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14/06/2007

Forza Napoli

A Naples, comme partout ailleurs en Italie, le foot fait partie de la vie des gens : on parle foot, on s'engueule foot, on parie sur le foot, les gamins dans la rue jouent au foot, chaque famille, dans son petit logement a l'ecran plan géant pour regarder le foot ou alors on s'achète le téléphone mobile avec la télé pour pouvoir regarder le foot sur le téléphone. Pourtant l'équipe de Naples ne fait pas partie de ces grands clubs italiens comme le Milan Ac ou la Juventus de Turin. Tout ce que je savais de l'équipe de Naples c'est qu'il y a une quinzaine d'années elle avait accueilli le fameux Maradona. Entre Maradona et Naples, évidemment ça avait été l'osmose la plus totale, les folies et le génie de Maradona s'accordant parfaitement avec l'ambiance de Naples. A tel point qu'on peut trouver dans la rue des petits autels avec des cierges dédiés à Maradonna, comme on en trouve ailleurs dédiés aux saints. A l'époque de Maradona, l'équipe de Naples s'était hissée aux sommets avec des titres de champions d'Italie et meme un titre de champion d'Europe en 1990. Mais depuis le départ de Maradona et des histoires avec la mafia qui aurait corrompu l'équipe pour se faire de l'argent sur les paris, plus rien. Je savais juste que l'équipe était retombée en Série B (équivalent de la 2ème division ) car sur les murs de Naples il y avait des tags d'encoragement du type : "courage les gars, on va remonter en A". Juste en passant, les tags sur les murs à Naples, ça n'a rien à voir avec cce qu'on peut avoir en France. Chez nous, c'est plutot du genre "nik la police", "93 en force" ou d'autres trucs aggressifs comme ça, alors qu'à Naples on a ou bien des messages sympa pour l'équipe de foot, ou bien des messages d'amour. Si, si, c'est des gros romantiques les napolitains, du genre à écrire : "je t'aimerais toujours", "tu es l'étoile de ma vie", ou alors " toi et moi, trois mètres au-dessus du ciel". A noter pour le dernier message qu'ils sont peut etre romantique mais ils n'ont pas trop d'imagination, parce qu'en fait cette phrase, c'est le titre d'un film qui a eu du succès chez les ados il y a deux-trois ans et depuis on trouve ça marqué partout partout, meme en initiales (3MSC =3 Metri Sopra il Cielo), c'est dire le romantique. Il y en quand meme qui feintent et qui marquent "toi et moi 4 mètres au-dessus du ciel" parce qu'à 3 mètres il y a trop de monde..

Et donc voilà ce que je savais de l'équipe de Naples, mais il y a deux semaines la ville a commencé à se colorer, des banderoles bleux ciel et blanc (les couleurs de l'équipe) ont commencé a apparaitre au-dessus des rues, des drapeaux "forza Napoli" à etre accrochés aux fenetres, et puis il y en a eu de plus en plus, et encore plus, et encore, ça devenait impressionant, il y en avait partout, dans certaines ruelles, on ne voyait meme plus le ciel. Le grand évènement approchait : Napoli est sur le point de retourner en série A, elle est deuxième du championnat et il ne manquait plus qu'une partie pour que la montée soit assurée. Et cette partie devait se jouer dimanche dernier, à 15 heures.

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Le dimanche matin, une euphorie incroyable régnait déjà dans la ville. Sur le marché on trouvait plus de vendeurs de drapeaux, d'écharpes de Napoli que de vendeurs de fruits. Les jeunes, grimpés sur des échelles étaient occupés à accrocher encore quelques dernières bannières. Les napolitains ne manquent jamais l'occasion de faire des affaires, on voyait des stands improvisés partout pour vendre tout l'équipement du parfait supporter, il y en avait meme un qui avait réussi à trouver un ane, qu'il avait déguisé aux couleurs de Naples, et il faisait monter les enfants dessus pour faire la photo pour un euro. Dans les boulnageries, il y avait les gateaux aux couleurs de l'équipe.

87477fc25bbba973d8158d5a6be95059.jpgEt à quinze heures, plus personnes dans la rue, mias on commence a entendre les cris des supporters, les cornes de brume, comme au stade, sauf qu'il n'y a pas de stade. Tout le monde était devant la télé, mais je peux vous garantir que c'était la meme ambiance que si on avait été dans le stade. Toutes les télés retransmettaient la partie, mais comme les chaines locales n'avaient pas pu payer les droits de retransmission, elles montraient juste le commentateur et le public, et de temps à autre un morceau de gazon ou le pied d'un joueur. Mais ça valait le coup quand meme parce qu'il fallait voir le commentateur tout excité sortir tout ses grisgris et portes bonheur de toute sortes et les plaquer contre la caméra. Il n'en pouvait plus. Plus que quelques minutes, Naples tient le match nul et donc conserve sa deuxième place et la montée en série A. C'est le suspense. Je sors dans la rue pour voir ce que ça va donner. Grand silence, tout le monde est suspendu à la partie. Et soudain grande rumeur : toute la ville qui crie, les cornes de brume, les pétards. La partie est finie, Naples est qualifiée!!! Les cris de joie s'ampliefie, tout le monde sort dans la rue, des hordes de scooters aux couleurs de Naples débouchent des ruelles à fond, à pleins klaxons, ils sont à trois apr scooter avec un qui tient un énorme drapeau de Naples. La grande avenue se retrouve bloquée, il y en a qui se roulent par terre, revoilà l'ane qui se joint à la fete. Et les premieres explosions. Ici on a coutume d'exprimer sa joie avec des pétards. Plus la joie est grande, plus il y a des pétards. Et là, des pétards, il y en avait!!! Je me retrouve vite dans un nuage de fumée, c'est du délire, ils ont des pétards si gros qu'on dirait des bombes,.. Et ils lancent ça sous les voitures qui passent, les scooters sont perdus dans la fumée, un chauffeur sort en catastrophe se sa voiture qui s'est pris un énorme pétard.. On se croirait en pleine guerre civile!! Et ils sortent les feux d'artifice qu'ils balancent à la main. Tout le monde hurle de joie, ils sont contents, ils sont fous!!! Moi je suis vite rentrer me réfugier chez moi, ça devenait trop dangereux. Franchement c'est trop des tarés!!! Mais vive Nle Napoli quand meme et vive la série A! J'ose pas imaginer ce que ça va donner...

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21:14 Publié dans Italie | Lien permanent | Commentaires (2)

09/06/2007

"Moi, j'pourrais pas y vivre..."

Pendant 5 jours j'ai fait le guide, mais pour la famille cette fois. Papa et Jérome ont venus me voir et je me suis fait un plaisir de leur faire découvrir la ville. C'était sympa de les promener dans les ruelles des quartiers mal famés et de les voir écarquiller les yeux devant les scènes de la rue : la petite vieille qui tire son pannier du balcon, les scooters chargés de familles entières, les vendeurs à la sauvette de sacs vuitton ou d'ordinateurs portables; Et de les voir tenter de traverser la rue entre les klaxons et les voitures qui te passent à 2 mm, et de les surprendre en leur montrant à l'improviste une colonne grecque dissimulée dans la facade d'un vieil immeuble, ou encore mieux, un théatre romain caché dans un appartement (si, si! si vous ne me croyez pas, demandez leur..) Et j'aurais pu le parier, évidemment papa a fini par dire : "c'est sympa, mais moi je ne pourrais pas y vivre..." Mais ce n'est pas le seul à penser ça. Tous les étudiants que je croise me disent la meme chose, à commencer par mes colocataires. Mes colocataires, que je vous les présente.  Il y a deux frères et un copain qui se connaissent de toute une vie et qui sont dans une partie de l'appartement à part avec leur salon. Ils viennent de la région du Matese à 50 km de Naples et entre eux ne parlent que leur langue, le matesais, qui serait comme de l'italien, mais parlé avec une patate chaude dans la bouche, en se pinçant le nez et qui se parle uniquement en beuglant. Donc ça ne facilite pas trop le contact. Les deux frères ne font l'effort de me parler italien que pour me parler politique, me dire que Naples c'est la merde, que les napolitains sont tous des gros cons et qu'ils n'attendent qu'une chose, c'est de rentrer dans leur village. Ils me disent que Naples, si tout va mal c'est de la faute aux politiciens corrompus et la faute aux napolitains qui ne paient pas leurs impots et qui jettent leurs déchets n'importe où. Luca, mon brave collocataire qui me raconte tout ça, étudie le droit depuis trois ans. Et comme petit boulot pour arrondir les fins de mois, il a trouvé quelque chose de typiquement napolitain: il fait faux témoin auprès des assurances... Il faut s'adapter au contexte. C'est pareil pour la facture d'eau. Je m'étonnais auprès de lui qu'on ne payait pas l'eau dans l'appartement. C'est parce que le controleur de l'eau a oublié de passer depuis qu'ils ont repris l'appart. Un matin ça sonne à la porte, je vais pour ouvrir et je vois mes trois colocs, dans le noir, sur la pointe des pieds qui me chuchottent : "Non, n'ouvre pas, c'est le controleur de l'eau, il faut qu'il croit qu'il n'y a personne.." Et comme ça ont l'a laissé sonner pendant plus d'une heure. A la fin quand ça s'est enfin terminé, je reçoie un coup de fil de Rosita : "Ca fait une heure que je sonne à la porte, vous etes débiles ou quoi, pourquoi vous n'ouvrez pas, on vous entend de l'autre coté de la porte!!!" Donc voilà, en fait de controleur qui a oublié de passer, c'est plutot que à chaque qu'il passe tout le monde fait le mort. Et pour les déchets, mes braves collocs c'est dur de leur faire perdre l'habitude de boire et manger dans des verres et assiettes en plastique. On moins on pourrait faire la récolte différenciée. Oui mais le collecteur est trop loin... Et en plus ils me disent qu'après la société de collecte ne fait pas le tri... Et bé c'est sur que si personne n'y met le plastique, ils ne risquent pas de pouvoir recycler après.

Le copain des deux frères est un passioné de babyfoot. Mais un vrai quoi. Il me montre des films de la finale régionale de babyfoot .. Je peux vous dire que babyfoot à la télé, c'est quelque chose de passionnant.. Ils me parle aussi de ses parties dans les troquets de la ville, et en particulier du fameux "Une-main", qu'il n'a jamais réussi à battre malgré son unique main. ( comme de jouer au foot avec un unijambiste...)

Quant au dernier collocataire, c'est une fille, que j'ai vu en tout et pour tout deux fois en 5 mois. La première fois c'était dans le noir dans le couloir, une nuit où j'allais faire pipi. La deuxième fois c'est quand il y avait Papa et Jérome avec moi dans la cuisine, elle est apparue sans rien dire, a pris un grand couteau et est retournée dans sa chambre. Le voisin me soutient que c'est une vampire et qu'elle fait des rites sataniques...

Vous voyez, on peut y vivre à Naples, il suffit juste de s'adapter...

19:45 Publié dans Italie | Lien permanent | Commentaires (1)

21/05/2007

descente en enfer 2

Après trois belles semaines de printemps passées en France, me revoilà à Naples. Le choc est rude. Avec le mois de mai commence à arriver la chaleur et l'air pollué devient irrespirable. Les automobilistes fous et le klaxon des scooters me sont de moins en moins supportables et le problème des déchets va empirant, ce qui augure un bel été. Heureusement j'ai arrété la pizza... Ca ne me disait vraiment pas de retourner travailler là bas. A la place je fait la guide (le mot "guide" est féminin en italien), au frais dans le silence du sous sol de Naples. A 30 m de profondeur, dans le tuf, j'emmène mes touristes francophones découvrir les carrières d'extraction d'époque grecque, l'aqueduc romain, la cave à vin d'un couvent de bonnes soeurs du XIXème siècle ,les abris antiaérien de la dernière guerre. C'est qu'il y en a des choses dans le sous sol de Naples. Tout le sous sol du centre ville est creusé et on compte plus de 400 km de réseau de conduits et de citernes. Il y a meme un petit jardin avec des lauriers et des ficus qui poussent sans eau à la lumière de lampes à magnésium. Et il y a encore d'autres surprises, comme un antique théatre romain dissimulé dans les caves et les murs des maisons d'un quartier. Et le week end dernier, on m'a envoyé faire visiter un endroit encore plus incroyable : le cimetière des Fontanelles. C'est un immense ossuaire souterrain situé dans le quartier de la Sanità, à 1 km du centre. La sanità, c'est le fameux quartier mafioso de la ville, c'est la qu'il y a les reglements de compte et tous les faits divers liès à la mafia. Donc pour aller à l'ossuaire il faut traverser le quartier, qui est en effet on ne peut plus pittoresque. C'est ici que la napolitude atteint ses sommets. Si vous voulez trouvez l'esprit de Naples dans toute sa splendeur, allez vous immerger à la Sanità le temps d'une promenade. C'est assez indescriptible, disons que c'est tout ce que j'ai dit sur Naples jusqu'à maintenant, puissance 10. Quoi qu'il en soit après avoir remonté la petite rue qui serpente à travers le quartier et remonte la vallée, après avoir laissé derrière soi les derniers tacoficio (fabrique de talons) et les derniers scooters, l'athmospère se calme et on arrive ... à la campagne. C'est à dire qu'on au fond d'un petit vallon verdoyant avec une petite ambiance de village et de part et d'autres il y a d'imposantes cavernes dnas les falaises de tufs. Et voilà l'entrée de l'ossuaire des Fontanelles situé dans une ancienne carrière d'origine grecque. Cet ossuaire a accueilli plus d'un million de corps provenant des diverses épdémies du XVI et XVIIème siècle. Au XIXème siècle le prètre qui gérait a eu la lubie de faire une classification de tous ces ossements qui gisaient pelle mèle, et il a construit des alignements faits de tibias et de crane. Il avait meme acquis de la technique, reussissant à construire un immense portail en os, ainsi qu'une reconstitution de la colline du Golgotha en forme de crane... fait en cranes. Les gens ont commencé a fréquenté le lieu pour prier pour le repos de toutes ses ames mortes sans sepulture, et a commencé un etrange culte des morts. Les gens se sont mis à adpoter un crane. Le rituel consistait à en prendre soin, le mettre sur un petit coussin, de prier pour lui, et en échange, à charge pour l'ame du mort d'accorder quelques faveur pour le fervent, comme sauver un proche d'une maladie, ou plus prosaiquement, en lui donnant les numéros du prochain tirage de loto. Si le crane n'était pas assez efficace, on ne s'embetait pas et on changeait de crane. Mais si ça marchait, le crane avait droit à un petit autel en marbre. Il y a quelque cranes celebre comme celui du Capitaine ou celui de Donna Concetta, surnommé le crane luisant. Mystérieusement lapoussière ne se dépose pas dessus. Quoiqu'il en soit ce culte des morts a finit par prendre une telle importance, et surtout à prendre des allures un peu trop paiennes, ce qui fait que l'église a fait fermer le lieu en 1969. Après restauration, le site a été rouvert ce mois de mai pour les touristes, mais parfois il y quelques vieiiles femmes qui s'échappent du groupe en criant Pasquale ou Giuseppe en se prosternant devant un vieux crane. C'est qu'elles ont retrouvé leur crane fétiche!!!

 Voilà donc Naples qui n'arrètera pas de me surprendre

 

20:57 Publié dans Italie | Lien permanent | Commentaires (0)

10/04/2007

La vie, c’est comme une boite de pizza...



J'habite à Naples, je découvre la ville et ses habitants, je vie à l'italienne, … C'est bien beau tout ça mais comment je fais pour vivre? Est-ce que je fais comme tous ces gentilshommes romantiques du XIXème siècle qui faisaient leur "Grand Tour" à la découverte de l'Europe pour chercher l'inspiration pour leurs belles histoires d'amour. L'argent pour eux était le cadet de leurs soucis : il y avait toujours un papa fortuné derrière ou quelques rentes si les malheureux étaient orphelins. Moi j'ai fait un peu ça les premiers temps mais au bout d'un moment il a quand même fallu que je me mette au boulot. Et à Naples, le travail, c'est la pizza. Me voilà donc à travailler dans une pizzeria. Et la pizzeria, c'est l'expérience à faire pour comprendre un peu mieux cette ville de fous.
Ca s'appelle "Antonio et Antonio", parce qu'il y a deux patrons qui s'appellent Antonio tous les deux. (On dirait deux frères mais après un peu de réflexion on se dit qu'ils n'ont quand même pas des parent sassez idiots pour avoir appelé leurs deux enfants avec le même prénom…) C'est une pizzeria assez chic quand même, en bord de mer avec une vue superbe sur le petit îlot où se trouve une vieille forteresse. Au loin, par temps clair on voit Capri et le Vésuve. Et moi je fais le serveur. Je ne sais pas pourquoi le patron m'a pris, moi qui n'ai aucune expérience de serveur, peut être pour se donner bon genre avec un serveur français.
En tout cas si c'est chic côté clients, côté personnel, c'est un peu moins chic, et c'est le moins qu'on puisse dire. Tous les autres serveurs sont napolitains. Des Napolitains dans toute leur splendeur. Première chose bonne à savoir et que j'ai vite pu constater : le Napolitain parle napolitain, et rien que le napolitain. Moi qui étais content de commencer à bien comprendre l'italien, j'ai tout à refaire : le napolitain c'est une autre langue et je ne comprends rien. Et c'est pas eux qui vont faire un effort pour me parler italien. Ca ne les dérange pas si je ne comprends rien à ce qu'ils me disent, ils persistent à me parler napolitain, à me raconter des blagues en napolitains que je comprends pas ( d'ailleurs dans ce cas là, je ne comprends ni la langue, ni l'humour quand ils font l'effort de traduire…)
Et puis l'ambiance là-dedans… Ca crie tout le temps. Au départ je pensais qu'ils avaient des problèmes entre eux, qu'il y avait des tensions, mais en fait non, ils s'engueulent par jeu, c'est l'humour napolitain : l'escalade d'insultes, les menaces, on croit qu'ils vont en arriver aux mains et puis non, à la fin tout le monde se marre. Alors moi évidemment la-dedans, j'ai l'air d'un extraterrestre, tout calme, à ne rien comprendre. Tout le monde se demande ce que je suis venu faire à Naples, ils n'arrivent pas à comprendre comment un français peut en arriver à venir travailler à Naples. Tout le monde hallucine de me voir arriver à bicyclette…
Côté clients c'est pas mal non plus. Un bel échantillon des "ririches" napolitains qui viennent se montrer avec toute la panoplie de la "fashion victime" avec lunettes de soleil, bottes en cuir et teint halé à la lampe à UV. Le dimanche midi, ils sont prêts à faire la queue pendant une heure pour venir s'asseoir sur une terrasse bondée au milieu du va-et-vient des serveurs énervés. Moi qui connais le côté cuisine, je ne viendrai jamais manger dans ce restaurant. Et vas-y que je te sers les frites qui sont tombées par terre, vas-y que je te fume au-dessus de la casserole, que je lave les assiettes après avoir changé le sac poubelle à mains nues. Le restaurant utilise des verres en verre. Mais jamais quelqu'un du personnel ne boira dans un de ces verres, en particulier ceux qui les lavent : c'est qu'ils tiennent à leur santé…C'est lavé à la main sans produit, et ils sont capables de laver dix verres en deux secondes sans même les désempiler…
Il y a plusieurs catégories de personnel. En bas de l'échelle, il y a ceux qui lavent la vaisselle et qui font tout le sale boulot, comme changer les poubelles ou éplucher les pommes de terre. C'est là qu'on trouve tous les immigrés clandestins sans papiers ou les napolitains les moins doués. C'est eux qui ont les horaires les plus lourds et qui sont les moins bien payés. Je le sais, je l'ai fait une fois dans un autre restaurant mais je suis parti au bout d'un jour : ils m'avaient pris pour un Ukrainien sans papiers. 12 heures de travail pour 25 euros… Ils trouveront bien un autre ukrainien ou un sri lankais illégal pour me remplacer…
Ensuite il y a la cuisine. Deux catégories : ceux qui font les plats de pâtes et les entrées et ceux qui font la pizza, les pizzaiolo. Ce sont ces derniers les vrais rois de la pizzeria, ceux qui font la réputation de la pizzeria. Ils sont intouchables et peuvent faire des caprices. Et enfin les serveurs. Là encore deux catégories : les premiers serveurs qui vont au contact avec le client, qui leur font du lèche botte avec des grands sourires en espérant le pourboire, particulièrement avec les américains, et les aide serveurs qui se tapent tout le boulot à porter les plats, débarrasser, servir les boissons, essuyer les verres. Et donc moi, me voilà aide-serveur. C'est une vraie promotion après mon expérience de lave vaisselle. Donc je gagne un peu plus d'argent en travaillant moins d'heures. Je débarrasse, je mets la table, je vais porter les plats aux clients. Le problème c'est quand les clients commencent à me parler : vu que souvent ils me parlent napolitain je ne comprends rien, et quand ils voient que je suis français, ils ne s'arrêtent plus, il me disent "comment ça va", "bonjour", "comme-ci comme-ça"(en français dans le texte), me racontent que l'année dernière ils ont été en vacances à Paris, qu'ils ont visité Dysneyland... Et les autres serveurs sont tellement contents d'avoir un serveur français que pour faire la conversation aux clients ils me montrent du doigt en disant "et d'ailleurs regardez, on a un serveur français…"
Un peu saoulant à la fin. Mais en fait la plupart du temps je me retrouve à essuyer les verres dans un tout petit passage, coincé dans un espace tout étroit entre les lave vaisselle et la cuisine où les serveurs n'arrêtent pas d'aller et venir créant des bouchons, au milieu des invectives. Avec juste à côté de moi le cuistot ukrainien (qui s'appelle justement Youri lui aussi) qui me parle de sa haine des russes et me traite de demi-sang parce que j'ai osé mélanger du sang ukrainien avec du sang français…
Voilà, voilà, pour une expérience napolitaine, je crois qu'il n'y a pas mieux. Et puis ça réserve des surprises quand même : par exemple, généralement, 90 % des conversations portent sur le football (c'est pas que je comprends le napolitain, mais dans la conversation j'entends des scores, les noms des équipes et des joueurs), mais ce matin en entrant dans le vestiaire, j'ai été bien surpris de les trouver en train de commenter une poésie de Pablo Neruda, "Ode à la vie". Avec la même verve que pour parler de football… Grand moment.

Travailler dans une pizzeria, c'est donc un bon moyen pour découvrir les conditions de travail du sud de l'Italie. C'est un grand restaurant donc les gens ne travaillent pas au noir. Mais c'est pas tout blanc non plus. On va dire qu'on travaille au gris. Par exemple, la pratique généralisée dans les milieux de l'hôtellerie c'est les faux contrats. Parce que la loi italienne, comme en France fixe des minimums salariaux, quelque chose comme 5 euros de l'heure. Alors on t'embauche à temps plein avec un contrat à mi-temps. Ou alors on te fait un contrat à temps plein, avec 6 jours par semaine mais on ne te donne que la moitié du salaire inscrit sur la fiche de paie. Les employés ne peuvent rien dire sinon ils sont virés, mais de toute façon, à Naples c'est considéré comme normal donc personne ne se plaint. D'un autre côté, comme il n'y a pas de contrainte pour le patron, il n'hésite pas à embaucher. On doit être une trentaine d'employés pour 150 couverts. Et ici on préfère prendre de la main d'œuvre que d'acheter des machines à laver la vaisselle par exemple.
En fait à Naples, on trouve les conditions d'un libéralisme économique idéal : une économie pratiquement sans taxes, puisque tout le monde s'arrange par un moyen ou un autre pour les contourner, et les salaires fixés par l'offre et la demande. Il y a beaucoup de main d'œuvre, donc les salaires sont bas. Si ça vous plait aller donc travailler à Naples.
En France, en comparaison, tout le monde paie les impôts. C'est peut être contraignant mais ça permet de financer le RMI par exemple, qui est un minimum de survie. En France personne n'accepterait de travailler pour 300 euros par mois. En Italie, où il n'y a pas le RMI, si.

Le problème donc, c'est que moi je ne suis pas napolitain et j'ai toujours eu un peu de mal avec le respect des conditions de travail. Ca doit être ma culture française qui m'a mis ça dans la tête avec les 35 heures, les normes salariales, les syndicats et tout ça. C'est vrai que c'est sympa de toucher sa paie en liquide à la fin de la semaine, ça me rappelle ce que me raconte mon papa sur comment c'était avant, mais bon, quand le charme de la nouveauté sera passé, je ne sais pas si je pourrai continuer longtemps à travailler dans ces conditions. (Mais d'un autre côté en France, on n'a personne qui chante "O Sole Mio" en balayant la salle…)




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16/03/2007

Promenons-nous dans le vico (2)

Ce qui me marque peut être le plus quand je me promène dans les vico de Naples, ce que l'on rencontre à coup sûr, c'est la mode…Imaginez les catalogues de vêtements type la Redoute ou autre, avec tous ces mannequins portant des vêtements dernière mode. Et maintenant imaginez une rue avec des gens normaux, c'est à dire pas forcément beaux, pas forcément minces, habillés de la même façon, quasi avec les mêmes poses des mannequins.. Ca fait très bizarre, surtout qu'ici on ne peut pas dire que la mode aime la simplicité. La mode de cet hiver? Pour vous messieurs, ce sera la grosse doudoune et le jeans. Mais alors pas n'importe quelle doudoune : la doudoune avec la capuche bordée d'une imitation de fourrure et dans le dos une gros écusson avec au choix le drapeau anglais ou le drapeau du japon fasciste avec le soleil levant. Et pas n'importe quel jean : Un jean éraflé, découpé, délavé, avec des taches de peintures, des éraflures à un tel point exagéré que c'en est ridicule, et à un tel point que mon vieux jean qui tombe en lambeau se retrouve être le summum de la mode… (j'imagine tous les petits chinois en train qui cousent ces jeans et à qui on doit demander de les érafler de les déchirer, de les tâcher…ils doivent vraiment nous prendre pour des fous…) Et enfin il ne faut pas oublier les lunettes de soleil, les grosses lunettes à la Chips, vous savez comme dans les série américaines des années 70. Et les cheveux coiffés en crête avec une belle frange effilochée… Vous voyez le résultat?… Et pour vous mesdames, la mode de cet hiver, c'est un haut ultra moulant avec un mini blouson qui arrive au-dessus du nombril, accompagné d'un short semi-long avec les collants et bien sûr les indémodables bottes en cuir à talon aiguilles. Et également les lunettes de soleil, mais pour les femmes on préfèrera ces énormes lunettes intégrales, à la façon Robocop, que jusqu'à maintenant je n'avais vu que dans les maisons de retraite pour ceux qui ont des problèmes de vue… Magnifique…

Et ce qui est merveilleux, c'est que chaque année, les stylistes italiens lancent la mode de l'année, et tout le monde suit, tout le monde court. Personne ne va aller se demander si c'est peut être un peu ridicule quand même. Non c'est la mode.

Et la mode, c'est la même pour tout le monde, tout le monde s'y plie:  jeune ou vieux, maigre ou obèse, s'il y a les bourrelets de graisse qui dépassent du jeans taille basse, engoncé dans le tee-shirt moulant comme une grosse saucisse, c'est pas grave c'est la mode. Et quand je vous dis tout le monde : imaginez jusqu'à la postière qui fait sa tournée avec ses bottes en cuir à talons aiguilles, le sac à main imitation Vuiton, blouson en peau de léopard et ses énormes lunettes de soleil … Moi si je ne l'avais pas vu de mes yeux, je ne l'aurais pas cru…

Le phénomène de la mode est poussé ici à un tel point que cela en devient affligeant. Tous ces lycéens habillés pareils, comme des soldats en uniforme et dont la seule manière de marquer sa personnalité tient dans le fait de choisir une rayure ou deux sur son blouson et d'être supporter de la Juve plutôt que du Milan AC. Et cela devient vraiment très triste quand on peut voir jusqu'aux petites filles de 5 ans avec leurs bottes à talon aiguilles et leur téléphone portable, qui veulent faire comme les grands sous le regard attendri des mamans.

 

Mais passé la limite de 60 ans, la dure contrainte de la mode disparaît subitement et on passe directement de la cinquantenaire un peu fanée mais qui maintient l'illusion de la jeunesse à coup de peinture sur le visage et de mini jupes en cuir, on passe de ça à la petite vieille hors d'âge toute recroquevillée, toute fripée en robe de chambre toute la journée, celle qui hisse son panier du balcon, comme venue d'une autre époque…

 

 

Tout en continuant votre chemin dans les ruelles, vous verrez des endroits où la foule se fait plus dense, où la rumeur augmente : c'est qu'on arrive sur un de ces petits marché de rue où on vend de tout à prix cassés sur des petits tréteaux faits avec des cartons. C'est un petit marché noir. Marché noir pas seulement parce qu'il s'agit de marchandises volées ou importées de Chine illégalement, mais aussi parce que tout le monde est habillé en noir… Parce que j'ai oublié de dire que la mode c'est le noir, alors tout le monde en noir. A tel point que si on passe avec un blouson gris, ça donne l'impression d'une explosion de couleurs… Et imaginez au milieu de tout ce beau monde le spectacle insolite d'un grand noir vêtu avec un blouson blanc comme neige, comme un négatif de napolitain. Si, si, véridique, je l'ai vu. Sur ce marché il y a une bonne atmosphère d'illégalité, tout le monde qui rigole en voyant passer un jeune voyou courrant avec une liasse de billets dans la main, un gars qui vend un ordinateur portable flambant neuf à 200 euros, tenant l'ordinateur dans les bras debout au milieu de la foule… Evidemment dans tout ça on les remarque les touristes avec leurs grands K-way rouges et leur plans à la main..

A Naples la rue est un spectacle, on pourrait faire des photos de tout, chaque élément, chaque passant, chaque visage résume la ville. Toute cette agitation, toute cette vie, toutes ces absurdités, je pose encore dessus le voile du pittoresque, de l'exotique, le regard du touriste curieux, amusé. Mais j'avoue que des fois j'en ai marre. Vivre au milieu des "cafone" (qui pourrait se traduire par beauf) il y a des jours où on sature. Dans ces moments là il faut savoir sortir de la ville, prendre de la hauteur. Pour cela, pas besoin d'aller bien loin. Je sors à pied dans la rue, mais au lieu d'aller vers le centre-ville, je prends la direction opposée, en plein cœur du quartier populaire. Il faut choisir son heure, de préférence le dimanche après midi, vers trois heures, quand tout le monde est chez soi en famille réuni pour manger le festin dominical et que la rue se vide. Il faut connaître le chemin dans le labyrinthe de ruelles, mais peu à peu la ruelle se fait plus pentue et on commence à grimper la colline. Il y a quelques tâches de verdure entre les maisons et soudain à l'improviste derrière un virage, tout se dévoile : on est arrivé au-dessus de la ville et devant nous, le panorama est grandiose : la Baie de Naples avec toujours ce bon vieux Vésuve à gauche, la mer, les montagnes, Capri en sentinelle sur la droite, les dômes de la ville, le port les cargos. Par beau temps, juste après une bonne pluie, quand le ciel est bien limpide, la vue est à couper le souffle. Et on entend s'élever au-dessus des toits la mélodie mélancolique d'un accordéon qui se balade de rue en rue quelque part tout là-bas, comme venu d'un autre monde. Naples, c'est un spectacle au quotidien…

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02/03/2007

Promenons-nous dans le vico (1)

Pour connaître un peu plus intimement Naples, il faut se plonger dans le dédale des ruelles, les "vico". Des ruelles étroites, sombres qui s'enfoncent entre les vieux immeubles vétustes de la cité. Ces immeubles sont vétustes mais en y regardant de plus près on s'aperçoit qu'ils ont dû être somptueux par le passé, les façades sont pleines d'encorbellements, de corniches, de statues dans leurs niches, qui disparaissent sous la couche de crasse et l'oubli. Chaque immeuble a son immense porche d'entrée, souvent plus large que la ruelle elle-même. Si on a la chance de passer quand c'est ouvert, on verra un de ces monumentaux escaliers à l'espagnole qui s'élèvent dans la cour pour grimper aux étages. En de nombreux endroits, les enduits des murs ont disparu et on voit la structure interne du mur, construit avec le célèbre tuf jaune napolitain. Cette pierre fragile s'érode dès qu'elle est au contact avec la pluie, comme du sable, laissant parfois apparaître des morceaux de colonnes romaines qui ont été récupérés pour faire les fondations. Tout le centre historique se trouve exactement sur l'emplacement de l'antique Neapolis greco-romaine. Alors par endroits on voit des bouts de colonnes, des vieilles statues grecques réinsérés dans des bâtiments du moyen-âge.

Mais en général on n'a pas trop le temps d'observer toutes ces façades en détail, occupés qu'on est à éviter les scooters, les quads et les mini-voitures qui passent à toute vitesse dans ces ruelles en slalomant entre les passants…

Et il ne faut pas être distrait non plus si on reçoit quelques gouttes de pluies sur la tête, c'est le linge qui pend des balcons et qui s'égoutte tranquillement sur le passant. Parfois c'est même une chaussette qui vous tombe sur la tête. Mais en cas de véritable averse, pas de panique si vous avez oublié votre parapluie : dès que le ciel s'assombrit, on voit sortir toute une armée de vendeurs ambulants avec leurs poussettes chargées de parapluie. Ca m'a sauvé plus d'une fois.

Dès la pluie finie, tout le monde est de nouveau dans la rue, l'animation recommence. Les petites vieilles de leur balcon descendent leur panier attaché au bout d'une corde. Elles crient leur commande, le commis de l'épicerie du quartier remplie le panier de victuailles et le panier remonte. Des épiceries, il y en a tous les vingt mètres. Et des primeurs, des boucheries, des fromagers, des petits coiffeurs, des petites boutiques familiales. Tout ce qui a disparu chez nous est ici encore bien vivant. Mais pour combien de temps encore car les grands hypermarchés français sont en train d'envahir la périphérie. En tout cas quel plaisir de pouvoir descendre acheter juste un demi-kilo de tomates..

 

 

C'est plutôt bruyant un vico : les voisins qui s'appellent d'une fenêtre à l'autre, les commerçants, les klaxons des scooters, les enfants qui jouent au ballon n'importe où, de préférence dans un endroit qui gène tout le monde avec des choses fragiles à côté. Et on a droit aux scènes de familles à travers la porte ouverte du basso. Le basso, c'est l'habitation traditionnelle napolitaine, située au rez-de-chaussée et qui n'a qu'une seule pièce et une seule ouverture : la porte. Généralement chez nous, ces logements au rez-de-chaussée qui donnent sur la rue sont peu prisés et tout barricadés de barres de fer. Ici, tout le monde habite là car c'est le plus pratique, pas besoin de grimper les escaliers et on dispose de la rue comme d'une terrasse, on y met les chaises, le linge, le frigo…La porte est toujours ouverte et on vit dans la rue. Et on entend les femmes qui chantent en faisant leur ménage.

Par-dessus tout ce vacarme, on peut entendre le son d'un instrument. C'est un musicien ambulant qui va de magasin en magasin et qui ne bougera pas tant qu'on ne lui a pas donné une petite pièce. Généralement, ils choisissent l'instrument le plus bruyant possible : saxophone, accordéon ou un genre de cornemuse italienne, en peau de chèvre. Des fois, c'est un groupe de jeunes qui s'y met. Ils forment une véritable fanfare avec trombone et percussions et parcourent les rues brandissant une effigie de la Vierge Marie pendant que les plus jeunes récoltent les pièces des passants…

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10/02/2007

L'azleu

A Naples, si on veut se faire un peu d'argent, le grand classique c'est de travailler dans une pizzeria. Il suffit d'aller demander s'ils cherchent du personnel et après quelques essais on finit par trouver. Sauf que, sauf que … même si on vous fait travailler au noir (comme de bien entendu, on est à Naples quand même) on vous demande avant tout le "libretto sanitario", c'est à dire le livret sanitaire. Et moi je ne l'ai pas ce petit livret. Voilà donc une occasion de me confronter à l'administration napolitaine. Et bien je vais pas être déçu…Pour avoir le livret sanitaire, il faut d'abord avoir un numéro de travail. On l'obtient au centre pour l'emploi, qui devrait être l'équivalent de l'ANPE. Pour toute la ville de Naples, il y a juste trois centres. Je vais à celui de la zone centrale. Dans une espèce de vieille usine, on arrive dans une grande salle. Un homme à l'accueil me demande ce que je viens faire et me dit de prendre un numéro. Vous savez comment c'est dans les administrations d'habitude, il y a une machine automatique qui distribue les numéros et un cadran qui affiche le numéro appelé. Ici c'est exactement le même principe mais à l'ancienne. Il y a un gars qui a une feuille avec pleins de numéros, et à chaque nouvel arrivé, il déchire un numéro et le lui donne. Pensez-vous s'il aurait pensé à utiliser un ciseau… Ensuite, il y a un grand gaillard habillé en survêtement qui va et vient devant les personnes assises en train d'attendre. Son rôle est d'appeler les numéros. Il en fait tout un cirque. Il passe son temps à nous redemander notre numéro pour ne pas s'y perdre, nous précise bien dans quel ordre on doit passer. Et il s'applique à sa tâche, visiblement c'est vraiment son unique tâche. Et il y a seulement deux bureaux d'accueil. En fait ce sont juste deux tables installées en face de nous. Pour passer le temps on peut donc assister tranquillement aux entretiens. Ca hausse un peu la voix mais c'est normal, on est à Napoli, ça reste bon enfant.

La situation n'évolue pas pendant un quart d'heure et quand finalement une table se libère, on s'aperçoit que l'annonceur de numéro n'est plus là! Il vient d'être appelé dans une pièce à côté, sans doute pour régler un problème de numéro 28 qui serait passé avant un numéro 27. Donc tout le monde se regarde. On n'ose pas voler le travail de l'annonceur… Mais comme il n'arrive toujours pas, l'employé à sa table appelle le suivant, qui se lève un peu hésitant et le rejoint. Et l'annonceur revient. On voit dans ces yeux qu'il n'est pas très content qu'on ne l'ait pas attendu…

Arrive mon tour. Je vais à une des deux tables, on me demande une pièce d'identité. Avec une lenteur incroyable, l'employé tape mon nom sur le clavier, touche après touche. Il me demande : "HEUBECOURT HARICOURT… Heubécourt c'est votre nom ou votre prénom?" "Ah non, c'est de l'autre côté du document qu'il faut regarder…" Finalement il me donne un numéro. Maintenant je peux aller retirer ce livret sanitaire. Et où est ce que je peux l'avoir ce livret? Il faut aller à l'azleu. L'azleu? Qu'est ce que c'est l'azleu? L'azleu en fait c'est l'ASL, mais ici quand il y a des initiales, ils prononcent comme si c'était un seul mot, alors des fois j'ai du mal à suivre. Comme si nous on disait la sneusff pour la SNCF… Et alors, c'est où l'azleu? Personne ne sait. Ah bah bravo le centre pour l'emploi, ils sont efficaces ici… (En fait, plus tard un ami m'a dit qu'à Naples ces centres sont quasi inutiles car ici, le vrai centre pour l'emploi, c'est la mafia...)

Je suis donc parti à la recherche de l'azleu. Il paraît que ça se trouve près des hôpitaux. Je suis donc allé dans la zone hospitalière du centre. Je suis d'abord entré dans un bâtiment où c'était marqué polyclinique mais on m'a dit que ça ce n'était pas l'hôpital mais l'université. L'hôpital, c'est dans le Bâtiment des Incurables. Beau nom pour un hôpital. Il doit y avoir peu de personnes qui en sortent... Mais moi j'ai fini par en sortir. J'ai d'abord demandé si l'azleu c'était ici. On m'a dit d'aller de l'autre côté. En effet de l'autre côté, c'était marqué ASL en gros sur la façade. Je demande au guichet comment je peux faire pour avoir le livret sanitaire. Lui il me regarde avec des yeux ronds. C'est bien ici l'azleu. Mais non l'azleu, c'est de l'autre côté de la ville, sur la place Nationale…Bon. Une demi-heure plus tard, j'arrive donc place Nationale. En effet, il y a un autre bâtiment avec marqué ASL. Cette fois, c'est la bonne? Presque. Le guichetier me dit de faire le tour du bâtiment, c'est une autre entrée sur le côté. J'arrive dans un endroit tout petit mais surpeuplé, du monde partout avec un numéro à la main, des escaliers dans tous les sens. Je vois une machine avec un numéro. J'en prends un. Numéro 132. Je regarde le cadran (ils sont modernes ici) : 69. Et bé je n'ai pas fini d'attendre. A tout hasard, je demande à ceux qui attendent si c'est bien ici pour avoir le livret sanitaire. Mais non, c'est le bâtiment de l'autre côté de la rue. Je ressors donc dans la rue. En face c'est un immeuble d'habitation, mais en regardant bien, il y a pas de mal de gens qui entrent et qui sortent par la porte d'entrée. Je m'approche. En effet c'est marqué ASL en tout petit. A l'étage il y a une file de gens qui attend devant un guichet et derrière le guichet, un employé qui leur tourne le dos et qui pianote tranquillement sur son ordinateur, ignorant ostensiblement les personnes qui attendent. Dans la file il n'y a que des papys. Il doit y avoir une vocation pour travailler dans les pizzeria, une fois arrivé à la retraite… Pris d'un doute, je double la file et tapote sur la vitre pour demander à l'employé si c'est bien ici pour les livrets sanitaires. Imperturbable, il me répond, sans lever les yeux : " Don Bosco, 4". Quoi? "Don Bosco, 4". Non je ne rêve pas, c'est une nouvelle adresse… Impassible, je ressors du bâtiment à la recherche de cette rue Don Bosco. C'est un peu comme une chasse au trésor finalement. Quelle sera la prochaine épreuve?

J'arrive rue Don Bosco. Cette fois j'y crois, j'ai confiance. L'employé avait l'air de connaître son affaire. L'assurance avec laquelle il m'a donné cette adresse, la précision de l'indication, me font dire que cette fois j'y suis. La rue Don Bosco se révèle être une grande avenue. Ca commence au numéro 100. Ok je suis arrivé du mauvais côté de la rue, mais ça ne fait rien je vais la remonter tranquillement. Ce livret sanitaire ne peut plus m'échapper. J'arrive comme ça au numéro 6, et là stupeur! La rue s'arrête! En fait, il y a des travaux. Mais pas des petits travaux. Ca bloque entièrement la rue car ils sont en train de refaire un pont. C'est pour ça qu'il n'y avait aucune voiture sur cette avenue. J'aurais du me méfier c'était trop facile. Et pour atteindre l'autre partie c'est une autre paire de manches. Il n'y a aucune rue transversale. Il faut remonter l'avenue et prendre le bus qui doit faire un gros détour pour arriver de l'autre côté de la rue complètement bloquée à la circulation.

Après un quart d'heure de trajet, le bus me dépose donc au début de la rue Don Bosco. Je me retrouve juste de l'autre côté des traveaux. Logiquement après le 6, le 4 ne devrait pas être loin. En effet, voilà le numéro 4 : c'est une petite maison rouge. En ruine. C'est pas vrai, l'employé s'est fichu de moi… Il m'a donné une fausse adresse. J'ai fait preuve d'une grande patience et d'une certaine fore d'âme, vous en avez été témoin. Mais j'avais sous-estimé l'affaire. Cette fois c'en est trop, je n'en peux plus, je craque, et je retourne chez moi en maudissant Naples et toute son administration…

 

 

Mais moi j'en ai besoin de ce livret sanitaire, alors puisque personne ne peut me donner d'informations sérieuses, je vais faire des recherches sur internet. Et je le trouve ce fameux ASL. Et l'adresse, vous allez rire, c'est "Don Bosco, 4f ". Il y aurait donc un 4f? Zut alors, j'y étais presque! Me revoilà donc dans le bus et à nouveau rue Don Bosco. A droite de la petite maison rouge il y a des palissades. Mais plus haut dans la rue il y a un imposant immeuble avec une architecture typiquement administrative. C'était donc ça. En effet c'est marqué ASL. 8ème étage. Dans un grand couloir, il y a un vieux papier attaché de travers avec du scotch jauni : "libretto sanitario" J'y suis. A l'intérieur, juste un bureau, avec une femme derrière ses piles de papiers. Elle est toute contente d'avoir de la visite. Un français en plus! "Et bien vous êtes courageux de chercher du travail à Naples!" Merci. Alors le livret coûte 30 euros, et il faut aller payer un bon à la poste. Et c'est où la poste. Elle ne sait pas, il faut demander au gardien à l'entrée. Le gardien me dit de descendre au sous-sol de l'immeuble, car à ce niveau il y a une sortie de l'autre côté et là je ne serai pas loin de la poste. J'y vais je sors de l'immeuble dans une nouvelle rue, et je me retrouve… à 200 m du centre pour l'emploi! Là où j'ai commencé mon parcours! Là ils font fort quand même… Enfin bon, maintenant je l'ai presque mon livret, ça ne sert à rien de ruminer. Après quelques derniers errements, qui me conduisent notamment à un vieux aqueduc greco-romain complètement à l'abandon au milieu des HLM, je trouve cette poste, fait la demi heure de queue due au portique hyper-moderne avec sas de sécurité automatique qui n'autorise l'entrée que de une personne à la fois, fait une autre demi-heure de queue une fois avoir pris un ticket, paie le bon et me revoilà au bureau du livret sanitaire. L'employé remplit une fiche papier, s'applique à écrire mon nom lettre par lettre, insiste pour écrire aussi mon second prénom, me parle de ses vacances en France, et oups, se trompe dans la dernière case sur ma date de naissance. Elle reprend une autre fiche, cette fois la remplit sans se tromper et me la tend. "Voilà, vous avez rendez-vous dans un mois pour faire un quizz."… Un quizz? Et oui, parce qu'avant, pour avoir le livret sanitaire il fallait faire une visite médicale pour voir si on n'avait pas des maladies trop contagieuses pour être en contact avec la nourriture. Mais il y a eu une réforme et maintenant la visite médicale est remplacée par un quizz… Voilà qui est beaucoup plus sûr pour les normes de sécurité hygieniques… Bon, en attendant, la gentille dame me dit que je peux déjà travailler dans une pizzeria tout de suite, il faut juste que je potasse le manuel avant le quizz. Elle me tend un petit guide avec des dessins d'enfants. OK. A bientôt l'azleu. Et maintenant en route pour de nouvelles aventures au cœur de la pizza…

 

 

 

 

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