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13/07/2013

Sur la route de l'arc en ciel - 1

Le soleil n'est jamais aussi beau qu'un jour où l'on se met en route”

Jean GIONO

 

Je voudrais vous raconter un petit périple que j'ai fait en stop la semaine dernière.

J'étais bloqué avec mon spectacle de théatre jusqu'au 30 juin mais ça me démangeait de partir. Je voulais en particulier rejoindre un rassemblement rainbow qui se tenait jusqu'au 8 juillet. Un rainbow, c'est un arc en ciel, mais c'est aussi un rassemblement hyppie, comme il s'en faisait dans les années 70. Ca existe encore mais c'est plus ou moins secret, il faut avoir l'info. Et on venait justement de me donner l'info pour celui de cette année qui se déroule près de Dignes, dans les Alpes du sud. J'avais déjà participé à un de ces rassemblements en Italie et j'avais adoré l'ambiance. C'est très bon esprit, « peace and love » évidemment, mais aussi, contrairement à ce qu'on pourrait croire, sans alcool et sans drogue, et toujours dans de très bons coins de nature. J'étais donc tout enthousiaste à l'idée d'en revoir un en France et en plus dans un coin que je ne connaissais pas.

 

Par une belle après-midi de juillet, me voici donc en route pour le rainbow. C'est le 1er juillet, la journée est splendide, l'été semble enfin être arrivé. C'est une journée idéale pour faire du stop, il ne fait pas trop chaud, il y a une petite brise venue de la mer, on sent l'odeur légère de l'air marin. Je sors de chez moi tout enthousiaste avec mon gros sac et mon petit carton « Montpellier ». Je pourrais prendre le bus pour aller à Montpellier, ça ne coute que 1 euro. Mais je suis tellement motivé que je veux commencer le stop tout de suite. Ça donne l'impression de commencer l'aventure dès maintenant. Car voyager en stop donne tout de suite un petit air d'aventure. On ne sait jamais ce qui va se passer, quelles rencontres on va faire, combien de temps on va attendre, jusqu'où nous emmènera la voiture. C'est seulement depuis cette année que je me suis remis à faire du stop, par manque de sous au début, et puis en fait, ça me plait bien. Chaque journée de stop est comme une aventure, dans une même journée on passe par de grands moments de désespoir quand on se retrouve à poireauter parfois des heures, puis par des périodes de grand enthousiasme quand au moment où on n'y croyait plus, quelqu'un s'arrête à l'improviste et vous fait soudain avancer de 200 km, avec une bonne voiture confortable et une conversation interessante de surcroit. Et puis ça donne une telle satisfaction quand on atteind finalement au but.

Se retrouver à faire du stop est une situation très particulière car rien n'est sûr, on s'en remet à la bonne volonté des autres, on ne maitrise rien, il y a toujours le risque de rester bloquer. Je trouve que c'est une petite expérience philosophique à chaque fois. Il faut de la patience et un certain état d'esprit, ne pas maudire chaque voiture qui vous passe devant sans s'arrêter. Au contraire, leur souhaiter une bonne journée mentalement, être patient et remercier enfin quand s'arrête une voiture. Bon, et puis il faut aussi de préférence du soleil et du temps devant soi. Et dans l'idéal une tente pour pouvoir camper en chemin si on n'arrive pas au but dans la journée.

 

Je pars donc sur la route par une belle après-midi de juillet. Il y a environ 300 km de route jusqu'au lieu du Rainbow, mais la fin du parcours consiste en de petites routes de montagne et je sais que je n'aurai pas le temps d'arriver ce soir. C'est pas grave, je camperai en chemin.

Je m'installe tranquillement à l'ombre d 'un platane. Quand il y a un grand soleil et qu'on trouve un coin à l'ombre avec de la place pour qu'une voiture puisse s'arrêter, c'est parfait. Je m'installe donc là tranquillement et me prépare à attendre un petit moment. Je présente mollement mon carton où j'ai écrit « Montpellier ». Je ne suis pas pressé, c'est le début du voyage. Je savoure l'ombre.

Mais une voiture s'arrête aussitôt dans un crissement de freins. Par la fenêtre, une fille toute joyeuse me dit de monter. Elle est trop contente de rencontrer un autostoppeur, elle aussi elle va faire du stop, sa copine l'avance un peu sur la route, elle va vers Nice, on peut faire la route ensemble. J'hésite un peu, car je m'étais déjà imaginer mon voyage tranquille en solitaire, mais bon pourquoi pas ? Je monte. La fille s'appelle Solsticia, c'est une bergère qui part faire la transhumance dans les montagnes au-dessus de Nice. Là elle est super contente parce qu'elle a croisé par hasard un copain dans les rues de Lodève et puis elle est trop contente de faire du stop, et tout et tout. En fait elle est complètement excitée... Elle ne s'arrête plus de parler, avec une voix forte, nasillarde. Au bout de 5 minutes j'en ai déjà marre. Oulah, il va falloir que je fasse toute la route avec cette fille... C'est pas vraiment le voyage peinard que j'avais imaginé.

En fait la copine ne nous dépose même pas à Montpellier, mais à Gignac à mi-chemin, sur un rond-point désert au milieu des champs, en plein cagnard, pas une trace d'ombre. C'est trop le mauvais plan. Je ressors mon panneau « Montpellier » mais Solsticia me dit qu'en fait, elle, quand elle fait du stop, elle préfère ne pas utiliser de panneau. Mais je fais comme je veux... Bon, je remets mon panneau dans mon sac. On attend quelques minutes. Personne ne s'arrête. Au fait, elle avait oublié de em dire, il faut qu'elle soit impérativement à Nice ce soir, donc si vraiment personne ne s'arrête elle continuera toute seule, car les voitures s'arrêtent plus facilement pour une fille toute seule... Mais alors elle est gonflée celle-là! C'est elle qui m'a emmené dans cet endroit paumé et après elle me dit ça. Ouh, elle me saoule... Au bout de 5 minutes, une 4L surchargée s'arrête. En tassant bien on pourrait peut-être rentrer à deux mais je profite de l'occasion. Je dis à Solsticia, « oh bah zut, il n'y a de la place que pour une personne, bon tant pis vas-y, je me sacrifie » Elle n'insiste pas du tout et s'en va toute contente. Bon débarras ! C'était un don du ciel cette 4L...

Après un quart d'heure, une autre voiture s'arrête et c'est parti. Après quelques minutes de conversation, il apparaît que la conductrice est une maitresse de l'école Calandreta de Gignac. Les écoles Calandreta, ce sont ces écoles bilingues français-occitan, qui appliquent la pédagogie Freinet. Elles sont géniales ces écoles, je le sais j'ai fait un stage de deux jours dans l'une d'elles. Elle me raconte que les enfants s'y sentent tellement bien que le soir ils ne veulent plus partir.

Elle me dépose à un rond-point 15 kilomètres avant Montpellier. Je fais des sauts de puce mais j'avance. Une autre voiture s'arrête, encore une femme, et c'est encore quelqu'un en lien avec la Calandreta. C'est une parent d'élève cette fois. Et son mari, c'est celui que j'ai vu dans le spectacle de théâtre-forum à Lodève mardi dernier. Le monde est petit.

Elle me dépose à Montpellier à une station de tramway. À montpellier il n'y a pas de rocade alors c'est un peu galère pour rejoindre l'autoroute. Le mieux c'est de traverser en tram jusqu'à l'entrée d'autoroute. J'arrive ainsi en tram devant l'immense rond-point juste à côté de l'échangeur de l'autoroute Lyon-Barcelone. C'est tout embouteillé. Il n'y a aucun endroit où les voitures peuvent s'arrêter (ça s'est important quand on fait du stop.) Et surtout, je découvre avec horreur que ça grouille de stoppeurs sur le rond-point, il y en a bien 5 ou 6, disséminés un peu partout, c'est limite ridicule. Ça c'est la grosse galère. Plutôt que de me galérer là, je fais le petit malin et je remonte une des routes qui mènent au rond point. À 100 mètres en amont du rond-point je trouve un bon endroit avec un parking sur le bas-côté. Je ressors mes panneaux de mon sac. Cette fois-ci, je marque direction « Nîmes ». Il y a justement une camionette garée là. Le chauffeur s'est arrété un instant pour bien refermer ses portières. A tout hasard je lui demande s'il va vers Nîmes. Bingo ! Il peut m'emmener jusqu'à la sortie de Lunel. Parfait. Ce qui m'intéresse, c'est qu'il me fasse rentrer sur l'autoroute. C'est souvent le plus dur quand on fait du stop. Après on se fait laisser sur une aire d'autoroute et c'est bon, on peut continuer plus facilement.

C'est un artisan en plomberie. C'est souvent des artisans qui prennent en stop, tous ces métiers qui passent du temps sur les routes, qui vont de chantier en chantier. C'est le début des vacances, il y a plein de monde sur l'autoroute. Il commence à pester contre ceux qui ne vont pas assez vite. « regarde ce crétin qui ralentit parce qu'il a peur que le camion ne se déporte. Ils ne savent pas conduire les gens. Ah j'en étais sûr, c'est une femme... » On croise plusieurs voitures en panne sur le bas côté. «  Regarde moi ces abrutis en panne, pff, encore des vacanciers, il faut faire réviser sa voiture avant de partir en voyage... » Il m'explique que lui n'utilise jamais le clignotant mais c'est pas pareil, il regarde avant de se déporter..

Bref, le cliché du gros beauf au volant. Ça va bien 5 minutes ses réflexions, heureusement on arrive rapidement au niveau de l'échangeur de Lunel où il me dépose en me garantissant que là le stop ça va marcher. J'aurais préféré une aire d'autoroute mais bon...

Résultat je poireaute un moment car en fait c'est nul comme endroit pour faire du stop. Les voitures n'ont pas de place pour s'arrêter et la plupart vont vers Montpellier. Au bout d'une demi-heure, une voiture s'arrête. C'est un charpentier, bien sympa, lui aussi va vers un chantier. Dans sa voiture il y a la clim, c'est cool. Il reçoit un appel, on essaie de lui caser un rdv pour vendredi mais c'est pas possible, il a prévu un gros WE de plongée à Cadaquès. La classe.

Au niveau de Nîmes, je dois bifurquer direction Marseille tandis que l'autoroute principale continue vers Lyon. Dans ces cas de bifurcation d'autoroute, où évidemment on ne peut pas se faire dèposer à l'embranchement, le mieux est de se faire déposer à l'aire d'autoroute juste avant. Pas de chance, elle est justement fermée. Catastrophe! Du coup, on dépasse l'embranchement. Il finit par me laisser à une des entrées de Nimes.

Bon, ça devrait être jouable, à l'entrée du péage, un panneau indique la direction de Marseille, donc certains passent par là pour aller vers Marseille. En plus, il y a un beau Pin parasol qui fait une bonne ombre. C'est une énorme barre de péage, il y a du monde. Je m'installe juste après le péage, là où il y a un petit parking pour ceux qui veulent remettre leurs affaires en place avant de s'engager sur l'autoroute. Ça marche bien d'habitude. Je brandis mon panneau « Marseille ». Au bout d'un moment je vois d'autres stoppeurs qui s'installent, mais eux directement au niveau du guichet. Ils sont aguerris, il font une petite corégraphie. Je regarde leurs panneaux : ils vont vers Montpellier. Ça va, ce ne sont pas des concurrents. Ils finissent par se faire prendre. Tant mieux pour eux. Arrive un autre qui lui aussi se fait prendre. Et moi j'attends toujours.

J'observe la vie passionante d'une barrière de péage : de temps en temps, une employée remplace des rouleaux dans le guichet automatique ; une voiture se retrouve bloquée car son pass Télé-péage ne marche plus. Un autre s'est garée trop en avant, il doit faire marche arrière pour atteindre le guichet, mais entre temps une voiture est arrivée derrière et doit reculer aussi, mais il y a encore une autre voiture qui arrive. Réaction en chaîne. Ça me fait penser à une scène des Bidochons...

Bon, ça fait une heure que je suis là, ça devient lassant. Le bruit des voitures finit par être saoulant. Je fais une petite pause, petite sieste un peu à l'écart. Puis je réessaie. Encore une heure. Bon, apparement personne ne va vers Marseille en fait. Je risque d'attendre très longtemps. C'est le genre de situation où il faut changer de stratégie. Le mieux à faire est d'essayer de rejoindre la prochaine entrée d'autoroute, celle qui est directement sur l'autoroute Nimes-Arles. C'est pas si loin. Je reprends mon sac et traverse à pied la périphérie de Nîmes. Heureusement je finis par tomber sur un genre de tramway qui mène directement à l'autre entrée d'autoroute.

C'est un petit échangeur juste à deux guichet, tranquille. Au bout de 5 minutes quelqu'un s'arrête. Il va vers Aix. Parfait.

Une belle voiture climatisée. Il bosse pour un fabriquant de photocopieurs. C'est le numéro 2 de la boite. Il a des horaires 7-19h et travaille sur Nîmes en habitant à Aix. Quelle vie... Mais il a une belle voiture, une DS4. Il m'explique l'intéret d'avoir une voiture haut de gamme mais française. Avec une BMW, c'est beaucoup plus dur de négocier et de dire que c'est impossible de faire un rabais supplémentaire, parce qu'en voyant votre voiture les clients pensent que vous vous faites un maxi bénefice. Sa DS4 de citroen coute le même prix qu'une BMW mais comme c'est citroen, les gens pensent que c'est moins cher. Stratégie...

On traverse la plaine de Camargue, passe à côté de la vieille ville d'Arles puis voici les montagnettes de Provence. Tout de suite, changement d'ambiance, c'est super joli avec la lumière rasante de fin d'après midi. Là, j'ai enfin l'impression d'avancer, de changer de coin. On sent bien la différence entre le Languedoc et la Provence.

Je lui demande de me déposer à l'aire d'autoroute juste avant Aix, mais - malédiction! - celle-ci aussi est fermée ! Décidemment j'ai pas de chance aujourd'hui. Il me dépose donc à une des sorties d'Aix.

Je marche un peu pour me remettre sur l'entrée d'autroute qui se trouve 500 mètres plus loin. Je voudrais atteindre Draguignan avant la nuit. Puis je bifurquerai vers les montagnes.

Une voiture s'arrête, un Espace. Le gars habite à 30 km d'Aix dans la campagne, il est ravi de s'être installé là-bas avec sa femme, il dit que c'est trop beau. Effectivement, le paysage est maginifique. C'est la première fois que je vais dans ce coin. D'habitude il rentre chez lui par la nationale car ça coute moins cher, mais comme il m'a vu, il s'est dit pour me dépanner , il allait prendre l'autoroute. Et bé, trop sympa le gars!

Il me dépose sur une petite aire de service qui cette fois est ouverte. Juste une voiture. Je vais direct lui demander s'il peut m'avancer sur la route. C'est bon. Chouette. On traverse des paysages splendides, des petites plaines couvertes de vignes entourées de grandes collines boisées. C'est très peu construit. C'est un endroit assez tranquille de la Provence, l'arrière pays du Var. Il me dépose à une grosse aire. Il doit être 20 heures. Comme l'endroit est super beau, je décide de quitter l'autoroute à cet endroit. Il y a justement une petite route de campagne qui croise l'autoroute. Par contre c'est la grosse galère pour quitter l'aire. Tout entourée de grillages, j'ai l'impressiond'être parqué. Je finis par escalader le grillage pour m'échapper, c'est un epu comme si je m'évadais d'un camp...

Je me retrouve sur une petite route de campagne déserte qui grimpe la colline. Je marche. Athmosphère paisible, belle vue sur tous les alentours, c'est le coucher du soleil. Je marche encore pour passer de l'autre côté de la colline et ne plus entendre le bruit de l'autoroute et je peux poser ma tente dans la pinède. Ouf ! Ce n'était qu'une demi-journée, mais ça avait déjà un parfum d'aventure..

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