29/12/2007
...Jusqu'à Rome
Depuis l’Antiquité, c’est bien connue toutes les routes mènent à Rome, mais la plus célèbre d’entre elle, c’est la Via Appia. C’est l’antique voie qui menait de Rome à Naples. Et cette route existe toujours. Pour la fin de mon parcours, je vais donc suivre plus ou moins son parcours. De Caserta, elle me porte à l’antique cité de Capoue, dont on raconte qu’elle aurait pu prendre la place de Rome si elle avait gagné une bataille décisive entre les deux cités. Entièrement rasée à la suite de sa défaite contre Rome, il subsiste tout de même un immense amphithéâtre. Après Capoue je traverse la Terra di Lavoro (terre du travail), la vaste plaine agro-industrielle au nord de Naples. Ce n’est pas super beau mais je pédale et arrive au pied d’une petite barrière montagneuse qui se monte facilement. De l’autre côté des montagnes le paysage change, c’est plus joli, la route descend bordée de pins parasols, il commence à y avoir des cyprès dans les champs. J’arrive aux confins de la Campanie. Je passe un dernier fleuve, le Garigliano, et me voici dans le Latium, la région de Rome. La route rejoint la côte au niveau du magnifique golfe de Gaeta, une presqu’île qui forme une courbe parfaite avec une citadelle antique à l’extrémité. Je m’arrête un peu avant, à Formia, où je suis accueilli par Legambiente. L’étape est rapide, juste le temps de dormir et de faire une petite animation à l’école primaire le matin et je repars. Prochaine étape Latina à 80 km de là. Je passe la presqu’île de Gaeta et continue vers le nord le long de la côte rocheuse. Le ciel gris est très bas et souffle un abominable vent de face. Cela donne une ambiance très sauvage au paysage. Au loin se dessine la forme déchiquetée d’un volcan noir au milieu des flots. Ca fait un peu île mystérieuse. J’y situerais volontiers la base d’un savant fou. C’est le Promontoire du Circeo, où aurait habité la magicienne Circée qui aurait enchanté Ulysse lors de son passage le long des côtes. Toujours Ulysse… Et en fait ce n’est pas une île mais une presqu’île mais de loin l’impression est parfaite. Et ce n’est pas un volcan non plus mais un massif calcaire, c’est l’angle de vue qui donne cette impression. Par contre c’est un Parc National, ce qui n’est pas déjà pas si mal et ce n’est pas impossible qu’il s’y trouve un savant fou… J’ai le temps d’y penser pendant que je m’échine contre ce maudit vent de face. J’arrive à Terracina, dominée par une grosse montagne surmontée d’une antique structure : le temple de Jupiter Anxur. Il est 14 heures. Il me reste 2 heures de jour pour faire les 40 km qui me séparent de Latina, toujours avec ce vent de face. C’est pas gagné. Mais je continue, continue. Je dépasse le promontoire du Circeo, longe une grande forêt. Ce n’est pas courant une forêt en plaine. C’est la première que je vois. Elle fait partie du parc national justement. Pendant un instant j’ai l’impression de me retrouver en France, à côté de Tours, le paysage est le même, surtout avec ce ciel gris…
Je finis par arriver à Latina mais la nuit est tombée depuis un moment. M’attend Gustavo de Legambiente. A Latina je m’arrête juste le temps de dormir parce qu’ils n’ont pas eu le temps d’organiser un passage dans les écoles. Dommage parce que la ville se prête parfaitement à l’usage du vélo : c’est une ville récente, construite par Mussolini lors du drainage des Marais Pontins. Du coup les rues sont larges et c’est tout plat. Mais ce n’est pas super joli. Le style mussolinien je ne suis pas fan.
Mon avant dernière étape est toute proche mais comme j’ai un peu de temps et que le beau temps est revenu, Gustavo me conseille de retourner un peu en arrière de 10 km pour passer voir les lagunes que j’ai manquées la veille en arrivant de nuit. Je suis son conseil et c’est vrai que ça en vaut la peine. De jolis lacs bordés de palmiers avec plein d’oiseaux. Ensuite la route longe la mer, entre les dunes et la lagune. C’est la premières fois que je vois de grandes plages non urbanisées en Italie, c’est vrai que c’est exceptionnel. De là on voit toujours le Circeo, mais de l’autre coté il a une forme complètement différente, comme un tremplin.. Puis je laisse la mer pour me rapprocher de ma destination dans les montagnes et revoilà le vent de face. Mais au bout de 20 km, une fois atteint le pied des montagnes, le vent devient plus faible. Il me reste 10 km de montée pour rejoindre Cori. Je commence la montée et voilà un cycliste qui me dépasse puis qui fait demi-tour pour revenir à ma hauteur : « c’est toi le cycliste qui fait le tour d’Italie ? » Legambiente a envoyé quelques cyclistes à ma rencontre pour m’accompagner dans la montée. A un autre carrefour on en retrouve d’autres et tous ensemble on attaque la dernière partie de la montée. Le village est quand même bien perché mais pour ne pas faire pâle figure je vais au maximum. Ca monte, ça monte. On a l’impression de décoller au-dessus de la plaine. Au loin on aperçoit la mer, et ça monte, et voilà la place du village. Sur la place il y a un petit stand avec des drapeaux Legambiente et un petit groupe avec un mégaphone me souhaite la bienvenue. Il y a un petit discours du maire, ils ont préparé tout un buffet avec les spécialités régionales et pour couronner le tout voilà deux cavaliers à cheval qui me font un petit spectacle… Quel accueil ! Cette étape de Cori est ma dernière étape avant Rome mais alors ça va être grandiose. J’y reste 2 jours et pendant ces deux jours je ne vais pas arrêter de manger, tout le monde m’invite à des festins, c’est pas croyable ! Je suis logé chez Laura qui possède une maison magnifique au cœur du village avec une vue panoramique sur la plaine jusqu’à la mer et les îles Pontines. Je vais dans les écoles aussi : à l’école primaire je fais des jeux avec les enfants puis au collège je fais une conférence avec projections de photos. Les élèves sont captivés. Les profs me diront ensuite que c’est la première fois qu’ils voient leurs élèves aussi intéressés à quelque chose… Je vais même au club des anciens. C’est la salle commune où ce retrouve les vieux du village. Les hommes jouent aux cartes, les femmes au loto. Il y en a même qui font des cours de danse. Ils s’amusent bien les anciens. Et eux ils chahutent beaucoup plus que les collégiens durant mon exposé… Et puis j’ai droit à une visite guidée du village. C’est vraiment très joli ce village perché sur sa colline au milieu des oliviers et des vignes. Et puis avec les couleurs automnales la campagne est magnifique avec les ors des vignes qui concourent avec les dorés des forêts de châtaigniers. J’apprends que ce petit village n’est pas tant que ça un village mais plutôt l’antique Cora, sans doute aussi vieille que Rome, une des sept villes de la ligue latine. Et pour preuve ces murs cyclopéens au milieu du village, formés d’énormes blocs de pierre. Et au sommet du village, un temple romain ! Décidemment l’Italie n’en finit pas de me révéler ses surprises. Et pour finir, j’ai même droit à une balade à cheval dans la montagne. Vraiment exceptionnelle cette étape ! Vive Cori !
Et voici l’heure de la dernière étape. Je laisse Cori par une belle matinée bien fraîche et redescend la montagne à travers la jolie campagne ensoleillée. Plus que 50 km pour rejoindre Rome. Plutôt que de suivre la route principale pleine de trafic, je préfère faire un petit détour par les Monts Albani. Ca monte, mais pas tant que ça, et j’arrive dans les bois. Je passe au dessus d’un grand lac, situé au fond d’un cratère, car les monts Albani sont un ancien volcan. Puis j’entame ma dernière descente. J’arrive à Ciampino, à 15 km de Rome. Là, j’ai rendez-vous avec papa, qui est venu spécialement de France et a loué une bicyclette pour m’accompagner le long des derniers kilomètres. Ca me fait bien plaisir ! Et ces derniers kilomètres nous les ferons le long de la Via Appia , mais la Via Appia antique, l’originale, qui est restée pavée comme au temps des romains. Sur le début, la via est même un peu trop antique, au milieu des terrains vagues, on a du mal à la trouver. Mais on voit une énorme ruine et au pied une rangée de pins parasols qui part vers Rome. La voilà au milieu des herbes folles. Le début est un peu étrange. On se trouve au milieu des champs, avec le ciel gris, quelques ruines qui sortent des herbes. C’est désert. Puis on croise un gars qui se promène tout seul. Puis un autre. Et encore un autre. Puis un avec sa grosse voiture qui essaye de se garer au milieu de nulle part. Qu’est ce qu’ils fabriquent ceux là ?.. J’ai compris, ce ne sont pas des touristes perdus mais plutôt le rendez-vous des homosexuels. Pour le coup ça devient glauque. On se dépêche de dépasser la zone pour arriver dans le coin des travestis. De mieux en mieux. On finit avec les prostituées puis nous revoilà au milieu des champs déserts. Ouf ! On s’en souviendra de la Via Appia Antica ! Maintenant ça devient un peu mieux aménagé, il y a de plus en plus de ruines de part et d’autre, le sol est jonché de vielles stèles et de morceaux de colonnes, et la vieille voie antique continue sous les pins parasols avec ses vieux pavés. C’est impressionnant. On continue, on est toujours au milieu des champs même si maintenant Rome n’est distante que de quelques kilomètres. On passe maintenant entre des ruines immenses, vestiges de termes, de résidences impériales, on longe l’antique aqueduc pendant un moment. On sent qu’on se rapproche de quelque chose de grandiose. J’imagine l’impression des voyageurs de l’Antiquité quand ils arrivaient à Rome exactement le long de la même route. Et on est toujours au milieu de la campagne. C’est ça qui est magnifique. On doit même s’arrêter pour laisser passer un berger et ses moutons.. C’est bucolique, c’est le rêve d’arriver à Rome comme ça. Mais on doit déchanter : une masse de voitures arrive à pleine vitesse en sens inverse. C’est la sortie des bureaux et l’ultime portion de Via Appia est ouverte au trafic ce qui fait qu’on se prend le flux des voitures qui rentrent chez eux toutes excitées. C’est infernal. Heureusement on trouve une petite voie parallèle plus tranquille. Et voilà que la roue arrière de mon chariot ! C’est le pneu qui est complètement usé. Mais la nuit commence à tomber on n’a pas le temps de faire les réparations. On regonfle vite fait en espérant que ça tienne. La voie parallèle nous reporte dans le flot de voiture embouteillées mais il faut continuer on n’y est presque. La roue se dégonfle mais je ne m’arrête pas. Il commence à pleuvoir c’est pas vrai. On continue. Voilà les murailles de Rome. On passe sous une porte immense, impressionnante. La roue de mon chariot est maintenant complètement dégonflée. Il pleut de plus en plus fort. L’autre rue du chariot est de travers. Mais on continue quand même. Et le voilà, enfin, au bout de l’avenue, qui apparaît grandiose : le Colisée. Je suis arrivé. J’ai fini mon tour d’Italie : wouah !
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19/12/2007
Le voyage ne s'arrête pas à Naples
A Naples, je suis resté une dizaine de jours. Je suis allé à la rencontre de la petite, toute petite asso Legambiente de Naples et j’ai aussi fait une conférence devant l’association cycliste. Je leur ai raconté mon voyage, je leur ai montré des photos et quand j’ai commencé à parler de la critical mass à laquelle j’avais participé à Milan, certains ont été enthousiastes. « Chiche on le fait à Naples ! » Fallait pas m’en dire plus, moi depuis Milan je rêvais de faire la même chose à Naples. On a donc fixé rendez-vous le samedi matin sur la place Plebiscite à tous les cyclistes de la ville en espérant d’être le plus nombreux pour pouvoir reprendre possession de la rue. Parce que Naples, c’est vrai, c’est la ville des extrêmes, très belle mais très chaotique, pleins de problèmes. Mais après trois mois sur les routes d’Italie en vélo, ça me saute aux yeux un des principaux problèmes de Naples. Si la ville est polluée, bruyante, dangereuse, noire, encombrée, je sais pourquoi, je tiens les coupables : ces satanées voitures et ces scooters fous. Enlevez-les de la rue et vous obtenez une ville métamorphosée. Et si on essayait pour voir. C’est un peu le but du Critical mass. Pour fonctionner, une Critical Mass doit atteindre la masse critique (d’où le nom), c'est-à-dire être assez de cyclistes pour former un groupe compact et se faire respecter des voitures. En effet, en ville, si une voiture voit une bicyclette, elle n’y fait pas attention et ne ralentit même pas en la dépassant. Par contre si elle se trouve face à un gros groupe de vélos elle est obligé de le prendre en considération comme un autre véhicule. Mais arrivera-t-on à trouver autant de cyclistes à Naples ?
En arrivant le samedi matin, j’avais un peu des doutes. Je me disais que déjà si on était une vingtaine ce serait un succès. Tout d’abord je ne vois personne, si ce n’est des groupes de touristes et une cinquantaine de motos de police rangées en file. Ces motos se mettent toutes en mouvement et partent faire un genre de défilé, et derrière, des vélos ! Des dizaines de vélos ! Et ça continue d’arriver. Tout le monde se regarde surpris d’être autant. A la fin on est bien une quarantaine. Ca tient presque du miracle : il existe donc au moins 40 cyclistes à Naples. Je leur explique le principe d’un Critical Mass. On reste en groupe bien compact et on s’aventure dans les rues. Et si possible dans les rues les plus embouteillées. On va commencer par le Cours Umberto Ier. Certains me regardent avec des regards effrayés. Mais tu es fou, on va se faire manger par les voitures… Pas de panique et restez en groupe. Et c’est parti, notre petit groupe de vélo, qui d’ailleurs n’est pas si petit que ça, s’aventure dans la rue et, miracle, ça fonctionne ! On occupe toute la largeur de la rue et les voitures restent sagement derrière nous. Et les scooters, bloqués derrière les voitures. Et comme par magie, la rue devant nous est toute dégagée. Quelle sensation étrange, rouler en vélo à Naples en toute sécurité… La rue devient silencieuse, l’air est moins pollué puisqu’on n’a plus les gaz d’échappement dans la figure. C’est assez incroyable un tel changement. Et on continue dans les pires endroits où jamais un cycliste n’aurait osé s’aventurer en temps normal : Place Garibaldi devant la gare, Place Carlo III, sur la longue via Foria. Ces avenues, d’où d’habitude se dégage seulement une impression de bruit et de pollution, nous apparaissent différemment. On a le temps de regarder les immeubles qui en fait sont jolis. En passant le long du jardin botanique on peut même respirer les effluves de fraîcheur de la végétation. Naples transformée…
Bien sûr il y a quelques scooters qui essayent de nous dépasser, mais les automobilistes sont beaucoup moins énervés qu’à Milan. Il faut dire qu’ici ils ont tellement l’habitude d’être bloqués dans les embouteillages. L’ambiance est joyeuse, les passants sur les trottoirs sont surpris, mais plutôt contents de ce répit improvisé de calme dans la rue. On discute entre cyclistes, certains me racontent que c’est la première fois qu’ils osent faire du vélo dans le centre-ville.
A la fin on finit par être bloqués nous même par les embouteillages de voiture mais on se faufile et on conclue notre tour en retournant place Plébiscite. Tout le monde est enthousiaste et voudrait recommencer l’expérience, et voudrait amener des amis pour être encore plus. Décision est prise de refaire ça chaque mois. Moi je suis vraiment content d’avoir réussi à concrétiser ce rêve et que mon passage ait servi à lancer l’initiative. Je ne pédale pas pour rien…
Voilà pour Naples. Mais un tour d’Italie qui se respecte se doit de finir à Rome. Et donc le mercredi je renfourche ma bicyclette pour dix derniers jours de vélo jusqu’à la ville éternelle.
Nous sommes fin novembre le temps n’est pas terrible mais le but est d’arriver au congrès national de Legambiente, qu’ils ont eu la mauvaise idée (pour moi) de placer le 7 décembre. Ce qui m’a contraint de rouler pendant tout l’automne. (y’avait quand même pas que des désavantages : c’était la saison des mandarines comme ça j’ai pu en prendre plein sur les arbres…). De Naples je fais une première étape d’une vingtaine de kilomètres vers le nord jusqu’à Succivo où m’accueille une asso Legambiente. Je traverse toute la banlieue de Naples. Cette zone n’a pas très bonne réputation, entre mafia et décharges illégales, je m’attends au pire. Mais bon, personne ne me tire dessus, des déchets évidemment il y en a, mais bon je m’attendais à pire, et j’ai la surprise de découvrir les centres-villes préservés plutôt jolis qui correspondent aux anciens villages qui ont étés absorbés par l’urbanisation. L’asso de Legambiente se trouve même dans une vieille ferme fortifiée du XVIIème siècle, au milieu d’un morceau de campagne préservée. En fait si la zone autour de la ferme n’est pas construite, c’est surtout grâce à eux, parce qu’ils sont réussit à faire classer la ferme en monument historique avec un périmètre de protection autour, ce qui a un peu contrecarré les plans d’urbanisation massive de la commune. Autant dire qu’ils ne sont pas très appréciés par la mairie. Ici, les politiques ne pensent qu’à construire, car c’est bien connu, le bâti est le meilleur moyen de recycler l’argent sale de la mafia. Ca construit n’importe comment, n’importe où, sous les lignes à hautes tensions. La mairie a prévu des milliers de logements sans le moindre plan d’urbanisme, sans penser par exemple à faire de nouvelles écoles pour accueillir les nouveaux enfants. Ce qui va conduire à des situations explosives. Legambiente essaye de maintenir l’identité du territoire, essentiel pour maintenir la cohésion. L’asso s’appelle « la vigne et le peuplier » pour rappeler une technique de culture de la vigne particulière à cette zone. Les paysans faisaient pousser les vignes sur de grands peupliers, jusqu’à 5 mètres de haut. Les peupliers servaient de tuteurs et le raisin se récoltait à l’aide d’échelles. C’est incroyable la variété de culture de la vigne que j’ai rencontré en faisant le tour de l’Italie… A Succivo, je fais une animation à l’école primaire, où comme d’habitude les enfants sont enthousiastes pour le vélo puis je repars pour Caserta. Mais il pleut, et fort. Souvent les enfants me demandent qu’est ce que je fais avec mon vélo si il pleut. En général je réponds que j’attends que la pluie passe car les averses ne durent jamais plus d’une heure. Mais cette règle ne fonctionne plus en novembre. Il pleut, il pleut, ça ne s’arrête pas. Et bien si il pleut trop, dans ce cas je prends un autre moyen de transport peu polluant : le train. C’est bête parce que je n’avais que 20 km à faire mais ce jour-là pas une accalmie.
Caserta, c’est le Versailles de Naples, du temps où Naples était la capitale du Règne des Deux Siciles. A Naples il y avait aussi des rois Bourbon, et ils ont voulu faire comme leurs cousins français, un immense palais à l’écart de la capitale agitée. Et le résultat est plutôt réussi. Quand on arrive à Caserta, pourtant distante de Naples de seulement 30 km, on se sent loin de Naples, l’atmosphère est toute tranquille, les rues aux pavés luisants sous les décorations de Noël, l’architecture des petits immeubles bourgeois font beaucoup penser à une petite ville d’Ile de France. L’impression y serait presque si ce n’étaient ces montagnes de déchets qui s’accumulent dans les rues. Parce qu’à Caserta, un peu comme partout ailleur sen Campanie d’ailleurs, ils ont un petit problème : la décharge est pleine et ils ne savent plus où mettre leur déchets. Je vous laisse imaginer comme ils ont des administrateurs avisés, qui attendent que les décharges soient pleines pour se demander où mettre les déchets. Evidemment aucun tri sélectif mis en place, pendant que le centre de recyclage du plastique distant de seulement 10 km tourne à 20 % de sa capacité. Et oui mais un centre de recyclage, ça n’intéressait pas les politiques. Eux ils voulaient l’incinérateur, le gros, l’énorme dans lequel on peut tout brûler, déchets normaux mais aussi déchets toxiques importés illégalement du nord de l’Italie. Et cet incinérateur est prévu justement en plein milieu de la zone contrôlée par la mafia à Acerra . Alors la population, qui a deviné ce qui allait se passer, s’est insurgée et a bloqué la construction. Et qu’est ce qu’on fait maintenant ? Certaines rues commencent à être bloquées par les montagnes de déchets qui s’accumulent. Legambiente, qui est écologiste mais aussi pragmatique dit qu’au point où on en est, ce sera toujours mieux l’incinérateur que de mettre le feu au tas d’immondices. Mais il faut des contrôles, tant de contrôles. Quand on sait que l’usine qui prépare les déchets pour l’incinérateur, qui fabrique les fameuses écoballes, n’est déjà pas aux normes, il est évident que l’incinérateur dépassera les normes de rejet. Alors mettons aux normes les écoballes. Mais rien ne se fait. Parce que comme ça la situation reste dans l’urgence. Et régulièrement la mafia propose des terrains où stocker les déchets en attendant, et l’administration n’a pas le choix vu l’accumulation dans les rues, et comme ça la mafia réussit à faire recouvrir ses déchets toxiques illégaux par les déchets « normaux ». Enfin bon, je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps avec ce problème bien complexe mais pour résumer : c’est le bordel… C’est un fléau cette mafia..
Moi à Caserta je suis venu parler d’un autre problème les transports (imaginez qu’à Caserta, une ville de 60.000 habitants il n’y a même pas de service de bus) et comme à mon habitude je vais dans les écoles. Les enfants sont bien intéressés par ce que je leur raconte. Dans la deuxième école où je vais, j’ai même droit à un accueil impressionnant : les enfants m’ont préparé des poèmes du genre « si le vélo avec Youri tu utiliseras, la terre et le climat tu sauveras… », ils ont fait des dessins, les mamans m’ont cuisiné des gâteaux. C’est trop la fête ! A la fin je sors ma petite guitare et on chante tous ensemble. Quand je dois repartir, toute l’école sort me dire au revoir. Il y a aussi des délégations du collège et du lycée, et aussi un conseiller municipal est venu me saluer. Quand je m’éloigne avec mon vélo et mon petit chariot, les enfants me courent après en me disant au revoir… C’est la folie ! Ca c’est de l’accueil ! Ensuite un petit groupe de cycliste me fait faire le tour de la ville et me porte au château. Effectivement ça ressemble beaucoup à Versailles, et le jardin aussi, avec une perspective impressionnante de 3 km, sauf qu’ici, au lieu de se terminer dans la plaine, l’allée centrale se termine sur une montagne en face. Vraiment très beau.
Et maintenant en route pour Rome et les dernières étapes…
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04/12/2007
Retour à la maison
Après la Basilicate je suis retourné en Campanie. Plutot que de refaire la traversée des montagnes cette fois-ci j'ai pris le train jusqu'à Eboli et de là j'ai pédalé un peu pour arriver jusqu'à Paestum. Paestum, c'est un peu le retour à la maison puisque c'est là que j'ai passé les 7 mois de mon Service Volontaire Européen l'année dernière. De manière générale, pendant tout mon parcours en Campanie je me sentirais en terrain connu. Mon voyage en vélo prend donc une autre tournure : un peu moins l'aventure et plus de travail. Parce qu'ici j'ai un programme chargée d'intervention dans les écoles. Depuis le début de mon tour je n'avais fait que trois fois des animations dans les écoles. Et maintenant dans les deux semaines qui suivent je vais en faire près d'une dizaine. D'abord à Paestum, puis à Pontecagnano, une ville à une trentaine de kilomètres de Paestum et où je n'étais jamais allé. Et pour cause : Pontecagnano n'est pas particulièrement rèputée pour sa beauté car c'est une grosse cité dortoir de la banlieue d Salerne. Pourtant, là aussi je vais faire des découvertes. En plein milieu des immeubles Legambiente gère un parc éco-archéologique. Et qu'est ce que c'est un parc éco-archéologique? En fait en plein milieu de Pontecagnano se trouve les restes d'une ville antique etrusque. La surintendance a donc classé la zone inconstructible mais n'a pas d'argent pour commencer les fouilles ce qui fait que cela fait une zone de 80 hectares en friche. Legambiente a donc demandé la gestion de la zone et en attendant que débute les fouilles y a installé des jardins ouvriers qui rencontrent un vif succés auprès de la population. Evidemment les seules contraintes sont de ne pas bécher à plus de 30 cm de profondeur et de cultiver bio. Incroyable Legambiente, dans chaque ville où je passe, je découvre chaque fois des initiatives différentes.
Après Pontecagnano, je passe à Salerne où je fais une petite conférence, puis à Cava dei Tirreni où je fais mon animation avec la classe d'une amie. Cette classe c'est la troisième fois que je fais quelque chose avec eux, alors on se connait bien.Et mon activité d'éducation environnementale sur la problématique des transports tourne à la fete : je sors ma guitare pour leur chanter des chansons, on refait tous ensemble les jeux africains que je leur avais appris l'année dernière et à la fin les enfants courent tous derrière ma bicyclette. C'est la folie!
Mais au fait, est-ce que je vous ai expliqué comment se déroule cette fameuse animation que je fais dans les écoles? Pour commencer, quand c'est possible, j'arrive en direct avec le vélo et le chariot jusque dans la classe. Je peux vous dire que généralement ça fait de l'effet! Puis je me présente et raconte un peu ce que je suis en train de faire, et pourquoi : je suis un français qui voulait partir à la découverte de ce beau pays qu'est l'Italie, mais avant de partir je me suis demandé quel moyen de transport utliser pour faire ce beau voyage. Et je leur explique qu'après mure reflexion j'en suis arrivé à la conclusion que c'est le vélo le meilleur moyen de transport. Mais je voudrais qu'ils me confirment que j'ai fait le bon choix. Alors je leur propose de faire un jeu pour le savoir. Ce jeu, c'est "la gara dei trasporti" (la course des transports) Sur le tableau ou directement à terre, je dessine un parcours avec des cases, type jeu de l'oie. Puis je leur demande quels sont les différents moyens de transports dont on peut se servir pour se déplacer en ville : la voiture, le bus, la moto, le vélo sans oublier les pieds. De temps en temps ils me disent aussi les patins, le skate ou le cheval. Pourquoi pas. Je fais un pion pour chaque moyen de transport. Puis je leur demande de faire la liste de toutes les qualités que doit avoir un bon moyen de transport : rapide, confortable évidemment, mais aussi silencieux, peu dangereux, non-polluant, peu cher, non-encombrant. Enfin, pour chaque qualité, je leur demande de faire le classement entre tous les moyens de transport. Le premier a 5 points, le second 4 points, etc... Et comme òa petit à petit les moyens de transports avancent sur le parcours. Au début la voiture part fort avec les demandes sur la vitesse et le confort mais ensuite... Devinez qui finit premier à chaque fois? Je n'ai meme pas besoin de le dire, vous n'avez qu'à faire le jeu vous meme... En tout cas c'est un jeu qui plait bien aux enfants et je suis bien content parce que c'est moi qui l'ai inventé. A chaque fois ils se laissent porter par la course et quand le vélo finit par gagner (et bé oui parce que figurez vous que c'est le vélo qui gagne à chaque fois!) ils poussent des cris de joie..
Après Cava dei Tirreni j'ai continué le long de la Cote Amalfitaine. J'avais déjà parcouru cette route en voiture avec papa l'année dernière, (je pense que papa s'en souvient bien, en particulier des tournants) Cette route tortueuse, qui est un vrai calvaire pour les automobilistes, devient une merveille quand on est en vélo. Des panoramas à couper le souffle que l'on a tout le temps d'admirer depuis la bicyclette. Arrivé à Amalfi je suis accueilli une fois de plus par les volontaires Legambiente. Ici je suis logé dans une maison ancienne du centre historique, qui se révèle etre une ancienne fabrique à papier. Le fameux papier d'Amalfi. Amalfi était une des 4 république marine d'Italie et aux alentours de l'an mille ses marins parcouraient toute la mer Méditerranée. Lors de leurs échanges avec les arabes ils en ont rapporté le secret du papier. C'est exceptionnel d'etre logé en plein coeur de la vieille cité, avec les habitants qui vous racontent l'histoire de leur territoire. Legambiente m'offre meme quelques échantillons de ce fameux papier. Et ce n'est pas fini, j'ai droit à une dégustation de baba à la liqueur de citrons, la spécialité de la zone. Le lendemain je fais des animations dans les écoles et là encore j'ai droit à un bel accueil. Les enfants de primaire m'ont dessiné une belle fresque et les collègiens m'ont meme préparé un spectacle de danse! Je m'en souviendrai longtemps de l'accueil amalfitain.
Je continue le long de cette merveilleuse route cotière, dépasse Positano, tout aussi beau qu'Amalfi puis grimpe un peu et passe de l'autre coté de la péninsule. Voilà la baie de Naples! Mais vue d'un angle insolite, puisque je suis en face de Naples. Vu d'ici, le Vésuve a une silhouette différente de celle archie connue vue de Naples. je descends vers Sorrente. Ici aussi on cultive les citrons mais d'une autre manière qu'à Amalfi. Alors qu'à Amalfi les citronniers sont planté en terrasse du fait de la pente, à Sorrente les citroniers sont situés à l'intérieur d'énorme structures de perches en bois. En fait il y a une superpositions d'arbres fruittiers. En bas, les citroniers; au dessus avec de longs troncs, les oliviers; et encore au dessus d'autres arbres comme les cerisiers ou les noyers. Autour des arbres, comme un échaffaudage en bois sur lequel pousse s'enchevetre la vigne. Ce qui permet de multiplier les récoltes sur un meme espaces et donne ces immenses structures hautes de près de 10 m..
La ville de Soorente est située au sommet de falaises noires, hautes d'une centaine de mètres et qui plongent directement dans la mer. En plein milieu de la ville il y a un véritable gouffre dans lequel s'enfile une route qui conduit jusqu'au port. Il y a vraiment une concentrations de sites incroyables en Campanie. Je ne finis pas d'en découvrir.. De Sorrente je prends le ferry pour Capri. A Capri j'y reste deux jours au milieu d'un déluge sans fin. Il pleut, il pleut. La aussi je fais des interventions dans les écoles, une petite conférence aussi, puis repars toujours sous la pluie avec le ferry pour Naples, à Naples où l'on va tenter à l'occasion de mon passage de faire une petite vélorution...
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02/12/2007
Basilicate
Après une longue nuit bercé par les flots, j'arrive dans le port de Naples au petit matin. De là je prends le train jusqu'à Roccadaspide, au-dessus de Paestum, où je fais une pause de quelques jours. De Paestum à Potenza, il reste une centaine de kilomètres, à travers les montagnes. Je les ferai à vélo. C'est l'occasion de découvrir le Parc National du Cilento, juste derrière Paestum, que je connais très peu, même si j'ai habité ici quasi une année. J'enfourche ma bicyclette par une belle matinée doménicale. Maintenant nous sommes en novembre et il fait trop froid pour dormir sous la tente c'est pourquoi mon objectif est de rejoindre Potenza dans la journée. La journée est très belle et la route panoramique magnifique. Les couleurs automnales ont envahi le paysage. Les habitants ont profité du beau temps pour faire la récolte des olives en famille. Le paysage est constellé du vert des filets placé sous les oliviers. Certains récoltent aussi les glands, destinés à l'alimentation des cochons. Dans chaque village il y a les affiches annonçant la foire de la chataigne. Dominant le paysage, il y a l'imposante silhouette des Monts Alburni, avec leurs hautes falaise brunes. La route descend tout d'abord jusqu'au fond de la vallée du Calore, une des dernières rivières d'Europe où l'on peut encore trouver la loutre à l'état sauvage. Puis commence la montée. Je suis maintenant en plein coeur du parc du Cilento, les habitations se font rares, la route est déserte. C'est un délice de rouler dans ces conditions. La route sort de la vallée et entame l'ascension des Alburni. Je passe un dernier village, Bellosguardo ("Beau Regard", tout un programme..). En effet la vue est belle. Pendant que je me repose 5 minutes assis sur un banc passe une petite procession guidée par le maire et le curé. Puis le maire s'arrête devant une pierre commémorative et entame un long discours aux accents emphasique. Tout à fait l'ambiance de Don Camillo.. Je continue l'ascension. Les oliveraies ont fait place aux vergers. Ça monte encore, et je roule désormais entre les bosquest et les pâturages de moutons. Il fait plus froid. Les hautes parois rocheuses sont maintenant juste en face de moi. Les nuages sont sortis de derrière les montagnes et souffle un vent assez fort. Ça monte toujours. La vue est magnifique. Un dernier bosquet de sapins et après un ultime virage la route s'engouffre dans une brèche dans la falaise. Et voilà la descente! Un panneau indique l'altitude : 980m! C'est le point le plus haut de mon voyage. Je suis surpris d'avoir fait la montée si facilement. J'entame la descente à pleine vitesse le long de hautes parois rocheuses. En moins de 20 mn j'arrive au bas de la descente et me retrouve dans une étrange zone plate au milieu des montagne. C'est le Val de Diano, qui est visiblement un ancien lac asséché. Il est 13 heures et j'ai la moitié du parcours. Plus que 45 km jusqu'à Potenza. Je devrais y arriver. Passons à la montagne suivante. La montée est beaucoup plus courte et en moins d'une heure j'arrive au col, au village de Brienza, surplombé d'une énorme forteresse. L'architecture des maisons change, les montagnes aussi, plus arrondies et couvertes de champs cultivés : je suis arrivé en Basilicate, l'antique Lucanie. À la sortie de Brienza il y a une bifurcation. À gauche l'ancienne route nationale dont je peux voir tout le parcours d'où je suis : je la vois qui descend au fond de la vallée, puis qui remonte, replonge dans la vallée suivante, et remonte... De vraies montagne russes.. À droite, la nouvelle route, une voie express qui va aussi à Potenza et qui file droit dans les montagnes grâce à une succession de viaducs et de tunnels... On est dimanche après-midi, la route est déserte, le choix est vite fait : la voie express! Je vole au dessus des vallées, traverse les montagnes. C'est sympa la montagne sans les montées.. Encore un dernier tunnel et il ne me restera plus qu'une longe descente d'une dizaine de km pour rejoindre Potenza. J'ai réussi le défi de cette grosse étape de montagne.. Sauf que, en sortant du tunnel, m'attend une armée de gros nuages noirs, sortis de je ne sais où. J'ai juste le temps de me réfugier dans un supermarché en construction. Le déluge! Et ça dure. Et la nuit tombe petit à petit. C'est rageant, j'y étais presque! Je dois me résigner à appeler Marco de Legambiente Basilicate qui envoie quelqu'un me chercher avec le fourgon.. Le lendemain, je fais une animation dans un petit village à côté de Potenza, Pignola. Malgré la pluie, je fais l'effort d'aller jusqu'à l'école avec le vélo. L'effet sur les enfants est toujours meilleur quand j'arrive directement à l'école avec le vélo. Et puis le parcours est agréable puisque de Potenza à Pignola, l'ancienne voie ferrée a été transformée en piste cyclable. La piste passe même par un ancien tunnel. C'est très agréable, la montée se fait en pente douce, au milieu des arbres. Le projet est de continuer la piste cyclable sur tout le reste de l'ancienne voie ferrée à travers les montagnes de la Basilicate. Cela pourrait entrer dans un projet de développement de l'écotourisme. Parce que la basilicate est un peu la région oubliée de l'Italie, loin des circuits touristiques. Mais cela pourrait devenir sa chance, parce que du fait du faible développement économique, la campagne a été préservée. Et puis il y a quand même un patrimoine historique intéressant. Je le découvre l'après-midi, lors d'une conférence organisée par Legambiente dans un autre village. La conférence est organisée dans le cadre de Salvalarte, une campagne de Legambiente pour protéger et faire connaître le patrimoine local. Dans ce village se trouve une petite église dans laquelle on a redécouvert des peintures rupestres du XIIème siècle très bien conservées. Ce patrimoine est très peu connu mais néanmoins très beau. Il y a aussi des antiques villas romaines dispersées dans la campagne. Et aussi tout un réseau d'anciennes mulatières pavées qui parcourent les montagnes. Bref, y en a des choses. Mais je dois dire que je n'ai pas encore trouvé un endroit en Italie où il n'y ai rien à voir... En tout cas cette petite étape m'a permis de découvrir une région que je ne conaissais pas et qui est néanmoins très belle. Maintenant retour en terrain connu : La Campanie
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