03/10/2007
Venise à vélo, c'est pas une bonne idée
Le festival Ciclomundi de Portogruaro durait tout le week-end. J'avais un petit stand réservé où j'ai mis quelques panneaux d'informations sur mon tour d'Italie, mais j'ai passé la plupart du temps à me balader dans le festival. C'était plein de voyageurs à vélo qui présentaient leurs voyages à l'autre bout du monde, en Islande ou en Mongolie. Comme quoi, il y a plus fou que moi... J'ai pu assister à une conférence sur la ciclosophie, la philosophie du vélo. Ça paraît un peu absurde comme ça, mais c'est pas si faux car voir le monde depuis une bicyclette peut changer la vision des choses. Ivan Illich a dit que la démocratie peut se faire seulement à la vitesse d'un vélo. Il y avait aussi un stand de réparation gratuite tenu par deux jeunes qui font des competitions de réparation de vélo. En tout cas, ça tombait bien pour moi car je me suis apperçu qu'une roue de mon chariot était crevée. En y regardant bien, c'est le pneu lui même qui était si vieux qu'il était devenu transparent par endroit. J'en ai donc profité pour changer tout ça. Le festival s'est conclu avec un concert, avec des chansons 100% vélo. Le festival fini, j'ai quitté Portogruaro. C'était le point le plus au nord de mon voyage. Maintenant, direction plein sud, à travers les marais maritimes qui entourent la lagune de Venise. J'atteinds la mer au niveau de Caorle. Ça fait un peu penser à quand on arrive au Grau du Roi depuis Aigues Mortes. Des marais déserts et au loin une barre d'immeubles le long du bord de mer. Le centre ville est mignon, c'est un bourg antique. Ici assi il y a une tour penchée! C'est la quatrième que je rencontre, après celles de Pise, de Bardolino et Portogruaro. Décidemment, c'est une spécialité italienne.. J'y ai dormi à l'abri du porche d'une vieille église, étrangement située en plein sur la digue de protection à la mer. J'ai bien fait de m'abriter sous le porche car en pleine nuit est passé un orage du tonerre. Ici je ne risquais rien vu que dans le passé, cette église s'est fait submergée par une inondation maritime, et pas une goutte n'est rentrée à l'interieur. C'est marqué sur l'église... Le problème c'est q'en Italie les églises sont pas mal fréqentées et dès 7h du matin il y a les premiers fidèles. Alors je me dépêche de déguerpir. Je continue de longer la côte vers le sud. C'est une succession de station balnéaires désertes, avec ne drôle d'ambiance de ville morte. Et oui, c'est septembre maintenant et il n'y a plus un chat, à part quelques touristes d'Europe de l'Est qui profitent des pris hors saisons. C'est vrai qu'ici je suis à moins d'une centaine de kilomètres de la Slovénie. Après quelques heures de route littorale bien monotone, j'arrive devant la Bocca di Lido, c'est-à-dire l'entrée de la lagune de Venise. Voilà qui devrait rompre de la monotonie. Venise quand même, c'est pas rien. On distingue la silhouette des campaniles et des coupoles derrière un groupe d'îlots boisés. Venise en fait je connais déjà, j'y étais passé en allant en Croatie. Mais j'étais arrivé en train. Cette fois-ci, j'arrive de l'autre côté, côté mer, avec le ferry. En attendant le ferry, je vais faire un tour sur la digue, à l'entrée de la lagune. Mais à la place de la mer, il y a un chantier, un chantier énorme : le Mose. Est-ce que vous avez déjà entendu parlé du Mose, le projet gigantesque pour sauver Venise des eaux. Le but est d'installer d'énormes écluses pivotantes à l'entrée des trois passes qui mettent la lagune de Venise en relation avec la mer. Et ces écluses se fermeraient lors des grandes marées. Un projet titanesque avec un budget monstrueux de 4 milliards d'euros pour un résultat plus qu'incertain. Un projet typique années 60 quand l'homme croyait pouvoir dominer la nature à tous prix. Selon un panel d'experts, parmi la dizaine de solutions possible pour remedier au problème des hautes eaux de Venise, le projet Mose se place à l'avant dernier poste. Ce qui n'a pas empêché le gouvernement Berlusconi d'en vôter en hâte le début du chantier en 2003. On se demande bien qi a le pls d'intérêts dans l'affaire, sachant qu'en Italie, les grands chantiers d'infrastructures inutiles sont le plus sûr moyen de s'enrichir facilement. Certes, Venise s'enfonce, pendant que le niveau de la mer s'élève petit à petit, c'est pourqoi la cité est de plus en plus souvent inondée lors des grandes marées. Mais quelles sont les causes? Si Venise s'enfonce, il y a de fortes présomptions sur l'énorme zone industrielle de Porto Marghera, de l'autre côté de la lagune, qui a exploité les nappes de méthane situées sous la lagune. Maintenant, ces nappes sont vides et tout la région s'affaisse lentement puisqu'à la place du gaz, il y n'a plus rien. De plus, pour s'étendre la zone industrielle a construit quelques polders qui ont réduit la capacité de la lagune. Et dans le même temps, on a aggrandi les passes à la mer pour faire passer les cargos et les bateaux de croisières énormes. Ainsi, l'eau de mer entre plus facilement mais la lagune peut en contenir moins puisqu'elle a été réduite. Et maintenant, au lieu de chercher à revenir à l'équilibre initial on continue dans la course en avant. Pour faire le Mose, il doivent recreuser complètement les passes et ancrer les ecluses si profondement que ça risque d'atteindre les anciennes nappes. Enfin bon, c'est complexe mais beau désastre écologique et artistique en perpective, ainsi qu'un gros gaspillage. Tout en pensant à ça, j'ai fini par atteindre le bout de la digue qui s'avance loin dans la mer. Quand je me retourne, j'ai face à moi un énorme nuage noir. Je me dépêche de revenir en arrière mais je n'évite pas une grosse averse. Le ferry arrive. Je vais d'abord jusqu'à Lido pour franchir la passe puis je prends un autre ferry jusqu'a Venise. J'arrive par la face cachée de Venise : l'arrivée de la digue qui la relie à la terre. Ici, ce ne sont que d'énormes parkings remplis de cars touristiques et de voitures. Passée cette verrue, j'atteinds le Grand Canal, face à la gare. À Venise, je suis accueilli par Chiara et Davide de Legambiente qui habitent en plein coeur de Venise. C'est trop fort d'être logé en plein Venise mais le problème, c'est qu'il y a les ponts. Et les ponts venitiens c'est la grosse galère à passer en vélo, parce qu'il y a des marches. Alors je dois me porter la bicyclette, puis retourner chercher le chariot, et refaire ce manège pour chaque pont, avec la pluie qui a recommencé. Pour une belle arrivée à Venise, c'est réussi. Chiara et Davide habitent le long d'un canal tranquille. Leur appartement, situé dans une vieille batisse, est tout incliné, ce qui est le cas de la majorité des maisons de Venise qui se sont enfoncées de plusieurs dizaines de centimètres par endroit. Mais ça tient, et ça s'est arrêté de s'enfoncer depuis que l'exploitation des nappes souterraine s'est terminée. Drôle de coincidence. En tout cas, ces appartements biscornus au milieu de l'eau, ça donne un peu le mal de mer... Pendant 2 jours, je vais vivre le quotidien du vrai Venise, dans les quartiers où vit la population, loin des touristes. C'est tranquille, serein. Ne ville entièrement piétonne avec de l'eau partout, c'est agréable. Imaginez, 60.000 personnes qui vivent sans voitures, et qui n'ont pas l'air de s'en plaindre. Ce doit donc être possible. Et puis en plus c'est beau ici, c'est magnifique, jusqu'à la moindre ruelle. Mais bon, ça on le sait déjà. Et la Legambiente qu'est ce qu'ils font ici? Ils se sont mis en tête de transformer une des îles de la lagune, jusque là abandonnée, en réserve naturelle, pour donner un peu de nature aux Vénitiens qui manquent d'espaces verts. Chiara m'y emmène. Elle est située juste en face de Venise, on y arrive avec le vaporetto. Cet îlot a abrité une chartreuse au XIIIème siècle, puis la République de Venise y avait édifié des fortifications. Ce système défensif a fonctionné jusqu'à l'arrivée de Napoléon, qui est brièvement passé par ici lors de sa campagne d'Italie, juste le temps de mettre fin à la république quasi-millénaire de Venise. Et tout ça pour ensuite donner venise aux Autrichiens l'année suivante. Autant dire que les venitiens n'aiment pas Napoléon, qui a juste été bon à leur faire perdre leur indépendance. Quoi qu'il en soit, cet îlot est à présent couvert d'une jungle de ronces. Depuis 3 ans Legambiente y organise des camps de volontaires pour défricher les broussailles et rendre accessible le site au public. Ils l'ont même rendu tellement accessible que cette année ils ont eu la bonne surprise de voir qu'une école de design s'était installée dans une zone qu'ils avaient nettoyée... C'est un peu bizarre, ce bâtiment, en plein milieu des broussailles. Le responsable est un promoteur qui petit à petit est en train de racheter les îles de la lagune, pour y faire des marinas, hotels et autres projets du genre. Mais sur le coup de l'école de design, il fait très fort. Ça fait très saugrenu. Enfin voilà, Venise sous un autre angle un petit peu. Avec tout ça, c'est la 3ème fois que je viens à Venise et je n'ai toujours pas vu la place St-Marc. Ce sera pour une autre fois. Maintenant, direction Padoue
18:01 Publié dans Tour d'Italie | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
Salut frangino , alors elle est comment ta cyclosophie depuis que tu es sur ton vélo? Ton regard sur le monde as t'il changé ? Je vais ce soir à la réunion de l'asso Brest à pied et à vélo. Brest c'est pas une ville trés évidente à vélo car c'est plein de pentes et le temps est souvent humides, mais je trouve qu'il y a quand même pas mal de gens à vélo qui vont à la fac par exemple. Le probléme de la ville c'est l'absence de circuits continus à faire à vélo, il n'y a que des bouts de pistes cyclabes qui arrive avec les nouveaux travaux de routes et en plus ces voie cyclabes sont directements collés aux grosses routes alors qu'il y aurait possibilité de les faire passer par des petites routes plus tranquiles. J'ai appris que la création de ces pistes cyclabes dans tout les projets récents est lié à la loi sur l'air de 1996 . Un des points majeurs de cette loi est qu’il est fait obligation d’aménager des itinéraires cyclables (pistes, marquage etc...) à l’occasion de tout réalisation ou rénovation concernant la voirie urbaine.
Qu'en est-il de la législation en italie à ce sujet ? Bon je vais faire de la pub pour ton blog ce soir. à bientôt
Écrit par : jérôme | 04/10/2007
Dans toutes les villes où je passe, quand il y a des pistes cyclables, il y a le même problème. Manque de cohérence du réseau. Des petits bouts de piste par ci par là, mais ensuite des portions non aménagées où il est dangereux de passer. Toutes les assos cyclistes sont d'accord. Pour que le vélo se développe, il faut d'abord un bon réseau qui permette de se déplacer en sécurité. À padoue, l'asso a proposé une carte avec les portions à aménager pour compléter le réseau. Ils ont fait une énorme pétition, une grosse manif à vélo et ont fini par obtenir gain de cause. Je raconterai bientôt ça.
Écrit par : Youri | 05/10/2007
J'aime bien tes photos avec le petit chariot comme vedette, même au clair de lune !
Je t'envoie des e-mails qui me sont toujours renvoyés parce qu'ils sont refusés par ton serveur (c'est peut-être à cause de l' anti-virus)
Écrit par : M-M VAILHE | 07/10/2007
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