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16/09/2012

Nouvelles de la Borie 4 - histoires de vaches

Que je vous parle des vaches tout de meme! La Borie possède un petit troupeau de vaches laitières. Un tout petit troupeau meme : six vaches et trois genisses. Mais ça suffit pour la consommation en produits laitiers de la communauté. Et ça a quand meme de l'allure dans les prés, ce petit troupeau de 9 vaches. Ce sont des Montbeliardes, de grosses vaches blanches et marron.

Or, ces vaches, il faut les traire. À la main. Matin et soir. Et depuis 5 mois, je me retrouve donc de corvée de traite avec Cédric, le responsable des vaches.

 

Quand on arrive à l'étable, c'est une drole d'impression, toutes ces vaches alignées dans l'étable, la tete dans le ratelier, nous présentant leur immense derrière. Il faut prendre un petit tabouret et un seau, se glisser entre deux vaches et s'asseoir les genoux sous les pis, la tete contre leur flanc, bien chaud. Ça gargouille dans le ventre, on entend la digestion. On tripatouille un peu les pis. Ça fait bizarre au début de toucher les pis d'une vache. C'est un peu intime non ?

 

Les premières fois, ça fait bien mal aux doigts de traire. Et ce n'est pas si facile. Il n'y a qu'un minuscule filet de lait qui sort. Au bout de 5 minutes, on regarde le seau et on s'aperçoit qu'il n'y a meme pas de quoi remplir un bol de lait... Il faut un moment pour acquérir le bon geste. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas en tirant le pis que l'on fait sortir le lait. En fait, il faut faire un petit geste bien précis : d'abord serrer bien fort la base du pis dans le creux du pouce et de l'index puis appuyer avec les autres doigts un par un pour faire sortir le lait du pis, tout en gardant bien serré le pouce et l'index sinon le lait remonte sans la mamelle. C'est pas si évident... Et il faut faire les pis deux par deux.

Au début, on va lentement, en regardant avec jalousie le voisin qui remplit son seau à un rythme endiablé. La petite musique caractéristique de la traite : pschiiit, pschiiit, tous en cadence. Les bons trayeurs font sortir le lait tellement fort que ça mousse dans leur seau.

Au fil des semaines, j'ai amélioré mon rythme et maintenant j'arrive meme à faire mousser. Mais ça prend quand meme du temps. Car ça fait beaucoup de lait une Montbeliarde. 10 litres en pleine lactation, un seau entier. Meme pour un trayeur averti, il faut compter au moins une bonne demi-heure. Et parfois il faut en traire deux. Alors le temps passe, plus ou moins lentement. On discute un peu entre trayeurs, mais chacun isolé entre deux vaches, on ne se voit pas et si on est à plus de deux vaches d'écart il faut crier pour s'entendre car le bruit du lait dans le seau couvre les conversations. Alors c'est un moment propice à la contemplation, bercé par le rythme des pschits, pschit...Je regarde le paysage ou les hirondelles qui construisent leur nid sous les poutres de l'étable. Je médite. Ou quand j'en ai marre, j'écoute la radio sur mon baladeur...

 

Parfois, la queue de la vache se lève doucement : alerte! tous aux abris! Bombardement imminent! La vache se prépare à pisser ou à chier. Il faut se dépécher de s'écarter car ça éclabousse... C'est impressionnant une vache qui pisse, il y a un de ces débits, une vraie cascade! Maintenant « l'expression il pleut comme vache qui pisse », je peux vous dire que ça m'évoque une image tout à fait claire...

 

D'autres fois, on est tranquille, perdu dans ses pensées, et au moment où on s'y attend le moins, paf, un coup de queue en pleine figure. C'est hyper énervant! C'est rageant meme, mais c'est le genre de truc où ça ne sert à rien de s'énerver car la vache est dans son bon droit, ce n'est pas nous qu'elle visait mais les mouches qui lui tournent autour. C'est vrai que c'est très pénible quand il fait chaud, avec tous les taons qui se collent partout, meme pour nous. Mais il y a quand meme des fois où on se demande si elles ne le font pas exprès...

 

Chaque vache a son caractère. Au début je trayais Leila. C'est une des plus tranquilles. Autant certaines vaches n'aiment pas du tout qu'on leur tripote les mamelles, autant elle, elle s'en fout complètement, du moment qu'elle a du foin dans son ratelier. Elle est facile a reconnaître, c'est la plus sale de toutes, toujours le derrière plein de merde. Je ne sais pas comment elle se débrouille, car les autres sont toutes propres. Apparemment, elle se chie sur la queue et après en bougeant elle s'en met partout, jusque sur les pis, c'est agréable quand on trait... Elle a des pis énormes, il faut appuyer fort pour que ça sorte. À coté, il y a Argan, la super sensible, avec de petits pis tous délicats mais faciles à traire. Elle, il ne faut pas trop que le trayeur change d'un jour sur l'autre, sinon elle stresse. Elle s'imobilise et vous fixe du coin de l'oeil d'un air de reproche. Il y a aussi Trois-Pis, la bien nommée : elle n'a que trois pis. Dont un pis tous petit, pas du tout facile à traire. Par contre, elle donne une quantité de lait impressionante. Et puis, il y a Astrid, la molassone, toujours à la traine quand il faut renter à l'étable. Blanche, elle, a des pis qui ont du mal à démarrer, il faut traire quelques minutes dans le vide avant que le lait finisse par sortir. Et enfin, il y a Castille, la Terrible. Elle bouge tout le temps, fait de brusques pas de coté pour se décaler, jusqu'à se retrouver complètement en diagonale, la tete tordue dans le ratelier. Elle n'arrete pas de donner des coups de pattes, il faut lui mettre une attelle pour bloquer la patte. Et puis elle aussi, elle vous regarde quand vous la trayez. Mais elle, ce n'est pas un regard de doux reproche comme Argan. C'est plutot du genre « T'as de la chance que je sois coincée dans le ratelier sinon tu verrais ce que tu te prendrais. » Et en effet, elle, quand elle est libérée, il ne vaut mieux pas trainer trop à coté, elle donne de bons coups de cornes, et une fois elle a failli me coincer contre le mur...

 

Au début pour faire la différence entre les vaches, j'étais obligé de regarder leurs pis. Car au final quand on les trait, c'est tout ce qu'on voit d'elles.. Maintenant à force, j'arrive à les distinguer, avec les taches de couleur et la forme des cornes,( surtout Castille..)

 

Avant la traite, il faut faire rentrer les vaches à l'étable. En fait, ce n'est pas très dur, quand elles sont dans le paturage atenant, elles viennent toutes seules à l'heure de la traite. Elles attendent là, ponctuelles, devant l'entrée, il suffit d'ouvrir la barrière. Chacune connait sa place, mais à chaque fois il y a quand meme un peu de bazar, comme dans une cour de récré : une vache qui va dans le ratelier de la voisine car elle pense qu'il y a plus de foin, une autre qui revasse, bloquant le passage à la voisine. Il faut faire la circulation, comme un agent, avec le baton.

 

Le batiment de l'étable est divisé en deux parties : la partie pour les vaches, ouverte sur l'extérieur, et la partie grange, où sont stockées les bottes de foin. Les rateliers en bois séparent les deux parties, comme une barrière. Les vaches doivent y passer la tete pour pourvoir manger le foin. Une fois qu'elles ont toutes passé la tete, on referme et elles sont bloquées. Ce qui est fort c'est qu'elles se font avoir à chaque fois, mais l'appel du bon foin est le plus fort.

Une petite porte permet de passer du coté grange, pour remplir les rateliers. Avec l'échelle, je grimpe sur la montagne de foin pour faire descendre quelques bottes. J'adore l'ambiance la-haut, juste sous le toit. L'odeur me replonge à chaque fois me rappelle chaque fois Heubécourt, quand j'étais petit, quand on aller jouer dans les ballots de la ferme d'a coté. Je reste un instant à révasser. Un rayon de soleil passe par la petite fenetre. Avec la poussière, ça scintille, c'est magique... Mais les vaches s'impatientent. Avec la fourche, je lance en bas quelques bottes, puis je redescends, je les délie et je mets le foin à la fourche dans le ratelier. C'est rigolo, de ce coté-ci, je vois juste la tete des vaches, toutes alignées dans ma direction en train de me regarder. Sacrées vaches, je les aime bien quand meme...