu que la mère fait plus de lait que le veau n'en boit, on pourrait aussi imaginer de les laisser ensemble et de récupérer juste le lait qu'il reste, mais bon je ne vais pas non plus tout révolutionner l'élevage à la Borie, je suis déjà bien content de pouvoir laisser le veau avec sa mère) Pendant que la mère était à son ratelier en train de manger le foin, on a kidnappé le petit et on l'a chargé dans la brouette. Il n'a pas protesté rien, il regardait tout autour de lui, émerveillé de découvrir un nouvel endroit, puis on l'a mis dans son box. Tout curieux de la nouveauté, il n'a pas hurlé pas à la mort comme j'aurais pensé. De même la mère, quand on l'a libéré du ratelier. Au début elle a cherché un peu son veau, mais quand elle a vu les autres vaches qui partaient au pré, elle ne s'est pas posée plus de question et elle les a suivies. Au final, celui qui a souffert le plus dans tout ça, ça doit etre moi. Car ça me fendait le coeur de séparer la mère et son veau. Sans le vouloir on donne des sentiments humains aux animaux, alors ça fait du tragique.

Après j'ai du habituer le veau à boire au seau, et ça c'est pas facile. C'est un peu la lutte. L'air de rien c'est super fort un veau. Et puis il a le reflexe quand il tète sa mère de donner de grands coups de tete dans la mammelle pour faire sortir plus de lait. Même si on lui donne le lait au seau il garde le meme reflexe. Une fois, alors que je me penchais vers lui, il m'a ainsi donné un bon coup de boule, et une autre fois, c'était un bon coup dans l'entrejambe, aouch ! Après j'ai fait gaffe...

 

En dehors de ça, l'hiver, les travaux principaux c'est la réparation des clotures et la coupe de bois pour faire le stock pour les prochaines années. Il y a quelques années encore ça se faisait à la main, mais il n'y a plus assez de monde alors on le fait avec la tronçonneuse, on s'adapte. Ça va plus vite mais ça fait du bruit. Il y a quand même de belles journées ensoleillées en hiver, et c'est un plaisir de travailler dehors.

Mais il y a eu aussi pas mal de neige. Et là, c'était vraiment trop beau, on se serait cru à la montagne. Le seul problème, c'est que quand il y a de la neige on est bloqué le temps que passe le chasse-neige et du coup on ne peut plus faire la livraison de pain, qui est la source de revenu de la communauté.

C'est pas trop grave non plus, mais un jour où il a bien neigé et où le paysage était vraiment trop magnifique, on s'est fait une expédition dans la neige pour aller livrer le pain à pied jusqu'au village voisin (6 kilomètres) On avançait dans un paysage complètement vierge, immaculé, ça faisait vraiment ambiance expédition grand nord, et quand on est arrivé au village, les gens nous attendaient à la mairie, tout contents, on aurait dit qu'on apportait l'approvisonnement de secours au village affamé. Très belle expérience. Comme quoi, il ne suffit de pas grand chose pour se recréer des sensations d'aventure.

 

Et pendant l'hiver, il y a encore des fêtes à la Borie. Il y a le jour de Gandhi, jour de jeune et silence tous ensemble dans la salle commune, à faire des petits travaux manuels, lecture, méditation, chant. Et cette annèe j'ai vécu une Chandeleur qui avait du sens. La Chandeleur ça célèbre les premiers signes que la nature se réveille : perce neige, premiers pissenlits, les chatons sur les noisetiers, le soleil est en train de prendre l'ascendant sur l'ombre, les jours rallongent maintenant on le sent bien quand on finit la traite, il fait jour. C'est pour ça qu'on fait des crèpes, ça symbolise le soleil. Et puis on allume des chandelles aux fenetres, pour faire comme s'il y avait encore plus de soleil.

Et puis pas longtemps après, c'était le Mardi-Gras. Ce jour-là, on brule le Vieil Homme. C'est une vieille tradition. Le vieil homme symbolise l'année passée, pour bien repartir il faut se débarasser de l'année passée. Du coup, on a fabriqué le mannequin du Vieil Homme, on a fait un énorme bucher et on a fait des masques symbolisant quelque chose de nous dont on veut se débarasser pour la nouvelle année, un défaut. Le soir, on a dansé en ronde autour du feu. Mais alors c'est moi et Lorenzo qui avons préparé le bucher. On l'a fait énorme, moi je me rappelais de mon feu de la Saint Antoine que j'avais vu à Naples et là je crois que ça le valait bien. On a rassemblé plein de vieux bois bien sec qui trainait à la Borie, et on a mis des branches de buis bien sèches aussi et alors ça a fait une flamme ENORME, tourbillonante avec le vent, bien 10 mètres de haut, une véritable vision d'apocalypse dans la cour de la Borie. Les gens s'enfuyaient en courant pour se mettre à l'abri, seuls quelques courageux continuaient la ronde. Et puis ça s'est calmé, tout le monde est revenu, on a jeté nos masques au feu. Il faisait bien chaud, une victoire symbolique sur le froid. Et on a chanté et ensuite on a mangé des beignets. Trop bien...

Et voilà, et c'était parfait pour conclure mon séjour à la Borie, je repars moi aussi sur un nouveau cycle, qui sait où ça me mènera...