28/02/2006
Les gens à Bogo
Et voila, Bogo c'est fini. J'y ai passé trois très très bonnes semaines. J'ai pris le temps de découvrir cet endroit vraiment magnifique et j'ai rencontré énormément de personnages attachants. La vie d'un petit village africain, avec toutes les personnalités qui l'animent. Tout d'abord Dovi, le directeur du CEG, extrèmement sympathique et intéressant, qui fait un énorme travail pour Atumgba en assurant le contact entre la France et le village. Pour que les projets de l'association fonctionnent il est essentiel qu'il y ait des gens sérieux et efficaces sur qui on puisse s'appuyer. Le village a de la chance de l'avoir car souvent dans l'humnitaire des projets échouent faute de gens sérieux sur qui s'appuyer...
Mais il y a d'autres personnes au village qui se bougent pour la communauté : Anoumou, le fameux Anoumou. C'est le jeune ministre de la guerre du village. Ah, il est fier de son titre et rappelle à la moindre occasion qu'il est invaincu et ne craint personne. Mais passé cette première impression, c'est un jeune homme aussi très sérieux qui se donne beaucoup pour le village, notamment pour l'éducation des jeunes. C'est aussi lui qui a fait le travail de recueillir tous les témoignages des anciens, les contes et légendes. C'est un peu l'érudit avec une grosse mémoire. Il est également capable de vous sortir par coeur toutes les statistiques du championnat de France de Football. Ca parait incroyable dans ce petit village sans électricité et télé. Mais on ne se rend pas compte en France que tous les Africains d'Afrique francophone suivent au jour le jour avec beaucoup d'attention tout ce qui se passe chez nous. Tout le monde écoute RFI à la radio tous les jour. C'est ainsi qu'au fin fond de la brousse, on peut entendre un débat sur les cotisations de l'assurance chomage en France... C'est très très décalé... Et donc beaucoup suivent le championnat de France car il y a pleins d'Africains qui y jouent. Et Anoumou ne se lasse pas de réciter par coeur les meilleurs buteurs des 3 dernières décennies ou tous les vainqueurs de la coupe du monde. Mais Anoumou il se donne aussi beaucoup pour le village, il donne des cours particuliers aux 3ème pour les aider à avoir le BEPC.
Mais c'est pas le seul à se dévouer pour l'éducation dans le village. Heureusement que le village se prend en main car s'il ne devait compter que sur l'Etat, il n'y aurait que 2 instituteurs en primaire pour près de 200 élèves... Alors il y a des habitants du villages qui se dévouent pour faire les instituteurs volontaires. Je les admire beaucoup car c'est un travail énorme et pourtant ils sont quasiment bénévoles. Les parents d'élèves essaient de les payer un peu mais comme tout le monde est pauvre, les volontaires doivent se satisfaire de 5000 CFA (7 euros) par mois. (pour se rendre compte le "SMIC togolais est de 30 euros et un pain par exemple coute 200 F). Je ne sais vraiment pas comment ils font pour vivre. Ils ont 6 heures de cours par jour du lundi au vendredi. A cote de ca il faut qu'ils preparent leurs cours chaque soir, qu'il corrigent les devoirs. Et le samedi ils vont aux champs pour faire leurs cultures vivrieres, ce qui leur permet de se nourrir. Et en plus de ca, ils trouvent encore le temps de s'investir dans la vie du village : Jean Gassou, l'enseignant du CE2 est secrétaire du comite de gestion du centre de soin, et aussi secrétaire d'Atumgba Bogo et il s'occupe aussi de la bibilotheque. Et Kokou, l'enseignant du CP est aussi "maitre chanteur" et il dirige tous les soirs la chorale du village, et il est bon, parce que la chorale je l'ai entendu, c'est un régal.
Si vous allez à Bogo, vous rencontrerez aussi Banissi, le président d'Atumgba-Bogo, que je n'ai jamais vu sans son grand sourire aux lèvres. En plus de ses caféiers, il s'occupe d'enseigner l'Igo aux habitants. L'Igo, c'est la langue locale du village. C'est une langue parlée par 7000 personnes au plus et qui est classée en voie d'extinction par l'UNESCO. La langue est très parlée au village mais le probleme c'est que à l'école, c'est le francais qu'on apprend et du coup les habitants ne savent pas lire et écrire leur langue. Alors Banissi, depuis quelques années donne des cours du soir en igo aux habitants, et pour qu'ils aient quelque chose à lire, il s'atteler à traduire un best seller : le Nouveau Testament. C'est un gros travail qu'il vient de terminer le mois dernier. Et maintenant pourquoi ne pas traduire les guides techniques agricoles ramenés de Songhai. Certains habitants en ont fait la demande.
Il y aussi quelqu'un que je suis content d'avoir rencontré. je ne l'ai croisé que la veille de mon départ : Ferdinand. Qu'est ce qu'il fait Ferdinand? Du reboisement. Ca me fait vraiment plaisir de voir qu'il y a des gens du village qui s'occupent de ce probleme. Parce que le déboisement, c'est un probleme qui me fait assez peur pour le village. Ils ne se rendent pas compte mais ils sont en train de détruire leurs forêt et ils ne se rendent pas compte des conséquences à plus ou moins long terme : assèchement du climat, érosion des sols, perte de biodiversité et j'en passe. Alors Ferdinand, avec quelques autres personnes du village s'occupe de faire des pépinières ou il fait pousser toutes sortes d'arbres puis il va les planter sur les parcelles deboisées ou il fournit des plants aux villageois. Ils ont aussi fait quelque chose de tres efficace : ils ont réussi à stopper les feux de brousse depuis 3 ou 4 ans grace à une surveillance constante. ces feux de brousse sont normalement interdits mais les paysans ne connaissent que cette méthode pour défricher. le problème c'est que c'est dur à controler. Et en plus, ils ne le savent pas, mais les feux de brousse, ca appauvrit beaucoup le sol et ca explique que les cultures locales aient des rendements de plus en plus faibles depuis quelques années. Enfin bref, Ferdinand et ses amis ont decidés d'aller voir personnellement tous les auteurs de feux de brousse et de les menacer d'amende. Et ca marche. Les feux de brousse sont devenus très rares dans la vallée et l'effet ne se fait aps attendre. les sommets des montagnes qui entourent la vallée, qui étaient completement deboisés, commencent déja à se recouvrir de végétation. le probleme c'est que cette végétation n'est plus la meme que celle d'origine, avec notamment beaucoup moins de variété qu'avant. c'est pourquoi ils vont y replanter les especes d'origine. Un tres gros travail. Et comme les autres gens actifs du village ferdinand est impliqués dans pleins d'autres projet : sensibilisation au SIDA, croix rouge, etc...
Et dans les personnalités du village, il y a aussi le représentant du Chef : Papa Sou. Il est très important car le chef n'est quasiment jamais là, donc c'est lui qui s'occupe des affaires courantes du village. Il s'occupe d'organiser les travaux communautaires et surtout il regle les conflits entre villageois. Et c'est sur ce point la que je l'admire. Il parait pas comme ca mais il est tres fort : un fin diplomate et surtout un tres bon sociologue. j'ai pu en faire l'experience pour une affaire dont j'ai occupé le premier roleet où il a vraiment assuré. je lui tire mon chapeau. De quoi est ce que je suis entrain de parler? Et bien je vais vous demander patience, parce que c'est vraiment un roman, mais je vais essayer de vous raconter ca prochainement. Une histoire où il y a un peu de cette magie africaine...
Et le chef du village. Il faut que je vous en parle aussi. Il est très occupé et pour cause : il est un des proches conseillers du feu "président" Eyadéma Gnassingbé et est toujours aussi actif auprès du nouveau "président", le fils Gnassingbé. Mais j'ai quand même eu la chance de le rencontrer lors d'une de ses visites éclair au village. C'est un homme tres intéressant qui connait par coeur l'histoire et les problemes de son village et qui est capable de vous en parler pendant des heures non stop. Il est s'est montré très intéressé par notre projet de création d'un centre de formation agricole du type Songhai (je vais vous en parler un peu plus tard de ca aussi) et il nous a apporté tout son soutien. Mais je me pose des questions sur le personnage quand meme. Parce que si c'est un des membres influents du parti au pouvoir, il a de grosses responsabilités sur la situation catastrophique dans laquelle ce parti a mis le Togo. Alors que penser. Il parait que c'est un sage et c'est vrai qu'en ce moment il travaille sur un projet positif : une commission sur le désarmement. Est ce que son objectif serait de transformer le régime de l'intérieur, de le modérer? Dans ce cas il n'est pas tres efficace parce que ca fait près de quarante ans qu'il est dans les rouages du pouvoir et tout ce qu'on peut dire c'est que c'est de pire en pire. Et que dire aussi de son frere, qui a été premier ministre du Togo, il y a 5 ans. Il s'est construit une magnifique maison à Bogo. Surplombant le village, elle est visible de toute la vallée. Et bien cette maison qui a du coûter des millions, il ne l'a jamais habitée. Et pendant ce temps le villageois en dessous vivent sans eau et sans electricité. Le Premeir ministre a bien dépensé des millions pour detourner un ruisseau vers sa maison, mais ensuite, il n'y avait plus d'argent pour continuer la cananlisation sur quelques centaines de metres pour amener l'eau sur la place du village. Alors les femmes du village doivent monter plusieurs fois par jour remplir leurs bassines au robinet de la maison du ministre... A vous de juger de la situation...
Pour finir, j'ai amené au village un nouveau personnage intéressant : Aube. C'est l'étudiant Songhaï dont je vous avais parlé. Il est extrémement interessant. Je l'ai fait venir au village pour qu'il raconte son expérience au villageois. On a fait des expériences de compost au collège. On a aussi fait un débat sur l'agriculture avec les collégiens. Ca c'était super interessant, on a essayé de leur montrer qu'ils pouvaient gagner de l'argent dans l'agriculture avec un minimum de formation. Parce que pour l'instant, les collegiens si on leur demande, il n'yen a pas un seul qui veut rester au village, ils veulent tous partir a Lomé. Ils ne savent pas qu'a Lomé, les étudiants diplomés sont obligés de faire moto taxi parce qu'il n'y pas de travail. On a essayé de leur faire prendre conscience de ca, de ne pas croire que c'est toujours mieux ailleurs, qu'il faut s'impliquer la ou on est si on veut que ca soit mieux... Et ce qui est encore plus interessant, c'est le projet de création d'un centre de formation agricole à proximité. Si ca marche, cela va devenir rien de moins que le premier centre Songhaï au Togo. Comme vous pouvez deviner ca m'enthousiasme beaucoup et on lui apporte le soutien qu'on peut. Je vous en reparlerai aussi sans doute plus tard, parce que ca va commence dès fin mars, avec le début de la saison des pluies. Des villageois de Bogo se sont montré intéressés pour suivre la formation donc j'attends beaucoup beaucoup de ce projet. Voila, voila, à suivre...
19:53 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Alors là, moi je dis bravo aux habitants de Bogo! Voila au moins des gens qui ne se laissent pas abattre pour un oui ou pour un non.
En France, on en a beaucoup à apprendre sur les relations humaines. A croire que la technologie nous a fait oublier tout ca.
Moi je trouve ça terrible de voir comment les habitants du village se dévouent pour leur village. En France, on a même pas cet esprit d'entre aide pour la famille. là bas, c'est pour tout le village, et en priorité pour les enfants!
Écrit par : Yann | 02/03/2006
tu as l'air tellement enthousiaste que je me demande si tu vas bien rentrer samedi !
je pense qu'il y a partout des gens trés bien, mais l'administration, la télé, la voiture isolent et compliquent tout en nous rendant trop exigeants
Écrit par : maman | 02/03/2006
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