Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/06/2009

La nature napolitaine

Il fait de plus en plus chaud, on se barricade derrière les volets pendant la journée. Dans la rue l'air devient irrespirable, les gaz d'échappement des voitures et des vieux scooters mal réglés stagnent entre les immeubles; pourtant au détour d'une ruelle il arrive souvent que l'on soit soudain enveloppé par un merveilleux parfum de fleurs, mélange de glycine, de jasmin et de fleurs d'oranger qui vient nous rappeler que c'est le printemps. Mais d'où viennent-ils ces parfums, car il n'y a pas un jardin de visible dans les environs?

Naples est en effet connue pour être une ville au tissu urbain extrêmement dense, une des plus fortes densités au monde raconte t-on. (40.000 h/km2 dans le centre ville) Cette ville qui était renommée pour sa douceur de vivre au temps des grecs et des romains, a attiré au cours de sa longue existence tous les habitants du Sud de l'Italie, chassés par l'insécurité dans les campagnes. Au Moyen-age, c'était déjà la deuxième plus grande ville d'Europe, juste après Paris. Pour contrôler son développement, sous la domination espagnole au XVIème siècle, on a émis des lois qui interdisaient les nouvelles constructions dans les faubourgs. On pensait ainsi stopper sa croissance mais la ville a continué de se développer à l'intérieur des remparts, occupant le moindre espace libre, empiétant sur la rue et construisant en hauteur. Ce qui fait  que dès cette époque, on avait déjà des immeubles qui atteignaient 7 étages. Cela explique aussi que les ruelles soient si étroites et surtout qu'il n'y ait pas un seul jardin public dans  centre-ville. Vous pouvez même faire des kilomètres et des kilomètres vers la périphérie, vous ne verrez que des maisons le long de route. C'est une des choses qui m'a le plus manqué dans les premiers temps, la nature. Un espace de calme où pouvoir s'échapper un instant de la frénésie de la ville.

Pourtant au printemps, ces parfums de fleurs qui s'échappaient de je ne sais où, ça a commencé à me mettre la puce à l'oreille (ou au nez si vous préférez). Et petit à petit j'ai réussi à découvrir ces petits endroits de paradis, ces oasis de nature …

 

Tout d'abord à l'intérieur des églises. Car de nombreuses églises dissimulent un cloître, et certains de ces cloîtres sont vraiment magnifiques. On ne s'attend pas à trouver un espace aussi grand au cœur du centre ville. Le plus connu est le cloître de Santa Chiara avec ses colonnades en céramiques bleues et jaunes, ses fontaines et ses palmiers. Mais il y en a un autre encore plus grand et beaucoup moins connu à l'intérieur de l'église de San Gregorio Armeno. Il faut y aller avant midi. Il faut sonner et une bonne sœur vient vous ouvrir. Vous quittez ainsi l'agitation de la ruelle et vous vous retrouvez dans un silence ouaté, au milieu d'un immense jardin planté d'orangers et de citronniers. Au centre trône un puits. Ce puits je le connais bien mais de dessous. En effet quand je fais la visite guidée des souterrains de Naples, on passe dessous car les sœurs de ce couvent avaient aménagé à l'intérieur de la citerne du puits un cellier pour stocker leur vin de messe…

De la même manière, de nombreuses autres églises dissimulent un cloître, plus ou moins grand. Il fût en effet une période où les églises faisaient de la spéculation et s'achetaient de vastes terrains à l'intérieur de la ville. Et il y a tellement d'églises à Naples qu'au Moyen Age, près de la moitié de l'espace appartenait aux églises pendant que les habitants s'entassaient dans l'espace restant. Par la suite, beaucoup de ces églises ont été réquisitionnées pour y installer des services de l'Etat. Par exemple, dans le magnifique cloître de San Marcellino se trouve aujourd'hui une section de l'Université dans les anciennes possessions de l'église del Gesù Nuovo on a pu installer pas moins de deux lycées

D'autres jardins se dissimulent à l'intérieur des anciens palais nobiliaires, mais ceux-là sont encore mieux cachés. Une fois, je suis entré à l'intérieur du palazzo de Venezia, à l'occasion d'une exposition. Je suis monté au premier étage, j'allais de salle en salle, et tout à coup j'ai débouché sur une terrasse au milieu d'un jardin luxuriant avec des ficus géants et un petit temple à la mode pompéienne. Et il y en a d'autres des jardins secrets comme ça que l'on entraperçoit quand les portails sont ouverts. Il faut ouvrir l'œil. J'ai même découvert un jardin public inconnu. J'avais été visiter l'église de San Giovanni a Carbonnara (rien à voir avec les pâtes) . Pour accéder à l'église il faut grimper de magnifiques escaliers en demi cercle. Et en sortant de l'église, depuis la terrasse j'ai aperçu de grands arbres sur le côté de l'église et une petite porte ouverte en bas au fond d'une ruelle sans issue. Je suis allé voir et je suis arrivé comme ça à l'intérieur d'un ravissant jardin public, assez grand même et bien tenu. J'étais effaré. Ca faisait deux ans que j'habitais dans le quartier et je ne l'avais jamais vu, moi qui cherchais désespérément un peu de nature. Il faut dire que l'entrée est bien dissimulée, sans aucune indication. Au fond du jardin, il y avait une équipe de jardiniers, tranquilles assis sur des chaises. Quand ils m'ont vu, ils m'ont salué tout contents. Ils m'ont demandé comment je trouvais leur parc, s'il était propre. Je les ai félicités pour leur travail et ils m'ont raconté qu'ils n'hésitaient pas à chasser les enfants qui s'aventuraient à vouloir venir jouer au ballon pour préserver la tranquillité du lieu. Le fait est qu'il n'y a effectivement personne dans ce parc. Au point que ma venue était un événement qui a tout de suite été remarqué. Je me suis informé et il se trouve que ce parc est totalement inconnu, même à ceux qui vivent là depuis toujours… En tout cas moi j'étais tout content d'avoir trouvé ce petit coin de nature mais quand j'y suis retourné, il était fermé. Il y avait un ruban rouge et blanc avec marqué "fermeture pour danger d'éboulement". Et à mon grand désespoir il n'a plus jamais rouvert, mais je soupçonne les jardiniers d'avoir trouvé là un moyen radical pour préserver leur tranquillité…

En cherchant bien, j'ai fini par en trouver des jardins publics mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'on ne favorise pas leur accès. A l'intérieur du Palais Royal, il y a un très beau jardin planté de ficus géants. Mais je l'ai découvert par hasard en allant à la Bibliothèque Nationale. Le jardin se dissimule dans la deuxième cour intérieure et il est d'ailleurs aussi fermé pour cause de travaux. En contrebas, du Palais Royal il y a aussi un autre jardin mais celui est quasi inaccessible à pied, coincé entre la sortie d'un tunnel et le port. Il y règne une ambiance très particulière de déchéance entre les statues délabrées, les fontaines à sec et les chemins défoncés. C'est là que viennent dormir les clochards, certains se sont mêmes installés un campement tout confort et dans un coin du parc, une mini fête foraine illégale, toujours désespérément déserte. Bonjour l'ambiance!

Il y a quand même un parc communal (la Villa Communale) mais il est situé à l'autre bout de la ville, près de la mer c'est vrai, il est grand puisqu'il fait presque 1 km de longueur, mais, mais 50 m de large et bordé par deux grosses avenues embouteillées. C'est un peu comme un terre plein d'autoroute parsemé de statues. Il faut aimer…

Un autre jardin, vraiment magnifique cette fois, c'est le jardin Botanique. Un vrai paradis, avec ses arbres immenses de toutes les espèces. Car Naples, grâce à son climat réussit à faire pousser les espèces soit tempérées que tropicales. Et c'est une merveille. Il y a la zone des palmiers, celle des ficus géants, il y a un secteur avec des cactus aux formes les plus incroyables qui soient, une forêt de fougères où l'on à l'impression de pénétrer véritablement dans la jungle, une plantation d'agrumes avec des citrons monstrueux et des serres qui regorgent d'espèces de plantes qu'on n'imagine même pas qu'elles puissent exister, aux formes bizarres et saugrenues. Au printemps, les camélias y font un tapis de pétales roses, les orangers sont en fleurs, c'est le paradis. Mais ce jardin fait partie de l'université et il n'est donc pas ouvert au public. De temps à autre je réussis quand même à m'y faufiler en me faisant passer pour un étudiant.

Donc en y regardant de plus près on constate que cette ville regorge de trésors verts mais qu'elle les cache bien. Et ce n'est pas fini.

Si vous vous aventurez dans les quartiers de la Sanità, de Mater Dei, en levant la tête vous apercevez que derrière les immeubles il y a des versants couverts de végétation. En fait, le centre ville est entouré par des collines aux versants si abrupts qu'ils n'ont été qu'en partie urbanisés, et on trouve encore de véritables zones de campagne en plein cœur de la ville. Il y a des vallons, plantés d'orangers d'oliviers et de vignes. On y trouve même des fermes avec vue panoramique sur Naples et le Golfe, avec des paysans qui cultivent leurs champs en terrasses. Et la plupart des Napolitains ignorent qu'ils ont ces merveilles à deux pas de chez eux. Il faut dire que ces zones de campagne prennent bien soin de rester cachées derrière des murs car c'est vrai qu'à Naples, dès qu'il y a un petit espace de nature on a tendance à le transformer en décharge sauvage.

Mais moi, depuis quelques mois, j'ai la chance d'avoir accès à un de ces petits coins de paradis. C'est juste à côté de là où j'habitais l'année dernière. De la fenêtre je voyais les vergers et au printemps on sentait un incroyable parfum de fleurs de citronnier et moi je rageais de ne pouvoir y accéder. Et maintenant que j'ai déménagé, voilà que Francesco, mon colocataire, m'a présenté quelqu'un qui a un terrain juste dans cette zone. Ce qui est étonnant c'est que c'est un palestinien, qui s'est débrouillé, je ne sais pas comment, pour louer ces 2 hectares de nature en pleine ville. C'est bien caché derrière un immeuble mais quand on entre, on a la surprise de découvrir un terrain immense. C'est un versant qui a été aménagé en terrasses. Jusqu'à il y a 20 ans, c'était une exploitation agricole et tout le terrain était planté d'arbres fruitiers. Puis ça a été abandonné. Ezeldin, le Palestinien a récupéré le terrain il y a 8 ans et depuis, il essaie de le remettre en état. C'est pas facile car tout a été envahi par les ronces mais petit à petit on libère les terrasses et on retrouve les arbres fruitiers qui avaient été recouverts. Les paysans qui été là avait planté diverses variétés de manière à avoir des fruits toute l'année et une rotation dans les récoltes. De Novembre à avril, les oranges et les citrons; en mai, les nèfles; en juin-juillet, les prunes; en août, les figues et en automne, les noisettes, les noix, les kakis et les châtaignes; puis de nouveau les oranges… C'était malin comme système. Et nous sous les arbres fruitiers on fait du potager. La terre est super fertile vu que c'est une terre volcanique et avec le climat, il est possible d'avoir des récoltes toute l'année. Ce qui fait que je suis en train d'apprendre le potager à Naples. Il faut le faire quand même.

Je vais bientôt avoir mes premières tomates!

16:30 Publié dans Naples | Lien permanent | Commentaires (4)