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16/03/2007

Promenons-nous dans le vico (2)

Ce qui me marque peut être le plus quand je me promène dans les vico de Naples, ce que l'on rencontre à coup sûr, c'est la mode…Imaginez les catalogues de vêtements type la Redoute ou autre, avec tous ces mannequins portant des vêtements dernière mode. Et maintenant imaginez une rue avec des gens normaux, c'est à dire pas forcément beaux, pas forcément minces, habillés de la même façon, quasi avec les mêmes poses des mannequins.. Ca fait très bizarre, surtout qu'ici on ne peut pas dire que la mode aime la simplicité. La mode de cet hiver? Pour vous messieurs, ce sera la grosse doudoune et le jeans. Mais alors pas n'importe quelle doudoune : la doudoune avec la capuche bordée d'une imitation de fourrure et dans le dos une gros écusson avec au choix le drapeau anglais ou le drapeau du japon fasciste avec le soleil levant. Et pas n'importe quel jean : Un jean éraflé, découpé, délavé, avec des taches de peintures, des éraflures à un tel point exagéré que c'en est ridicule, et à un tel point que mon vieux jean qui tombe en lambeau se retrouve être le summum de la mode… (j'imagine tous les petits chinois en train qui cousent ces jeans et à qui on doit demander de les érafler de les déchirer, de les tâcher…ils doivent vraiment nous prendre pour des fous…) Et enfin il ne faut pas oublier les lunettes de soleil, les grosses lunettes à la Chips, vous savez comme dans les série américaines des années 70. Et les cheveux coiffés en crête avec une belle frange effilochée… Vous voyez le résultat?… Et pour vous mesdames, la mode de cet hiver, c'est un haut ultra moulant avec un mini blouson qui arrive au-dessus du nombril, accompagné d'un short semi-long avec les collants et bien sûr les indémodables bottes en cuir à talon aiguilles. Et également les lunettes de soleil, mais pour les femmes on préfèrera ces énormes lunettes intégrales, à la façon Robocop, que jusqu'à maintenant je n'avais vu que dans les maisons de retraite pour ceux qui ont des problèmes de vue… Magnifique…

Et ce qui est merveilleux, c'est que chaque année, les stylistes italiens lancent la mode de l'année, et tout le monde suit, tout le monde court. Personne ne va aller se demander si c'est peut être un peu ridicule quand même. Non c'est la mode.

Et la mode, c'est la même pour tout le monde, tout le monde s'y plie:  jeune ou vieux, maigre ou obèse, s'il y a les bourrelets de graisse qui dépassent du jeans taille basse, engoncé dans le tee-shirt moulant comme une grosse saucisse, c'est pas grave c'est la mode. Et quand je vous dis tout le monde : imaginez jusqu'à la postière qui fait sa tournée avec ses bottes en cuir à talons aiguilles, le sac à main imitation Vuiton, blouson en peau de léopard et ses énormes lunettes de soleil … Moi si je ne l'avais pas vu de mes yeux, je ne l'aurais pas cru…

Le phénomène de la mode est poussé ici à un tel point que cela en devient affligeant. Tous ces lycéens habillés pareils, comme des soldats en uniforme et dont la seule manière de marquer sa personnalité tient dans le fait de choisir une rayure ou deux sur son blouson et d'être supporter de la Juve plutôt que du Milan AC. Et cela devient vraiment très triste quand on peut voir jusqu'aux petites filles de 5 ans avec leurs bottes à talon aiguilles et leur téléphone portable, qui veulent faire comme les grands sous le regard attendri des mamans.

 

Mais passé la limite de 60 ans, la dure contrainte de la mode disparaît subitement et on passe directement de la cinquantenaire un peu fanée mais qui maintient l'illusion de la jeunesse à coup de peinture sur le visage et de mini jupes en cuir, on passe de ça à la petite vieille hors d'âge toute recroquevillée, toute fripée en robe de chambre toute la journée, celle qui hisse son panier du balcon, comme venue d'une autre époque…

 

 

Tout en continuant votre chemin dans les ruelles, vous verrez des endroits où la foule se fait plus dense, où la rumeur augmente : c'est qu'on arrive sur un de ces petits marché de rue où on vend de tout à prix cassés sur des petits tréteaux faits avec des cartons. C'est un petit marché noir. Marché noir pas seulement parce qu'il s'agit de marchandises volées ou importées de Chine illégalement, mais aussi parce que tout le monde est habillé en noir… Parce que j'ai oublié de dire que la mode c'est le noir, alors tout le monde en noir. A tel point que si on passe avec un blouson gris, ça donne l'impression d'une explosion de couleurs… Et imaginez au milieu de tout ce beau monde le spectacle insolite d'un grand noir vêtu avec un blouson blanc comme neige, comme un négatif de napolitain. Si, si, véridique, je l'ai vu. Sur ce marché il y a une bonne atmosphère d'illégalité, tout le monde qui rigole en voyant passer un jeune voyou courrant avec une liasse de billets dans la main, un gars qui vend un ordinateur portable flambant neuf à 200 euros, tenant l'ordinateur dans les bras debout au milieu de la foule… Evidemment dans tout ça on les remarque les touristes avec leurs grands K-way rouges et leur plans à la main..

A Naples la rue est un spectacle, on pourrait faire des photos de tout, chaque élément, chaque passant, chaque visage résume la ville. Toute cette agitation, toute cette vie, toutes ces absurdités, je pose encore dessus le voile du pittoresque, de l'exotique, le regard du touriste curieux, amusé. Mais j'avoue que des fois j'en ai marre. Vivre au milieu des "cafone" (qui pourrait se traduire par beauf) il y a des jours où on sature. Dans ces moments là il faut savoir sortir de la ville, prendre de la hauteur. Pour cela, pas besoin d'aller bien loin. Je sors à pied dans la rue, mais au lieu d'aller vers le centre-ville, je prends la direction opposée, en plein cœur du quartier populaire. Il faut choisir son heure, de préférence le dimanche après midi, vers trois heures, quand tout le monde est chez soi en famille réuni pour manger le festin dominical et que la rue se vide. Il faut connaître le chemin dans le labyrinthe de ruelles, mais peu à peu la ruelle se fait plus pentue et on commence à grimper la colline. Il y a quelques tâches de verdure entre les maisons et soudain à l'improviste derrière un virage, tout se dévoile : on est arrivé au-dessus de la ville et devant nous, le panorama est grandiose : la Baie de Naples avec toujours ce bon vieux Vésuve à gauche, la mer, les montagnes, Capri en sentinelle sur la droite, les dômes de la ville, le port les cargos. Par beau temps, juste après une bonne pluie, quand le ciel est bien limpide, la vue est à couper le souffle. Et on entend s'élever au-dessus des toits la mélodie mélancolique d'un accordéon qui se balade de rue en rue quelque part tout là-bas, comme venu d'un autre monde. Naples, c'est un spectacle au quotidien…

16:28 Publié dans Italie | Lien permanent | Commentaires (1)

02/03/2007

Promenons-nous dans le vico (1)

Pour connaître un peu plus intimement Naples, il faut se plonger dans le dédale des ruelles, les "vico". Des ruelles étroites, sombres qui s'enfoncent entre les vieux immeubles vétustes de la cité. Ces immeubles sont vétustes mais en y regardant de plus près on s'aperçoit qu'ils ont dû être somptueux par le passé, les façades sont pleines d'encorbellements, de corniches, de statues dans leurs niches, qui disparaissent sous la couche de crasse et l'oubli. Chaque immeuble a son immense porche d'entrée, souvent plus large que la ruelle elle-même. Si on a la chance de passer quand c'est ouvert, on verra un de ces monumentaux escaliers à l'espagnole qui s'élèvent dans la cour pour grimper aux étages. En de nombreux endroits, les enduits des murs ont disparu et on voit la structure interne du mur, construit avec le célèbre tuf jaune napolitain. Cette pierre fragile s'érode dès qu'elle est au contact avec la pluie, comme du sable, laissant parfois apparaître des morceaux de colonnes romaines qui ont été récupérés pour faire les fondations. Tout le centre historique se trouve exactement sur l'emplacement de l'antique Neapolis greco-romaine. Alors par endroits on voit des bouts de colonnes, des vieilles statues grecques réinsérés dans des bâtiments du moyen-âge.

Mais en général on n'a pas trop le temps d'observer toutes ces façades en détail, occupés qu'on est à éviter les scooters, les quads et les mini-voitures qui passent à toute vitesse dans ces ruelles en slalomant entre les passants…

Et il ne faut pas être distrait non plus si on reçoit quelques gouttes de pluies sur la tête, c'est le linge qui pend des balcons et qui s'égoutte tranquillement sur le passant. Parfois c'est même une chaussette qui vous tombe sur la tête. Mais en cas de véritable averse, pas de panique si vous avez oublié votre parapluie : dès que le ciel s'assombrit, on voit sortir toute une armée de vendeurs ambulants avec leurs poussettes chargées de parapluie. Ca m'a sauvé plus d'une fois.

Dès la pluie finie, tout le monde est de nouveau dans la rue, l'animation recommence. Les petites vieilles de leur balcon descendent leur panier attaché au bout d'une corde. Elles crient leur commande, le commis de l'épicerie du quartier remplie le panier de victuailles et le panier remonte. Des épiceries, il y en a tous les vingt mètres. Et des primeurs, des boucheries, des fromagers, des petits coiffeurs, des petites boutiques familiales. Tout ce qui a disparu chez nous est ici encore bien vivant. Mais pour combien de temps encore car les grands hypermarchés français sont en train d'envahir la périphérie. En tout cas quel plaisir de pouvoir descendre acheter juste un demi-kilo de tomates..

 

 

C'est plutôt bruyant un vico : les voisins qui s'appellent d'une fenêtre à l'autre, les commerçants, les klaxons des scooters, les enfants qui jouent au ballon n'importe où, de préférence dans un endroit qui gène tout le monde avec des choses fragiles à côté. Et on a droit aux scènes de familles à travers la porte ouverte du basso. Le basso, c'est l'habitation traditionnelle napolitaine, située au rez-de-chaussée et qui n'a qu'une seule pièce et une seule ouverture : la porte. Généralement chez nous, ces logements au rez-de-chaussée qui donnent sur la rue sont peu prisés et tout barricadés de barres de fer. Ici, tout le monde habite là car c'est le plus pratique, pas besoin de grimper les escaliers et on dispose de la rue comme d'une terrasse, on y met les chaises, le linge, le frigo…La porte est toujours ouverte et on vit dans la rue. Et on entend les femmes qui chantent en faisant leur ménage.

Par-dessus tout ce vacarme, on peut entendre le son d'un instrument. C'est un musicien ambulant qui va de magasin en magasin et qui ne bougera pas tant qu'on ne lui a pas donné une petite pièce. Généralement, ils choisissent l'instrument le plus bruyant possible : saxophone, accordéon ou un genre de cornemuse italienne, en peau de chèvre. Des fois, c'est un groupe de jeunes qui s'y met. Ils forment une véritable fanfare avec trombone et percussions et parcourent les rues brandissant une effigie de la Vierge Marie pendant que les plus jeunes récoltent les pièces des passants…

16:00 Publié dans Italie | Lien permanent | Commentaires (3)