02/02/2006
Des déchets partout!
Alors, je vais vous parler d'un sujet qui me tiens à coeur et qui de toutes façons est un aspect important de la vie au Togo : les déchets... Franchement, c'est ce qui me gène le plus ici. C'est omniprésent, il y a des déchets partout, mais alors absolument partout... En particulier ces satanés sacs en plastique noir.
Alors d'où vient le problème? Je vous ai parlé de tous ces vendeurs ambulants, de toutes ces petites échoppes. Et bien systématiquement quand vous achetez un petit truc, on vous met ça dans un sac en plastique noir, même si c'est un pain ou une orange. Et puis il y a aussi ces yaourts glacés qui sont si bons, mais qui sont également dans des emballages plastiques. Bon bref, le progrès est arrivé et maintenant beaucoup de choses sont dans des emballages plastiques comme chez nous. Le problème, c'est que c'est arrivé très vite en quelques décennies. Avant tout les emballages étaient biodégradables, en feuilles de bananier par exemple. Et le geste, quand on avait fini, on jetait! Et le problème c'est que le comportement n'a pas évolué. Quand on a fini, on jette par terre, n'importe où : dans la rue ou chez soi. C'est assez choquant quand même ce geste de jeter n'importe où, même chez soi. Alors en fait tout les matins, ils balaient la cour et c'est à ce moment qu'ils ramassent les déchets. Mais dans la rue, personne ne ramasse...
Et moi, je suis bien embété quand je me retrouve avec un sac plastique. J'y peux rien c'est psychologique, je n'arrive pas, moi, à jeter par terre comme ça. Mais il n'y a pas de poubelles! Alors comme un malin, j'accumule les sacs plastique dans ma poche. Ca retarde l'échéance mais je ne peux pas tenir indéfiniment. Parfois quand même je trouve une corbeille, donc je peux jeter. Mais le plus fort quand même, c'est que quand je mets mes déchets dans la corbeille, tous les togolais se marrent, limite ils se moquent de moi. C'est pour dire qu'il y a encore du boulot pour changer les mentalités.
Alors jeter les déchets par terre c'est pas bien, et c'est bien ce que je comptais leur dire aux enfants, à l'école. Mais c'est pas si simple de dire ça. Il n'y a pas de système public de collecte des ordures et il n'y a pas de poubelles publiques (si j'en ai vu quand même une fois j'en ai vu une. Une belle avec marqué "Propreté de Lomé". J'étais trop content et je me suis approché : elle n'avait plus de fond...). Donc je veux bien leur dire de ne pas jeter leurs déchets par terre mais ils vont les mettre où?
Je vous ai parlé de corbeilles à déchets quand même. En effet certaines familles paient de petites associations qui viennent ramasser les déchets dans de petites charettes à bras. Et donc, tous les trois jours ces familles mettent leurs corbeille de déchets devant chez eux. Mais ce n'est pas tout le monde qui paie. Et c'est pour ça qu'on me regarde avec des grands yeux quand je mets un déchet dans une de ces corbeilles, car ce sont des poubelles "privées". Et c'est pour ça qu'il n'y a pas de poubelles publiques dans la rue. Tous ceux qui ne paient pas le rammassage individuel iraient mettre leurs déchets domestiques dans ces poubelles qui seraient vite surchargées.
Donc ceux qui ne paient pas le ramassage, ils creusent un trou dans la rue et y mettent leurs déchets. Et donc il y a des rues où ils faut slalommer entre ces monticules de déchets. Ca sert à remblayer les ornières aussi...
Mais pour ceux qui paient le ramassage privé, où vont leurs déchets? Et bien en fait, avec leurs petite charettes, les associations vont simplement les déposer un peu plus loin, dans les espaces libres disponibles qui se transforment en véritables décharges en pleine ville. Quels sont les espaces libres : quelques terrains non construits, mais surtout, la forêt sacrée et la lagune. La forêt sacrée c'est une relique de l'ancienne forêt sacée vaudou qui occupait l'emplacement de Lomé. La ville s'est étendue et la forêt s'est réduite comme une peau de chagrin. Et ce qui reste de la forêt (quelques arbres) est aujourd'hui entouré par une montagne de déchets. Et on est en pleine ville. C'est assez catastrophique. Ces déchets polluent la nappe d'eau qui est seulement à quelques metres de profondeur et dans laquelle tous les habitants puisent leur eau. Alors tous les habitants du quartier sont plus ou moins malades. L'autre grand espace libre, c'est la lagune. Et là c'est encore pire. C'est un petit lac qui limite la ville au nord, large de moins de 500 m. Il n'y a pas d'exutoire donc l'eau stagne. Et c'est entouré par la ville. Etl n'y a pas de tout-à-l'égout donc les eaux usées se déversent directement la dedans. Et autour de la lagune, il y a quelques espaces libres non construits car c'est inondable. Et c'est donc devenu d'autres dépôts d'ordure. C'est vraiment glauque touc ces déchets. L'eau dégage une odeur putride. Elle est toute verte. Et ce qui est paradoxal c'est que le site de la lagune est très joli, limite pittoresque, bordé de cocotiers. Mais quand on s'approche ca redevient glauque. Et imaginez juste la situation pendant la saison des pluies: le niveau de l'eau monte et toute la ville située alentour est alors inondée par les eaux infectes de la lagune...
C'est pas simple du tout ce problème des déchets. D'un côté, les habitants jettent leurs déchets n'importe où, mais d'un autre côté il n'y a nulle part où mettre les ordures.
Alors il y en a qui se bougent quand même. Je vous ai parlé de ces associations qui se sont montées pour ramasser les déchets pour ceux qui veulent bien les payer. En France, on paie une taxe sur les ordures ménagères et c'est la commune qui gère ça. Au Togo, on ne paie pas les impots. Parce qu'on est pauvre, mais surtout parce que l'argent des impôts disparait systématiquement dans la nébuleuse obscure de l'administration centralisée (corruption? oui) C'est pourquoi les habitants préfèrent payer de petites associations. Là, ils sont sûrs que l'argent sera utilisé comme il faut. Donc pour lutter contre la corruption, le mieux est d'agir localement. Comme ça, on a un meilleur contrôle de l'argent. C'est pourquoi, certaines associations réfléchissent à impliquer les chefs de quartier dans la gestion des ordures. L'idéal serait que ce soit géré à l'échelle du quartier avec un impôt local obligatoire. Les gens le paieraient plus facilement car ils sauraient où va l'argent. Comme tout le monde paieraient, tout le monde aurait droit au ramassage et on pourrait ensuite mettre des poubelles publiques dans la rue, qui seraient elles aussi gérées par le chef de quartier. Donc la clef du problème serait une gestion locale, décentralisée. Certains y travaillent et c'est très intéressant. Mais l'autre aspect où il faudra agir c'est la sensibilisation du public, parce que mettre un papier dans une poubelle c'est vraiment pas ancré dans les moeurs. Plusieurs associations y travaillent également, mais s'il y a des bénévoles parmivous, n'hésitaient pas ils seront accueillis à bras ouverts. Il y a aussi des essais de tri de déchets et de recyclage. Une association avait commencé à fabriquer du compost à partir des déchets mais ils ont dû arrêté car ilsne trouvaient pas de débouchés : les maraichers préfèrent utiliser les engrais chimiques qui font pousser plus vite (même si les légumes sont moins bons) Il y a aussi quelques ONG qui font du recyclage de plastique, en fabriquant des vêtements par exemple. C'est des initiatives intéressantes qu'il faut soutenir.
Si on arrive à ça, on aura déjà bien avancé. Mais il faut quand même que l'Etat s'investisse un minimum pour la gestion des décharges principales, et surtout pour cette lagune qui est vraiment une catastrophe. Il faudrait au moins une station d'épuration. Il n'y en a même pas une seule à Lomé!
Bon à part ça tout va bien et tout le monde garde toujours le sourire! Et moi je sens que je vais revenir en France avec en guise de souvenirs quelques sachets de déchets que je n'aurais pas réussi à jeter...
PS : sinon, il y a aussi une solution toute simple que j'ai trouvé pour me débarasser des sacs en plastique. Et cette solution, ça marche aussi bien au Togo qu'en France :quand on me donne quelque chose dans un sac plastique, je refuse le sac plastique. Et si je ne peux pas me passer de sac, je réutilise un sac que j'ai déjà. Et tant pis si on me regarde avec des yeux ronds... La réduction des déchets à la base c'est surement le plus efficace. Mais là aussi, ily a un gros travail de sensibilisation à faire... A bon entendeur, salut....
20:45 Publié dans Des projets en Afrique | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Moi aussi la dernière fois, j'ai ramené chez moi mes déchets d'un mois de séjour au Togo !!! mais bon, c'était seulement un mois !!!!!
C'est toujours pareil, la protection de l'environnement c'est un truc pour ceux qui n'ont pas faim .... c'est une grande étape de prise de conscience dans notre évolution.
Bien cordialement,
Marie-Claire
Écrit par : Marie-Claire | 03/02/2006
Moi aussi la dernière fois, j'ai ramené chez moi mes déchets d'un mois de séjour au Togo !!! mais bon, c'était seulement un mois !!!!!
C'est toujours pareil, la protection de l'environnement c'est un truc pour ceux qui n'ont pas faim .... c'est une grande étape de prise de conscience dans notre évolution.
Bien cordialement,
Marie-Claire
Écrit par : Marie-Claire | 03/02/2006
Moi aussi la dernière fois, j'ai ramené chez moi mes déchets d'un mois de séjour au Togo !!! mais bon, c'était seulement un mois !!!!!
C'est toujours pareil, la protection de l'environnement c'est un truc pour ceux qui n'ont pas faim .... c'est une grande étape de prise de conscience dans notre évolution.
Bien cordialement,
Marie-Claire
Écrit par : Marie-Claire | 03/02/2006
C'est vrai qu'il est déjà difficile de faire prendre conscience de la nécessité de certains gestes en France, alors d'après ce que tu racontes, ça doit être impossible à faire comprendre en Afrique.
Mais bon, derrière tout ça, on retrouve encore une fois les histoires de corruption...
Il est vrai que la protection de l'environnement c'est un truc pour ceux qui n'ont pas faim, mais d'après ce que raconte Youri, les gens pourraient être prets à faire quelque chose, seulement ils ont peur que leur argent ne tombe dans de mauvaises mains.
Et pourquoi n'ont ils pas gardé le système des feuilles de bananiers? trop cher?
Bonne continuation Youri
Écrit par : Yann | 05/02/2006
Bonjour Youri,
Je suis ton périple en Afrique depuis début Janvier et je trouve tes commentaires super intéressants.
A propos des fameux sacs en plastique, il m'est venu une réflexion : on jette ce qui n'a pas de valeur, en redonnant une valeur à ces choses, une nouvelle destination leur sera trouvée. Tu peux par exemple découper les sac en bandes de même largeur que tu peux ensuite tresser. Une tresse de deux à trois mètres peut devenir un tapis de sol. Un peu de couture simple pour fixer l'ouvrage et ainsi ces objets redeviennent monnaie d'échange. bonne continuation Youri. Bisous de ta marraine
Écrit par : Danièle | 10/02/2006
Bonsoir Youri,
J'ai découvert ton site il y a quelques jours, par l'intermédiaire de Marie-Claire et Jean-Pierre mes amis de l'association ATUMGBA (dont je parle beaucoup autour de moi car les connaissant, je suis convaincue par leurs actions pour et avec leurs amis Bogolais). Je sais que le propos est sincère et que tout est mis en oeuvre pour permettre d'améliorer la vie des habitants sur place, autant du point de vue de la scolarité, mais aussi santé, bibliothèque et développement durable, etc.
Tes conseils et idées seront une précieuse aide pour le projet de la plantation.
J'aime bcp ta façon de décrire les situations que tu rencontres sur place et j'aime aussi tes textes très agréables à lire car très bien écrits...
Grâce à toi nous pouvons voyager d'ici à là-bas...
et c'est vraiment très sympa de pouvoir voyager sans passeport, vaccins et bagages à trimbaler, juste pour prendre des nouvelles d'un ailleurs que tu nous rends proche.
D'ici à là-bas en quelques clicks, en quelques pages, grâce à tes mots et des photos, pour dire et ressentir la vie telle qu'elle se déroule à plusieurs milliers de Kms.
Bon courage pour la suite des évènements,
je t'admire car j'aimerais en faire autant,
cependant, je n'en ai pas vraiment le temps,
et puis au fond, il faut dire plus sincèrement,
que je n'en ai pas du tout le cran !!!
à bientôt, sur mon ordi et son écran...
Écrit par : Catherine | 24/02/2006
Les commentaires sont fermés.