04/01/2006
La Vie à Lomé
La vie à Lomé
Pendant un mois je vais rester à Lomé pour travailler dans une école primaire. Je suis logé chez le jeune directeur. C'est dans la banlieue Est de Lomé, à 500 m de la plage. C'est intéressant de partager la vie des habitants comme ça. Le quartier n'est pas tres riche : il y a l'électricité mais pas l'eau courante. Il faut prendre l'eau au puit. La nappe d'eau est juste à deux metres de profondeur, par contre je vous laisse imaginer la qualité de l'eau... Les maisons sont toutes organisées autour d'une cour fermée entourée de murs. Les chambres sont disposées autour mais toute la vie sociale se passe dans la cour. C'est là qu'on fait la cuisine au charbon dans un brasero.
Chaque maison possède une petite boutique qui donne dans la rue pour vendre des bricoles. Dans la rue il y a des petits stands partout, des vendeurs ambulants et tout le temps, du matin au soir. Franchement, le mythe des africains paresseux... Moi, je trouve qu'ilssont bosseurs, ils en veulent. Même si ils dorment devant leur petit stand, ils sont là à attendre les clients toute la journée et jusque tard dans la nuit.
Les rues c'est du sable. C'est juste praticable en moto et encore il y en pleins qui se vautrent. Par contre ce qui me gène beaucoup c'est que les rues sont jonchées de tas d'ordure. C'est une catastrophe ces déchets partout. Ils jettent tous leurs déchets par terre et c'est vraiment crade par endroit. Et tous les petits enfants qui jouent dans la rue là dedans. Quand il pleut ça fait des flaques noires. Même si les maisons sont en dur, ça fait un peu bidonville par endroit. Mais les cocotiers et le sable donnent une petite ambiance plage quand même. C'est vrai que la plage n'est pas loin. Mais il parait que c'est dangereux car il y a des bandes de voyous qui trainent. Mais on peut y aller en sécurité au niveau de l' Hotel Mercure, le grand hotel de luxe. Ce qui est marrant c'est que quand on est blanc en Afrique, on est considéré systématiquement comme quelqu'un de très riche. Alors c'est souvent assez pénible, mais ça peut aussi être utile. Ainsi je peux rentrer tranquillement dans cet hotel super luxe habillé en short et en tongues, on me prend pour un client... L'ambiance de la plage, c'est quand même bien différent de chez nous. D'un côté il y a tous les camions en train de charger du sable pour la construction, de l'autre il y a les pirogues et les pecheurs qui lancent leur filets de la plage. Il n'y pas trop de place pour se baigner. De toute façon, la mer est dangereuse. Les vagues sont très grosses et il y a souvent des noyades. Et ce n'est même pas surfable car elles se brisent directement sur la plage (des shortbreak pour les connaisseurs)
Lomé est situé sur une bande de sable large d'un kilomètre, bordée d'un coté par la mer et de l'autre par un petit lac, la lagune. Cette lagune est tres jolie mais elle sert de décharge. L'eau est tout verte et il s'en dégage une odeur de merde... Et il paraît que pendant la saison des pluies, la lagune déborde et inonde les quartiers autour...
Donc Lomé est située originellement sur cette bande de sable. C'est limité à l'est par la zone portuaire immense, et à l'ouest par la frontière avec le Ghana qui passe en pleine ville. Alors du coup la ville est bloquée dans son extension. L'urbanisation a donc envahi les plateaux de l'autre côté de la lagune, au Nord. C'est la que se trouve le palais du président et les maisons des ministres. Ca forme un vaste lotissement privé, barricadé. On voit les maisons immenses derrière les murs. On sait où il est l'argent... C'est franchement révoltant de voir tout ce fric là bas alors que dans la capitale même, les rues sont défoncées, il n'y a pas l'eau courante, les écoles sont délabrées, les professeurs sont payés une misère. A coté de ça, les ministres vivent très bien. La plupart ont leur énorme baraque mais ne vivent même pas dedans. Ils vont habiter en France et reviennent juste quelques jours par mois pour régler les affaires courantes. Bah oui, leur pays est trop nul pour qu'ils y habitent. Ils ne sont assez pas fous pour faire étudier lesurs enfants dans l'université du pays, ou se faire soigner dans leurs hopitaux. Dans des conditions pareilles, où les dirigeants eux mêmes préfèrent utiliser leur argent pour fuir les conditions de leur pays plutot que de consacrer l'argent à le construire, comment voulez vous que le pays s'en sorte?
Mais quand même, il ya quelque chose qui marche au Togo en ce moment, c'est le foot. L'équipe nationale, "les éperviers du Togo", s'est qualifiée pour la coupe du Monde 2006, et c'est vraiment l'événement. On ne parle que de ça. On entend la chanson officielle partout dans la rue : "Eperviers Eeh eeh, Eperviers Ooh ooh, on va gagner le match, ooh!" On l'apprend même à l'école! Sur le tableau noir d'une salle de classe, il y avait les questions de l'interrogation suivante : "Quel est le nom du buteur du deuxième but des Eperviers pendant le match qualificatif face au Congo? Quel était le nom de l'arbitre?" Difficile le programme scolaire... Tout le monde porte le maillot de l'équipe nationale. Le maillot est jaune, comme les couleurs de l'opposition. Alors le gouvernement a essayé de changer la couleur en vert. Mais c'est la Fédération Internationale de Football qui a refusé... Et puis le fait que le Togo rencontre la France pendant la coupe du monde, ça les motive. Ils ne viennent à la coupe du monde pratiquement que pour ça. C'est vrai qu'ils ont bien envie de prendre une petite revanche sur la France après ce qui s'est passé pendant les élections. Beaucoup nous en veulent pour le soutien de Chirac au fils de l'ancien dictateur lors des élections. Finalement, moi aussi ça me ferait plaisir que le Togo donne une petite leçon à la France. En attendant il y a la coupe d'Afrique des Nations fin janvier ca devrait déjà donner une ambiance sympa dans la rue.
12:55 Publié dans Togo | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Salut Youri,
Merci encore pour ce dense récit.
Le manque de respect et de conscience des dirigeants pour leur pays est paradoxal
avec le sourire des habitants, le dévouement et la passion des humanitaires !
Comment rester insensibles à tant de besoins dans un pays qui semble ne demander qu'à vivre heureux?
Bonne continuation et bonjour à tes élèves.
Valérie (Leproust)
Écrit par : Valérie Leproust | 04/01/2006
Salut Youri,
Tout d'abord, jte souhaite une bonne année, une bonne santé et puis tout ce qui va avec...
C'est génial tes récits.on a l'impression d'y être.Il suffit de fermder les yeux. enfin, c'est dur de fermer les yeux et de lire en même temps... mais a part ça, TERRIBLE!
C'est quand même dingue ce que tu raconte a propos des dirigeants. jpensait bien que ça se passait comme ça, mais pas a ce point!
Continue à nous faire réver et aussi à dénoncer tout ça.
A bientôt
Yann
Écrit par : Yann Lebossé | 06/01/2006
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