29/12/2007
...Jusqu'à Rome
Depuis l’Antiquité, c’est bien connue toutes les routes mènent à Rome, mais la plus célèbre d’entre elle, c’est la Via Appia. C’est l’antique voie qui menait de Rome à Naples. Et cette route existe toujours. Pour la fin de mon parcours, je vais donc suivre plus ou moins son parcours. De Caserta, elle me porte à l’antique cité de Capoue, dont on raconte qu’elle aurait pu prendre la place de Rome si elle avait gagné une bataille décisive entre les deux cités. Entièrement rasée à la suite de sa défaite contre Rome, il subsiste tout de même un immense amphithéâtre. Après Capoue je traverse la Terra di Lavoro (terre du travail), la vaste plaine agro-industrielle au nord de Naples. Ce n’est pas super beau mais je pédale et arrive au pied d’une petite barrière montagneuse qui se monte facilement. De l’autre côté des montagnes le paysage change, c’est plus joli, la route descend bordée de pins parasols, il commence à y avoir des cyprès dans les champs. J’arrive aux confins de la Campanie. Je passe un dernier fleuve, le Garigliano, et me voici dans le Latium, la région de Rome. La route rejoint la côte au niveau du magnifique golfe de Gaeta, une presqu’île qui forme une courbe parfaite avec une citadelle antique à l’extrémité. Je m’arrête un peu avant, à Formia, où je suis accueilli par Legambiente. L’étape est rapide, juste le temps de dormir et de faire une petite animation à l’école primaire le matin et je repars. Prochaine étape Latina à 80 km de là. Je passe la presqu’île de Gaeta et continue vers le nord le long de la côte rocheuse. Le ciel gris est très bas et souffle un abominable vent de face. Cela donne une ambiance très sauvage au paysage. Au loin se dessine la forme déchiquetée d’un volcan noir au milieu des flots. Ca fait un peu île mystérieuse. J’y situerais volontiers la base d’un savant fou. C’est le Promontoire du Circeo, où aurait habité la magicienne Circée qui aurait enchanté Ulysse lors de son passage le long des côtes. Toujours Ulysse… Et en fait ce n’est pas une île mais une presqu’île mais de loin l’impression est parfaite. Et ce n’est pas un volcan non plus mais un massif calcaire, c’est l’angle de vue qui donne cette impression. Par contre c’est un Parc National, ce qui n’est pas déjà pas si mal et ce n’est pas impossible qu’il s’y trouve un savant fou… J’ai le temps d’y penser pendant que je m’échine contre ce maudit vent de face. J’arrive à Terracina, dominée par une grosse montagne surmontée d’une antique structure : le temple de Jupiter Anxur. Il est 14 heures. Il me reste 2 heures de jour pour faire les 40 km qui me séparent de Latina, toujours avec ce vent de face. C’est pas gagné. Mais je continue, continue. Je dépasse le promontoire du Circeo, longe une grande forêt. Ce n’est pas courant une forêt en plaine. C’est la première que je vois. Elle fait partie du parc national justement. Pendant un instant j’ai l’impression de me retrouver en France, à côté de Tours, le paysage est le même, surtout avec ce ciel gris…
Je finis par arriver à Latina mais la nuit est tombée depuis un moment. M’attend Gustavo de Legambiente. A Latina je m’arrête juste le temps de dormir parce qu’ils n’ont pas eu le temps d’organiser un passage dans les écoles. Dommage parce que la ville se prête parfaitement à l’usage du vélo : c’est une ville récente, construite par Mussolini lors du drainage des Marais Pontins. Du coup les rues sont larges et c’est tout plat. Mais ce n’est pas super joli. Le style mussolinien je ne suis pas fan.
Mon avant dernière étape est toute proche mais comme j’ai un peu de temps et que le beau temps est revenu, Gustavo me conseille de retourner un peu en arrière de 10 km pour passer voir les lagunes que j’ai manquées la veille en arrivant de nuit. Je suis son conseil et c’est vrai que ça en vaut la peine. De jolis lacs bordés de palmiers avec plein d’oiseaux. Ensuite la route longe la mer, entre les dunes et la lagune. C’est la premières fois que je vois de grandes plages non urbanisées en Italie, c’est vrai que c’est exceptionnel. De là on voit toujours le Circeo, mais de l’autre coté il a une forme complètement différente, comme un tremplin.. Puis je laisse la mer pour me rapprocher de ma destination dans les montagnes et revoilà le vent de face. Mais au bout de 20 km, une fois atteint le pied des montagnes, le vent devient plus faible. Il me reste 10 km de montée pour rejoindre Cori. Je commence la montée et voilà un cycliste qui me dépasse puis qui fait demi-tour pour revenir à ma hauteur : « c’est toi le cycliste qui fait le tour d’Italie ? » Legambiente a envoyé quelques cyclistes à ma rencontre pour m’accompagner dans la montée. A un autre carrefour on en retrouve d’autres et tous ensemble on attaque la dernière partie de la montée. Le village est quand même bien perché mais pour ne pas faire pâle figure je vais au maximum. Ca monte, ça monte. On a l’impression de décoller au-dessus de la plaine. Au loin on aperçoit la mer, et ça monte, et voilà la place du village. Sur la place il y a un petit stand avec des drapeaux Legambiente et un petit groupe avec un mégaphone me souhaite la bienvenue. Il y a un petit discours du maire, ils ont préparé tout un buffet avec les spécialités régionales et pour couronner le tout voilà deux cavaliers à cheval qui me font un petit spectacle… Quel accueil ! Cette étape de Cori est ma dernière étape avant Rome mais alors ça va être grandiose. J’y reste 2 jours et pendant ces deux jours je ne vais pas arrêter de manger, tout le monde m’invite à des festins, c’est pas croyable ! Je suis logé chez Laura qui possède une maison magnifique au cœur du village avec une vue panoramique sur la plaine jusqu’à la mer et les îles Pontines. Je vais dans les écoles aussi : à l’école primaire je fais des jeux avec les enfants puis au collège je fais une conférence avec projections de photos. Les élèves sont captivés. Les profs me diront ensuite que c’est la première fois qu’ils voient leurs élèves aussi intéressés à quelque chose… Je vais même au club des anciens. C’est la salle commune où ce retrouve les vieux du village. Les hommes jouent aux cartes, les femmes au loto. Il y en a même qui font des cours de danse. Ils s’amusent bien les anciens. Et eux ils chahutent beaucoup plus que les collégiens durant mon exposé… Et puis j’ai droit à une visite guidée du village. C’est vraiment très joli ce village perché sur sa colline au milieu des oliviers et des vignes. Et puis avec les couleurs automnales la campagne est magnifique avec les ors des vignes qui concourent avec les dorés des forêts de châtaigniers. J’apprends que ce petit village n’est pas tant que ça un village mais plutôt l’antique Cora, sans doute aussi vieille que Rome, une des sept villes de la ligue latine. Et pour preuve ces murs cyclopéens au milieu du village, formés d’énormes blocs de pierre. Et au sommet du village, un temple romain ! Décidemment l’Italie n’en finit pas de me révéler ses surprises. Et pour finir, j’ai même droit à une balade à cheval dans la montagne. Vraiment exceptionnelle cette étape ! Vive Cori !
Et voici l’heure de la dernière étape. Je laisse Cori par une belle matinée bien fraîche et redescend la montagne à travers la jolie campagne ensoleillée. Plus que 50 km pour rejoindre Rome. Plutôt que de suivre la route principale pleine de trafic, je préfère faire un petit détour par les Monts Albani. Ca monte, mais pas tant que ça, et j’arrive dans les bois. Je passe au dessus d’un grand lac, situé au fond d’un cratère, car les monts Albani sont un ancien volcan. Puis j’entame ma dernière descente. J’arrive à Ciampino, à 15 km de Rome. Là, j’ai rendez-vous avec papa, qui est venu spécialement de France et a loué une bicyclette pour m’accompagner le long des derniers kilomètres. Ca me fait bien plaisir ! Et ces derniers kilomètres nous les ferons le long de la Via Appia , mais la Via Appia antique, l’originale, qui est restée pavée comme au temps des romains. Sur le début, la via est même un peu trop antique, au milieu des terrains vagues, on a du mal à la trouver. Mais on voit une énorme ruine et au pied une rangée de pins parasols qui part vers Rome. La voilà au milieu des herbes folles. Le début est un peu étrange. On se trouve au milieu des champs, avec le ciel gris, quelques ruines qui sortent des herbes. C’est désert. Puis on croise un gars qui se promène tout seul. Puis un autre. Et encore un autre. Puis un avec sa grosse voiture qui essaye de se garer au milieu de nulle part. Qu’est ce qu’ils fabriquent ceux là ?.. J’ai compris, ce ne sont pas des touristes perdus mais plutôt le rendez-vous des homosexuels. Pour le coup ça devient glauque. On se dépêche de dépasser la zone pour arriver dans le coin des travestis. De mieux en mieux. On finit avec les prostituées puis nous revoilà au milieu des champs déserts. Ouf ! On s’en souviendra de la Via Appia Antica ! Maintenant ça devient un peu mieux aménagé, il y a de plus en plus de ruines de part et d’autre, le sol est jonché de vielles stèles et de morceaux de colonnes, et la vieille voie antique continue sous les pins parasols avec ses vieux pavés. C’est impressionnant. On continue, on est toujours au milieu des champs même si maintenant Rome n’est distante que de quelques kilomètres. On passe maintenant entre des ruines immenses, vestiges de termes, de résidences impériales, on longe l’antique aqueduc pendant un moment. On sent qu’on se rapproche de quelque chose de grandiose. J’imagine l’impression des voyageurs de l’Antiquité quand ils arrivaient à Rome exactement le long de la même route. Et on est toujours au milieu de la campagne. C’est ça qui est magnifique. On doit même s’arrêter pour laisser passer un berger et ses moutons.. C’est bucolique, c’est le rêve d’arriver à Rome comme ça. Mais on doit déchanter : une masse de voitures arrive à pleine vitesse en sens inverse. C’est la sortie des bureaux et l’ultime portion de Via Appia est ouverte au trafic ce qui fait qu’on se prend le flux des voitures qui rentrent chez eux toutes excitées. C’est infernal. Heureusement on trouve une petite voie parallèle plus tranquille. Et voilà que la roue arrière de mon chariot ! C’est le pneu qui est complètement usé. Mais la nuit commence à tomber on n’a pas le temps de faire les réparations. On regonfle vite fait en espérant que ça tienne. La voie parallèle nous reporte dans le flot de voiture embouteillées mais il faut continuer on n’y est presque. La roue se dégonfle mais je ne m’arrête pas. Il commence à pleuvoir c’est pas vrai. On continue. Voilà les murailles de Rome. On passe sous une porte immense, impressionnante. La roue de mon chariot est maintenant complètement dégonflée. Il pleut de plus en plus fort. L’autre rue du chariot est de travers. Mais on continue quand même. Et le voilà, enfin, au bout de l’avenue, qui apparaît grandiose : le Colisée. Je suis arrivé. J’ai fini mon tour d’Italie : wouah !
12:15 Publié dans Tour d'Italie | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Bravo, magnifico, toutes mes félicitations et vive le petit chariot !
Écrit par : maman | 06/01/2008
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