17/01/2009
Capodanno!
Cette année, pour une fois, j'ai passé le Jour de l'An à Naples, un peu involontairement il est vrai. Les autres années j'avais bien pris soin de m'échapper avant le jour fatidique. Parce qu'à Naples, comme pour le reste d'ailleurs, le jour de l'An ça sort de l'ordinaire et tous les Italiens vous diront que c'est dangereux de rester dans la ville ce jour là. Tous les ans, le 1er janvier, les journaux font le bilan des morts et des blessés à la suite de la nuit de la Saint Sylvestre. Qu'est ce qu'il peut bien s'y passer cette nuit là pour provoquer une telle catastrophe? Des affrontements entre clans de mafia? Des accidents de voitures à cause de l'alcool? Et bien non, c'est encore plus bête : c'est tout simplement que cette nuit là, les napolitains sont particulièrement contents. Et quand ils sont contents, les Napolitains... vaut mieux se planquer.. Ils sont encore plus fous que d'habitude!!!
Le 31 au matin, on commence à entendre des bruits d'explosion un peu partout dans la ville. Le long des ruelles, les petits vendeurs de feux d'artifice se sont installés. Les parents y achètent des fusées et des pétards pour leurs enfants et ils commencent déjà à les essayer dans la rue au milieu des passants. Le papa montre à son fils comment positionner le pétard en équilibre sur la tête d'une statue et allumer la mèche. De temps à autre, les ados allument une fusée au milieu des passants, ça fait boum et tout le monde continue comme si de rien n'était. Il faut qu'ils s'amusent les braves petits... Il y a une atmosphère plus ou moins bon enfant. Au fur et à mesure de la journée, on sent la tension qui monte. Tout d'un coup vers 17 heures, les magasins se mettent à fermer. Ca fait très bizarre parce que d'habitude, surtout les jours de fête, les magasins restent ouverts jusqu'à tard. Mais là on sent que tout le monde à envie de rentrer chez soi en hâte. Pas spécialement pour aller faire la fête, mais plutôt pour aller se mettre à l'abri. Et c'est vrai que ça commence à devenir du sérieux. Dans les rues maintenant quasi-désertes, on entend des bruits d'explosion de plus en plus fréquents. Je dis des bruits d'explosion, mais il faut vraiment imaginer des bruits de bombe. Ce sont les fameuses "Bombes de Maradona", des feux d'artifices normalement interdits, qui font le bruit d'une vrai bombe, mais sans lumière. Et ce bruit est amplifié par la résonance des ruelles. Ca peut venir de n'importe où. Le long de l'avenue déserte, je me dirige vers la gare. Ca fait très bizarre. Les bruits d'explosion qui retentissent à droite, à gauche, on ne sait pas d'où ça vient. Des bruits de mitraillettes aussi(d'autres types de pétards...) On se croirait vraiment en pleine guerre. Ils ont déjà tiré tellement de feux d'artifice qu'il y a dans l'air une espèce de brume provoquée par la fumée des explosions.(Ca paraît dingue mais je n'exagère même pas..) Sur la place de la gare quelques rares passants errent ça et là. Dans un coin de la place, il y a un grand feu, un tas d'ordure auquel quelqu'un vient de mettre le feu. Et il y a un bruit étrange, un grouillement très fort au-dessus de nos têtes. Mais on ne voit rien... En regardant un peu mieux je m'aperçois que ça vient d'un bouquet d'arbre dont le feuillage tremble. Ce sont les oiseaux, tous les oiseaux de la ville qui se sont réfugiés dans ces arbres. Ils sont complètement paniqués avec ces bruits de bombe. Tout d'un coup une explosion juste en dessous de l'arbre et un immense nuage d'oiseaux vrombissant s'envole à la recherche d'un autre abri... On n'a qu'une envie, c'est s'échapper. Mais arrivé à la gare, je m'aperçois qu'il n'y a plus de trains. C'est trop tard, ce jour de fête presque tous les trains ont été annulés! Et bien comme ça pas le choix, malgré moi je vais pouvoir assister au spectacle...
Vers dix heures, on constate une certaine accalmie. C'est qu'après s'être bien amuser à essayer les fusées, il est l'heure de passer à table pour les Napolitains. Tout le monde mange. C'est le moment d'en profiter pour sortir en sécurité. A minuit je compte bien regarder les feux d'artifice mais pour bien voir et être en sécurité, je connais une petite colline qui surplombe la mer. Je passe devant la Place du Plébiscite où il y a un peu de monde autour du concert organisé par la commune et grimpe sur la colline. Une demi-heure avant minuit, les explosions recommencent, ça s'excite, les feux d'artifice sont de plus en plus nombreux, ça part de partout. Les cargos stationnés dans la baie lancent de temps à autre un coup de corne de brume. Les énormes navires semblent un peu des bateaux fantômes avec leurs lumières rouges qui illuminent le nuage de brume qui commence à retomber sur la mer. 5 minutes avant minuit c'est déjà la cacophonie. Tout le monde est sorti sur la terrasse, les gens tirent depuis le balcon, depuis les ruelles étroites. Chacun fait partir un feu d'artifice complet digne du 14 juillet d'une bourgade française moyenne. Les fusées jaillissent dans tous les sens, aussi en diagonale vers les balcons des voisins, il y a des feux de Bengale, des fusées tournoyantes qui explosent sous notre nez. Il y en a partout!! A minuit, on atteint l'apothéose, toute la ville est recouverte d'explosions colorées, et même toute la Baie de Naples, les cargos ont fait partir leurs fusées de détresse avec la corne de brume en continu, tout le monde lance des cris de joie, et ça pète de partout, et ça dure. Une demi-heure après c'est toujours le même bordel, l'intensité n'est pas retombée d'un poil. Je ne sais pas combien de réserve de fusées les napolitains accumulent dans leurs maisons, ils doivent avoir des caves secrètes remplies à ras bord.... C'est incroyable, ça continue, ils ne se lassent pas, et ça repart de plus belle! Au loin on voit que la fête continue aussi dans la banlieue, dans les villes autour du Vésuve, mais petit à petit la fumée des feux d'artifice finit par obstruer complètement le panorama. Evidemment la Commune de Naples n'a fait pas de feu d'artifice à minuit, ça passerait complètement inaperçu au milieu de ces milliers de fusées. Mais pour ceux qui en veulent encore, elle l'organise à une heure trente du matin, devant le Château de l'Oeuf. D'ailleurs les familles commencent à arriver pour réserver les places avec les meilleures vues. Comme chaque occasion est bonne pour faire des sous, il y a aussi les vendeurs ambulants qui vendent des bouteilles de champagne, des chapeaux fluos clignotants et autres gadgets. Il y aussi les vendeurs de parapluie. Quand ils arrivent ceux-là, c'est mauvais signe... Et en effet, quelques minutes plus tard il commence à pleuvoir (ça m'étonnerait pas que ça ait été provoqué par cet énorme nuage de fumée des feux d'artifice...) Tant pis pour le feu d'artifice municipal. De toute façon il pouvait difficilement faire mieux que celui spontané organisé par la population. Il y a une légende qui dit qu'à minuit, le Jour de l'An, les Napolitains balancent par la fenêtre tous leurs ustensiles usagés, inclus frigos et machines à laver. J'en ai bien vu qui se débarrassaient de leurs vieilles cordes à linge ou d'une chaise cassée sur le pas de la porte, mais heureusement je n'ai assisté à aucun lancer de frigo (on dit que Naples ce n'est plus ce que c'était...) Enfin voilà, le Jour de l'An se termine, quelques dernières explosions, mais la pluie a calmé l'ardeur des plus enthousiastes.
Le lendemain, dans les journaux, bilan de la nuit. Quelques blessés évidemment, dont la fusée leur a explosé entre les mains, mais seulement un mort : quelqu'un qui, dans la joie du moment, a tiré des coups de feux en l'air depuis sa fenêtre, mais pas de chance, il y avait le voisin sur le balcon au-dessus et le pauvre homme est mort sur le coup transpercé par une balle... Faut être con quand même....
20:13 Publié dans Naples | Lien permanent | Commentaires (1)