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10/02/2007

L'azleu

A Naples, si on veut se faire un peu d'argent, le grand classique c'est de travailler dans une pizzeria. Il suffit d'aller demander s'ils cherchent du personnel et après quelques essais on finit par trouver. Sauf que, sauf que … même si on vous fait travailler au noir (comme de bien entendu, on est à Naples quand même) on vous demande avant tout le "libretto sanitario", c'est à dire le livret sanitaire. Et moi je ne l'ai pas ce petit livret. Voilà donc une occasion de me confronter à l'administration napolitaine. Et bien je vais pas être déçu…Pour avoir le livret sanitaire, il faut d'abord avoir un numéro de travail. On l'obtient au centre pour l'emploi, qui devrait être l'équivalent de l'ANPE. Pour toute la ville de Naples, il y a juste trois centres. Je vais à celui de la zone centrale. Dans une espèce de vieille usine, on arrive dans une grande salle. Un homme à l'accueil me demande ce que je viens faire et me dit de prendre un numéro. Vous savez comment c'est dans les administrations d'habitude, il y a une machine automatique qui distribue les numéros et un cadran qui affiche le numéro appelé. Ici c'est exactement le même principe mais à l'ancienne. Il y a un gars qui a une feuille avec pleins de numéros, et à chaque nouvel arrivé, il déchire un numéro et le lui donne. Pensez-vous s'il aurait pensé à utiliser un ciseau… Ensuite, il y a un grand gaillard habillé en survêtement qui va et vient devant les personnes assises en train d'attendre. Son rôle est d'appeler les numéros. Il en fait tout un cirque. Il passe son temps à nous redemander notre numéro pour ne pas s'y perdre, nous précise bien dans quel ordre on doit passer. Et il s'applique à sa tâche, visiblement c'est vraiment son unique tâche. Et il y a seulement deux bureaux d'accueil. En fait ce sont juste deux tables installées en face de nous. Pour passer le temps on peut donc assister tranquillement aux entretiens. Ca hausse un peu la voix mais c'est normal, on est à Napoli, ça reste bon enfant.

La situation n'évolue pas pendant un quart d'heure et quand finalement une table se libère, on s'aperçoit que l'annonceur de numéro n'est plus là! Il vient d'être appelé dans une pièce à côté, sans doute pour régler un problème de numéro 28 qui serait passé avant un numéro 27. Donc tout le monde se regarde. On n'ose pas voler le travail de l'annonceur… Mais comme il n'arrive toujours pas, l'employé à sa table appelle le suivant, qui se lève un peu hésitant et le rejoint. Et l'annonceur revient. On voit dans ces yeux qu'il n'est pas très content qu'on ne l'ait pas attendu…

Arrive mon tour. Je vais à une des deux tables, on me demande une pièce d'identité. Avec une lenteur incroyable, l'employé tape mon nom sur le clavier, touche après touche. Il me demande : "HEUBECOURT HARICOURT… Heubécourt c'est votre nom ou votre prénom?" "Ah non, c'est de l'autre côté du document qu'il faut regarder…" Finalement il me donne un numéro. Maintenant je peux aller retirer ce livret sanitaire. Et où est ce que je peux l'avoir ce livret? Il faut aller à l'azleu. L'azleu? Qu'est ce que c'est l'azleu? L'azleu en fait c'est l'ASL, mais ici quand il y a des initiales, ils prononcent comme si c'était un seul mot, alors des fois j'ai du mal à suivre. Comme si nous on disait la sneusff pour la SNCF… Et alors, c'est où l'azleu? Personne ne sait. Ah bah bravo le centre pour l'emploi, ils sont efficaces ici… (En fait, plus tard un ami m'a dit qu'à Naples ces centres sont quasi inutiles car ici, le vrai centre pour l'emploi, c'est la mafia...)

Je suis donc parti à la recherche de l'azleu. Il paraît que ça se trouve près des hôpitaux. Je suis donc allé dans la zone hospitalière du centre. Je suis d'abord entré dans un bâtiment où c'était marqué polyclinique mais on m'a dit que ça ce n'était pas l'hôpital mais l'université. L'hôpital, c'est dans le Bâtiment des Incurables. Beau nom pour un hôpital. Il doit y avoir peu de personnes qui en sortent... Mais moi j'ai fini par en sortir. J'ai d'abord demandé si l'azleu c'était ici. On m'a dit d'aller de l'autre côté. En effet de l'autre côté, c'était marqué ASL en gros sur la façade. Je demande au guichet comment je peux faire pour avoir le livret sanitaire. Lui il me regarde avec des yeux ronds. C'est bien ici l'azleu. Mais non l'azleu, c'est de l'autre côté de la ville, sur la place Nationale…Bon. Une demi-heure plus tard, j'arrive donc place Nationale. En effet, il y a un autre bâtiment avec marqué ASL. Cette fois, c'est la bonne? Presque. Le guichetier me dit de faire le tour du bâtiment, c'est une autre entrée sur le côté. J'arrive dans un endroit tout petit mais surpeuplé, du monde partout avec un numéro à la main, des escaliers dans tous les sens. Je vois une machine avec un numéro. J'en prends un. Numéro 132. Je regarde le cadran (ils sont modernes ici) : 69. Et bé je n'ai pas fini d'attendre. A tout hasard, je demande à ceux qui attendent si c'est bien ici pour avoir le livret sanitaire. Mais non, c'est le bâtiment de l'autre côté de la rue. Je ressors donc dans la rue. En face c'est un immeuble d'habitation, mais en regardant bien, il y a pas de mal de gens qui entrent et qui sortent par la porte d'entrée. Je m'approche. En effet c'est marqué ASL en tout petit. A l'étage il y a une file de gens qui attend devant un guichet et derrière le guichet, un employé qui leur tourne le dos et qui pianote tranquillement sur son ordinateur, ignorant ostensiblement les personnes qui attendent. Dans la file il n'y a que des papys. Il doit y avoir une vocation pour travailler dans les pizzeria, une fois arrivé à la retraite… Pris d'un doute, je double la file et tapote sur la vitre pour demander à l'employé si c'est bien ici pour les livrets sanitaires. Imperturbable, il me répond, sans lever les yeux : " Don Bosco, 4". Quoi? "Don Bosco, 4". Non je ne rêve pas, c'est une nouvelle adresse… Impassible, je ressors du bâtiment à la recherche de cette rue Don Bosco. C'est un peu comme une chasse au trésor finalement. Quelle sera la prochaine épreuve?

J'arrive rue Don Bosco. Cette fois j'y crois, j'ai confiance. L'employé avait l'air de connaître son affaire. L'assurance avec laquelle il m'a donné cette adresse, la précision de l'indication, me font dire que cette fois j'y suis. La rue Don Bosco se révèle être une grande avenue. Ca commence au numéro 100. Ok je suis arrivé du mauvais côté de la rue, mais ça ne fait rien je vais la remonter tranquillement. Ce livret sanitaire ne peut plus m'échapper. J'arrive comme ça au numéro 6, et là stupeur! La rue s'arrête! En fait, il y a des travaux. Mais pas des petits travaux. Ca bloque entièrement la rue car ils sont en train de refaire un pont. C'est pour ça qu'il n'y avait aucune voiture sur cette avenue. J'aurais du me méfier c'était trop facile. Et pour atteindre l'autre partie c'est une autre paire de manches. Il n'y a aucune rue transversale. Il faut remonter l'avenue et prendre le bus qui doit faire un gros détour pour arriver de l'autre côté de la rue complètement bloquée à la circulation.

Après un quart d'heure de trajet, le bus me dépose donc au début de la rue Don Bosco. Je me retrouve juste de l'autre côté des traveaux. Logiquement après le 6, le 4 ne devrait pas être loin. En effet, voilà le numéro 4 : c'est une petite maison rouge. En ruine. C'est pas vrai, l'employé s'est fichu de moi… Il m'a donné une fausse adresse. J'ai fait preuve d'une grande patience et d'une certaine fore d'âme, vous en avez été témoin. Mais j'avais sous-estimé l'affaire. Cette fois c'en est trop, je n'en peux plus, je craque, et je retourne chez moi en maudissant Naples et toute son administration…

 

 

Mais moi j'en ai besoin de ce livret sanitaire, alors puisque personne ne peut me donner d'informations sérieuses, je vais faire des recherches sur internet. Et je le trouve ce fameux ASL. Et l'adresse, vous allez rire, c'est "Don Bosco, 4f ". Il y aurait donc un 4f? Zut alors, j'y étais presque! Me revoilà donc dans le bus et à nouveau rue Don Bosco. A droite de la petite maison rouge il y a des palissades. Mais plus haut dans la rue il y a un imposant immeuble avec une architecture typiquement administrative. C'était donc ça. En effet c'est marqué ASL. 8ème étage. Dans un grand couloir, il y a un vieux papier attaché de travers avec du scotch jauni : "libretto sanitario" J'y suis. A l'intérieur, juste un bureau, avec une femme derrière ses piles de papiers. Elle est toute contente d'avoir de la visite. Un français en plus! "Et bien vous êtes courageux de chercher du travail à Naples!" Merci. Alors le livret coûte 30 euros, et il faut aller payer un bon à la poste. Et c'est où la poste. Elle ne sait pas, il faut demander au gardien à l'entrée. Le gardien me dit de descendre au sous-sol de l'immeuble, car à ce niveau il y a une sortie de l'autre côté et là je ne serai pas loin de la poste. J'y vais je sors de l'immeuble dans une nouvelle rue, et je me retrouve… à 200 m du centre pour l'emploi! Là où j'ai commencé mon parcours! Là ils font fort quand même… Enfin bon, maintenant je l'ai presque mon livret, ça ne sert à rien de ruminer. Après quelques derniers errements, qui me conduisent notamment à un vieux aqueduc greco-romain complètement à l'abandon au milieu des HLM, je trouve cette poste, fait la demi heure de queue due au portique hyper-moderne avec sas de sécurité automatique qui n'autorise l'entrée que de une personne à la fois, fait une autre demi-heure de queue une fois avoir pris un ticket, paie le bon et me revoilà au bureau du livret sanitaire. L'employé remplit une fiche papier, s'applique à écrire mon nom lettre par lettre, insiste pour écrire aussi mon second prénom, me parle de ses vacances en France, et oups, se trompe dans la dernière case sur ma date de naissance. Elle reprend une autre fiche, cette fois la remplit sans se tromper et me la tend. "Voilà, vous avez rendez-vous dans un mois pour faire un quizz."… Un quizz? Et oui, parce qu'avant, pour avoir le livret sanitaire il fallait faire une visite médicale pour voir si on n'avait pas des maladies trop contagieuses pour être en contact avec la nourriture. Mais il y a eu une réforme et maintenant la visite médicale est remplacée par un quizz… Voilà qui est beaucoup plus sûr pour les normes de sécurité hygieniques… Bon, en attendant, la gentille dame me dit que je peux déjà travailler dans une pizzeria tout de suite, il faut juste que je potasse le manuel avant le quizz. Elle me tend un petit guide avec des dessins d'enfants. OK. A bientôt l'azleu. Et maintenant en route pour de nouvelles aventures au cœur de la pizza…

 

 

 

 

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02/02/2007

Les belles traditions napolitaines...

Naples est imprégnée de traditions vivaces qui rythment les saisons. Ainsi le mois de janvier qui chez nous pourrait sembler assez ennuyeux est ici assez chargé. Le mois commence évidemment avec la célébration de la nouvelle année. Dans la nuit de la Saint Sylvestre, à minuit précise, c'est l'explosion de joie. Au sens propre. Tout le monde sort ses fusées d'artifice et les fait exploser. N'importe où. De préférence au milieu d'une ruelle étroite bordée par des immeubles de 6 étages. C'est une belle ambiance de guérilla urbaine. Pendant une heure, on se croirait parachuté au cœur de bombardement de la seconde guerre mondiale. Et dans ce joli spectacle, chaque année on dénombre quelques morts et des dizaines de blessés avec bras et jambes en moins. Il fallait s'y attendre. Et comme si ça ne suffisait pas, à minuit pile, c'est l'heure où tout le monde se débarrasse de l'électroménager usager ou des meubles encombrants inutilisés. Et comme c'est trop compliqué de faire descendre tout ça par l'étroite cage d'escalier, on ne s'embête pas et on balance joyeusement les vielles télé ou les machines à laver par la fenêtre du sixième étage. Bonne année!

Le 6 janvier, c'est l'épiphanie. Et ici l'épiphanie, ce n'est pas la galette des rois comme chez nous. La nuit de l'épiphanie, une vieille femme type fée carabosse passe dans toutes les maisons sur son balai et laisse aux enfants sages des cadeaux dans leurs chaussettes. Bref, une répétition de Noël 15 jours après. Jusqu'à tard dans la soirée les magasins de jouets sont ouverts et dans les rues on rencontre quelques sorcières. Et à minuit pile, nouvelle série de bombardements : tout le monde finit son stock de feu d'artifice restant du nouvel an.

Le 17 janvier, on brûle le sapin. C'est exactement ce jour-là que tout le monde se débarrasse de son sapin de Noël. En fin d'après midi, on voit des enfants traînant derrière eux leur vieux sapin. Et le soir, nouvelle scène de guérilla dans les rues : sur les places, on rassemble tous les vieux sapins en tas et on brûle joyeusement tout ça. Avec quelques poubelles en prime. Et on se lance des pétards à la figure pour rajouter à l'ambiance.

Et ce 17 janvier marque le début de la période pré-carnaval qui dure un mois. Et donc pendant tout un mois se déroule une autre tradition typiquement napolitaine. Les joyeux bambins sortent les œufs et la farine et s'amusent à bombarder les passants à l'improviste. Dans la bonne humeur, ils guettent les victimes les plus faciles, généralement les femmes qui se promènent tout seul, et se jettent sur elles pour leur balancer des œufs pourris sur la tête, généralement assez violemment, et la femme s'en va en pleurs. Les braves petits diables sont passés maîtres dans la réalisation de leurs plaisanteries, et c'est à Naples que sont fabriquées les meilleures boules puantes artisanales, faites par les enfants eux-mêmes à la maison, à partir d'une recette ancestrale. Mais ici encore, la modernité modifie les belles traditions et depuis quelques années, les gentils petits garnements délaissent de plus en plus le traditionnel œuf pourri pour la bombe de mousse à raser, malicieusement cachée dans la poche des blousons et qu'ils dégainent dans les yeux du premier qui passe…

Pendant un mois, il règne donc dans les rues une joyeuse atmosphère. Personnellement, en ce moment j'essaie de sortir le moins possible. Les belles traditions napolitaines… Je suis impatient de voir ce que nous réserve le mois de février…

10:50 Publié dans Italie | Lien permanent | Commentaires (0)